« Ils sont environ 20 patients à l’hôpital La Rabta à attendre de se faire opérer à cœur ouvert. La crise financière qui ravage l’hôpital et qui est à l’origine de la pénurie, désormais endémique, au niveau des fournitures et équipements médicaux, met de facto leurs vies en jeu ». C’est ce qu’ affirme Jalel Ghedira, chirurgien à La Rabta.
En effet, le service de chirurgie cardiovasculaire au Centre hospitalo-universitaire (CHU) de l’hôpital La Rabta, l’un des plus anciens hôpitaux publics du pays, fait face depuis de nombreuses années à des difficultés chroniques. Celles-ci se sont aggravées au cours de la période récente. Elles ont provoqué un déséquilibre financier. Et ce, en raison du volume élevé de ses créances auprès de la Caisse nationale d’assurance maladie (CNAM). Elles se montent à 34,7 MD, au titre de l’année 2019.
Ainsi, M. Ghedira affirme que « grâce à la disponibilité de dix chirurgiens, le service de chirurgie cardiovasculaire à La Rabta est en mesure d’assurer quotidiennement entre quatre et cinq opérations chirurgicales. Néanmoins, la moyenne quotidienne ne dépasse pas, au mieux, deux interventions chirurgicales. Et ce, en raison du manque de fournitures médicales. Il est dû aux ressources insuffisantes et à l’accroissement des dettes de l’hôpital envers ses fournisseurs.
Car, « pour atteindre une moyenne quotidienne de cinq interventions chirurgicales, il est nécessaire de pourvoir le service de réanimation en fournitures médicales. Et de mettre à disposition, au moins, huit médecins réanimateurs. Afin d’assurer un roulement continu de 24 heures sur 24. Encore une fois, la spirale de la crise financière se répercute sur les activités de l’hôpital; réduisant le nombre d’opérations chirurgicales possibles. Il va sans dire que dans ces conditions de crise permanente, le nombre des patients ne fait qu’augmenter », ajoute le responsable.
L’hôpital au bord de la paralysie totale!
Cependant, la pénurie de fournitures médicales ne représente qu’une goutte dans un océan de crises dans lequel se débat l’hôpital La Rabta. Un établissement hospitalier qui domine la colline portant le même nom. Et situé tout en face de la prison des femmes, au cœur de la capitale.
Pour faire entendre leur voix face à cette situation de crise, les cadres médicaux et paramédicaux ainsi que le personnel hospitalier se mobilisent tous. L’objectif étant de tirer la sonnette d’alarme. Et ce, afin de mettre en garde contre la paralysie des activités de l’hôpital.
Au sujet de la crise, le chef de la Commission médicale, Mohamed Sami Mourali, indique que « l’incapacité de la (CNAM) de s’acquitter de ses engagements financiers envers l’hôpital l’a placé dans une situation d’usure. Celle-ci ne lui permet pas à son tour de payer ses dettes envers ses prestataires publics et privés. Dans ces conditions, la paralysie sera inévitable ».
L’hôpital La Rabta se compose de 36 départements. Ils se répartissent sur diverses spécialités chirurgicales, de biologie, de radiologie et de médecine générale. Il compte 158 médecins universitaires, 31 médecins de santé, dix pharmaciens, huit dentistes, 391 techniciens supérieurs, 530 agents et 147 administratifs. Tous se retrouvent dans un état de panique et de confusion. Et ce, en raison du silence des autorités compétentes et de l’absence de solutions.
De ce fait, les revendications des responsables de La Rabta consistent en le versement, en toute urgence, par la CNAM et à la caisse de l’hôpital, d’au moins 12 millions de dinars. Et ce, comme avance sur ses créances estimées en 2019 à 34.7 millions de dinars.
Puisque « le versement de cette avance permettrait à l’hôpital de rembourser au moins une partie de ses dettes envers ses prestataires. Et ce, afin d’assurer l’approvisionnement en fournitures médicales.
Et menacé par une coupure de l’électricité
Pour sa part, le directeur général de l’hôpital La Rabta indiquait que le volume des dettes de l’institution hospitalière depuis 2016 jusqu’au terme de l’année 2019, s’élevait à 48 millions de dinars. Soit: 24 millions de dinars auprès de la Pharmacie centrale; quatre millions de dinars auprès de Tunisie Telecom; deux millions de dinars auprès de la Société tunisienne d’électricité et de gaz (STEG); un million de dinars auprès de la Société nationale d’exploitation et de distribution de l’eau (SONEDE); deux millions de dinars auprès de l’Institut Pasteur et la Banque du Sang; et 14 millions de dinars au profit des fournisseurs privés.
Par conséquent, M. Mourali affirme, à cet égard, que la gravité de la crise atteint des proportions alarmantes. Les médecins de l’hôpital se retrouvent aujourd’hui obligés d’implorer les prestataires privés de leur prêter les fournitures médicales. Et ce, afin d’assurer les interventions médicales sur des patients épuisés par la maladie. En attendant que la CNAM, à son tour créancière envers les autres caisses sociales, rembourse ses dettes auprès de l’hôpital.
Au final, en proie à une crise sans précédent, « l’hôpital La Rabta, haut lieu historique de la médecine en Tunisie, est aujourd’hui menacé par une coupure d’électricité; la STEG lui ayant fait parvenir une sommation de payement », confirme le directeur de l’hôpital à la TAP.