L’une des qualités d’Elyes Fakhfakh par rapport à son prédécesseur, Habib Jemli, est sa méthodologie.
Ainsi, moins de deux semaines après sa nomination, Elyes Fakhfakh propose le premier draft de la feuille de route de la politique de son Gouvernement. Avec des Taskforce interministérielles pour l’exécuter. Parfait côté forme, le fonds reste bien évidemment discutable.
Les grandes lignes sont là
Par ailleurs, la fibre socialiste du nouveau chef du gouvernement désigné Elyes Fakhfakh (chargé de former le nouveau Gouvernement) est claire. Et ce, à travers un rôle social accentué de l’Etat. Le Gouvernement compte: réduire les inégalités régionales; améliorer le pouvoir d’achat à travers le contrôle des circuits de distribution; redonner vie à l’ascenseur social; et veiller à l’égalité des chances. Il espère réduire le chômage et rééquilibrer le système de sécurité sociale.
En parallèle, le Gouvernement vise à passer à une vraie économie numérique. De même qu’à lutter contre le modèle de rente et améliorer le climat d’affaires. L’intégration de l’économie parallèle et la révision de la fiscalité se feraient vers plus d’équité. Les PME seront soutenues et mises à niveau.
De plus, le traitement du déficit énergétique et la restructuration des entreprises publiques stratégiques seront parmi les priorités. Une solution politique pilote pour que le bassin minier retrouve définitivement son niveau optimal de production est l’un des premiers chantiers envisagés. Le cap sera également mis sur une plus grande intégration de l’économie tunisienne dans celle africaine.
Alors pour avancer rapidement, Elyes Fakhfakh demandera à l’ARP de lui accorder le pouvoir de promulguer des lois; et ce, durant une période prédéfinie. Et qui seront examinées ultérieurement par les députés.
Une nouvelle philosophie
En outre, Elyes Fakhfakh met la barre haute. Avec des objectifs qui font l’unanimité des Tunisiens; mais que toutes les équipes post-2011 ont raté.
Car, la réduction du chômage ne passera certainement pas par la fonction publique. Mais plutôt par le soutien des PME et la transformation du pays en une vraie destination pour les investisseurs étrangers.
En pratique, le premier volet nécessite un accès plus facile aux financements pour les entreprises. Mais aussi la réduction du coût de l’emploi. Cependant, avec l’impossibilité de baisse rapide des taux d’intérêt, le prochain Gouvernement doit mettre à la disposition des entrepreneurs des lignes de financement qu’il négocierait avec les bailleurs de fonds étrangers. Il pourrait également allouer plus de ressources. Et ce, pour prendre en charge les intérêts dans la limite de 3% comme décidé récemment. A court terme, il ne pourrait pas faire mieux.
Quant au second volet de coût d’emploi, il est plus compliqué. Historiquement, les différents gouvernements ont tenté de booster l’emploi par l’exonération des cotisations sociales patronales. Les fruits de cette mesure restent limités. Vu le nombre élevé de demandeurs d’emplois, l’accent doit être mis sur les grands projets capables de recruter des milliers de travailleurs. Ce genre de projets est généralement initié par les investisseurs étrangers. Les attirer par des avantages fiscaux n’est plus possible. Car les Européens, victimes de délocalisation, n’hésiteront pas à nous classer dans l’une de leurs multiples listes noires.
Par conséquent, l’Etat pourrait s’inspirer des décisions prises par d’autres pays. A titre d’exemple, la Chine a décidé de supprimer temporairement l’impôt sur les bénéfices des entreprises étrangères. A condition qu’ils soient réinvestis dans des secteurs clés désignés par les autorités. Ainsi, le volume des investissements augmentera automatiquement chaque année en ligne avec les politiques publiques, tout en réduisant le transfert d’argent. De plus, cet argent pourrait être orienté vers les régions intérieures défavorisées, permettant de réduire effectivement les inégalités.
Oser les vraies solutions
Pour les caisses sociales, l’équilibre à court terme exige plus de cotisations ou plus d’années de travail. Deux mesures qui ne vont pas dans la direction de la lutte contre le chômage. La solution la plus évidente est d’aller chercher des ressources additionnelles et durables pour ces caisses. Là, c’est une équation très difficile car cela passe par un coût additionnel à l’entreprise ou aux individus. Quoi qu’il en soit, le traitement de ce dossier passera par la scarification partielle au moins de l’un des autres objectifs.
En ce qui concerne les entreprises publiques, la feuille de route parle uniquement de restructuration des entités stratégiques. Cela nécessite la mobilisation de ressources importantes. Il suffit de voir le trou que la STEG a laissé en 2019.
Mais d’où viendraient ces milliards de dinars? De l’intégration de l’économie parallèle? En partie oui, mais cela exige une amnistie fiscale de grande envergure. Ce qui peut ne pas séduire certains partis politiques. Il y a aussi la possibilité d’imposer davantage certains secteurs polluants ou qui sont au cœur de l’économie de rente. D’ailleurs, il convient de penser à des régulations anti-trust pour ouvrir plusieurs activités à la concurrence et démolir les monopoles.
Silence sur certains dossiers
Enfin, la note a évité l’évocation de certains points importants. D’abord, il y a la dette souveraine. Il faut rappeler que le CDG est un ancien ministre des Finances. Il est donc bien positionné pour comprendre qu’il est difficile de réduire l’appel aux bailleurs de fonds étrangers dans le contexte actuel.
Enfin, l’autre point concerne le reste des entreprises publiques non stratégiques. Indirectement, rien n’est exclu et l’exécutif semble ouvert à une nouvelle approche. D’ailleurs, nous pensons que cela serait l’un des points clés chauds des discussions entre les partis.