Le chiffre publié par la Banque Mondiale concernant le niveau de pauvreté en Tunisie choque.
Les disparités économiques et sociales entre les régions, l’une des principales raisons de la Révolution de 2011, ne font que s’aggraver au fil des années.
Développement à deux vitesses
En effet, selon l’indice de compétitivité régionale que l’IACE publie annuellement, les six gouvernorats les plus compétitifs ne sont autres que ceux constituant le Grand Tunis, Sousse et Sfax. A l’autre bout du spectre, il y a Gafsa, Tozeur et Kebili.
Par région, la partie ouest du pays, nord et sud, est sinistrée. Il y a une absence totale d’infrastructures et donc des investissements. Qui va investir dans une région où on manque de tout ? Même les avantages fiscaux accordés ne sont plus un argument suffisant pour justifier une implantation dans ces zones.
Malheureusement, le grand intérêt envers cette partie du pays immédiatement après janvier 2011 n’a pas été exploité. La montée des contestations sociales dans ces régions, les blocages de routes et les comportements de certains partenaires sociaux n’ont fait qu’empirer la situation. Elles ont même perdu des projets qui opéraient auparavant, impliquant plus de difficultés à une population pauvre.
Et c’est effectivement dans ces régions que se concentre la majeure partie des populations qui souffre de la pauvreté. Le rapport de la Banque Mondiale montre que les gouvernorats du nord-ouest, du centre et du sud-ouest sont le fief de la pauvreté en Tunisie. Le nombre de familles dont les membres gagnent moins de 1 450 dinars par an et par personne s’élève à près de 412 000 familles.
Privée des investissements publics et privés locaux, il serait logique d’enregistrer une quasi-absence des IDE. Sur les 2,65 milliards de dinars que le pays a attirés en 2019, ce qui est extrêmement faible, la part du nord-ouest était de 5,9 millions de dinars seulement. La situation est un peu meilleure pour le sud-ouest avec 135,9 millions de dinars. Par contre, le Grand Tunis s’accapare 40% de ces investissements. Ainsi, le gap ne cesse de s’élargir entre les gouvernorats.
Par où commencer?
A notre sens, le premier pas pour traiter ce problème est évident: il faut que l’Etat reprenne autorité dans ces régions et mette fin à toutes sortes de blocages qui paralysent les installations et les chaînes logistiques des entreprises. Sinon, ce sont les forces du marché qui vont fonctionner, éliminant définitivement cette partie du pays des radars des investisseurs.
Le deuxième changement requis concerne l’approche, en passant d’une logique d’assistance à une autre de développement. Il y a eu une amélioration notable au cours des dernières années, mais c’est encore insuffisant.
La discrimination positive n’a pas donné les résultats escomptés pour une simple raison: l’Etat est incapable de combler à lui seul le retard. Il faut impliquer le PPP dans de gros projets qui lient ces zones aux principales villes du pays, essentiellement des autoroutes, des ponts et des chemins de fer.
L’investissement dans l’éducation urge également et les faibles taux de réussite au baccalauréat ne sont qu’une conséquence de la qualité du capital humain de ces régions. Si ces deux facteurs s’améliorent, il est certain que les flux humains et financiers internes commenceront à s’inverser en faveur de la partie ouest du pays.
Mais en attendant cela, et afin d’éviter une explosion sociale, la classe politique doit trouver le moyen d’envoyer un message positif à cette partie de la population. Nous pensons qu’il est inévitable aujourd’hui de créer un impôt sur la fortune pour ceux détenant un patrimoine dépassant un certain seuil.
Néanmoins, un tel texte ne doit pas intervenir seul, mais dans le cadre d’une révision approfondie de la fiscalité qui rend le système actuel plus équitable.