Peut-on enseigner en « Tounsi » ou « Derija« , la langue maternelle tunisienne ? L’association « Derija » a décidé d’ouvrir le débat. En invitant des universitaires spécialistes de la question. Un débat qui n’est pas prêt de finir.
« Enseignement du Tounsi, enseignement en Tounsi ». C’est la thématique choisie par l’association Derija pour son quatrième colloque organisé à Tunis le 22 février. Et ce, à l’occasion de la Journée internationale de la langue maternelle, ne pouvait manquer d’intérêt.
Langue maternelle du pays, le « Tounsi » ou la « Derija » ne peut-elle pas être enseignée comme toute autre langue ? Ne peut-elle pas, et dans le même ordre d’idées, véhiculer le savoir et le savoir-faire inculqués par l’école ?
Les sept interventions et les débats qui les ont suivis n’ont pas manqué de fournir des arguments. Et de faire, quelquefois, polémique. Les défenseurs de la langue arabe –littéraire- et, partant de là, de l’identité arabo-musulmane de la Tunisie n’ont pas manqué à l’appel.
Universitaire, spécialiste de la linguistique, Abderrazek Bannour, a apporté un éclairage certain sur les différences entre la langue arabe classique et le « Tounsi« . Selon l’universitaire, le « Tounsi » ne manque pas d’attrait.
Le « Tounsi » possède une grammaire plus simple. Comme ses mots et verbes sont plus « ramassés ». Ainsi, des lettres disparaissent de certains mots arabes faisant d’eux des mots moins « chargés ».
A l’heure des échecs scolaires
Et Abderrazek Bannour d’expliquer, par ailleurs, que la langue arabe confère plusieurs noms à de nombreuses créatures ou objets. Le dromadaire est appelé en arabe classique de cinq mille sept cent soixante-quatorze manières différentes.
Et si le « Tounsi » faciliterait la compréhension des enseignements qui sont fournis par le système éducatif ? Et Lillia Beltaïef, également universitaire, d’évoquer des expressions en arabe classique que les élèves ne peuvent aisément comprendre. Introduites dans des exercices, celles-ci sont à prendre en compte à l’heure où les échecs scolaires constituent une réalité dans le pays.
Le professeur Alfonso Campisi est venu apporter, pour ainsi dire, de l’eau au moulin de l’universitaire Lillia Beltaïef. Il a annoncé que des examens, passés à des élèves en Sicile dans la langue italienne et dans la langue sicilienne, ont montré que les élèves siciliens obtiennent de meilleures résultats lorsque les cours sont dispensés dans leur langue maternelle.
Exception faite de quelques mots
Mais cela peut-il suffire pour convaincre certains de l’utilité d’enseigner dans une « Derija » qui cherche encore une voie dans l’enseignement ? Pas tout à fait lorsqu’on écoute des intervenants très attachés à l’usage quasi exclusif de la langue arabe classique ou littéraire, celle du Coran.
D’autant plus que, comme l’a assuré Khaled Oueghlani, universitaire et poète tunisien, la « Derija » est faite essentiellement d’expressions de l’arabe classique ; exception faite de quelques mots empruntés à d’autres langues : le français, italien, l’amazigh, l’espagnol.
Un débat qui se renouvelle chaque fois que de semblables thématiques font l’objet d’une réflexion. Et qui ne peut éloigner l’association « Derija » d’ouvrer pour l’objectif poursuivi : « valoriser la langue tunisienne particulièrement en tant que véhicule de communication favorisant davantage la participation des Tunisiens et des Tunisiennes au processus de transition démocratique ».