Le non respect du confinement sanitaire traduit l’absence de confiance des Tunisiens dans les appareils officiels d’Etat. C’est ce qu’affirme l’enseignant-chercheur en sociologie et le président de l’Association tunisienne de la sociologie Abdessatar Sahbani. Cette absence de confiance, qui ne date pas d’hier, explique, entre autres, le refus de plusieurs tunisiens de respecter le confinement sanitaire général décrété. Et ce, pour endiguer la propagation du Covid-19.
Dans une déclaration accordée à leconomistemaghrebin.com, Abdessatar Sahbani souligne que les Tunisiens ne font pas confiance aux responsables officiels. Pour lui, il suffit qu’un responsable intervienne dans les médias pour que les Tunisiens ne le croient pas. D’ailleurs les Tunisiens ne croient pas que l’Etat maîtrise les circuits de distribution. De même qu’ils pensent qu’on leur ment en soutenant que les produits alimentaires de base existent en grand nombre. Et ce, contrairement aux déclarations du ministre du Commerce. Alors, la même logique prévaut pour le confinement sanitaire.
En effet, les Tunisiens estiment que l’Etat complote contre eux et leur lance des mensonges, continue-t-il. C’est ainsi que les Tunisiens prennent les décisions du pouvoir comme un défi. De ce fait, ils ne manquent pas ainsi d’enfreindre les consignes.
Cependant, pour expliquer le rejet de la décision du confinement sanitaire, le président de l’association de la sociologie évite d’accuser les citoyens d’immaturité et d’irresponsabilité. Ainsi, la question qui devrait être posée est la suivante. Quelles sont les mesures qui n’ont pas été mises en place? Et qui ont incité les Tunisiens à ne pas respecter le confinement sanitaire général?
Tout d’abord, notre interlocuteur affirme que pour la première fois, les autorités tunisiennes décrètent un couvre-feu et un confinement pour des raisons sanitaires. Ce qui constitue une première en Tunisie. Auparavant le pouvoir politique a décrété des couvre-feux et des confinements pour des raisons sécuritaires et des raisons politiques. Pour lui, il n’est pas facile pour les Tunisiens d’assimiler cette situation.
Puis, il avance que l’Etat a pris les mesures nécessaires tardivement. Alors que les pays touchés par le Coronavirus se mobilisaient déjà, constate-t-il. Pour preuve, dix jours après la découverte du premier cas de Covid-19, l’Etat n’agissait pas encore. Et ce, avant de décider de fermer les établissements scolaires deux jours avant les vacances scolaires, ce qui a créé une certaine confusion.
Ensuite, l’Etat a bombardé les Tunisiens d’une panoplie de mesures. Et ce, sur plusieurs journées, « croyant ainsi amplifier la panique pour que chacun reste chez soi, mais en vain ». A cela s’ajoute un manque d’explication de plusieurs mesures. A titre d’exemple au début l’Etat n’a pas expliqué la démarche à suivre pour récupérer les aides. Alors, les concernées se sont bousculés devant les bureaux de poste. Pourtant, la situation est celle d’une guerre et l’Etat doit mobiliser les moyens, lance-t-il.
Par ailleurs, expliquant la ruée des Tunisiens vers les grandes surfaces pour l’achat de provisions, afin de se préparer au confinement, notre invité soutient que ce comportement trouve son origine dans les traditions de « El-Oula ». Etant donné qu’il n’a pas confiance en l’Etat qui va lui fournir la nourriture en temps de crise, le Tunisien a pressé le pas vers les grandes surfaces pour acquérir ses besoins. Le Tunisien agit de la sorte quand il se trouve devant un système auquel il ne fait pas confiance.