Le marché du pétrole est un des plus risqués à prévoir. Des tendances de fond peuvent paraître se dégager mais elles sont souvent démenties par les faits. Le « pic » du pétrole en est un exemple.
Reposant sur le raisonnement économique et géologique qu’en matière de recherche et de développement des gisements, le meilleur était derrière nous, bon nombre d’experts – et pas des moindres – ont prédit (et même daté…) le sommet qu’atteindra la production de pétrole avant de décliner. Cette prédiction s’est révélée inexacte car la production n’a jamais été aussi élevée, grâce aux progrès technologiques et à la réduction de leur coût de mise en œuvre.
Le bon sens économique demeure néanmoins. On ne peut pas produire durablement à un prix de revient plus élevé que le prix de vente. Au moins en économie libérale et en temps de paix. La crise actuelle du pétrole en fournit un cas d’école, quant à l’équilibre offre/demande.
Le marché subit un effondrement de la demande consécutif à la rupture entre Riyad et Moscou sur le niveau de production et à une hausse de la production. Les prix ont chuté sans que l’équilibre ait pu s’effectuer. Car la production n’a pas baissé et la demande est, à court terme, peu élastique aux prix. Il faut donc stocker ce qui est produit sur toute la ligne de production. Du champ pétrolier aux dépôts des raffineurs.
L’onde de choc de ce cataclysme des prix s’étend à de nombreux acteurs : des États-rentiers aux opérateurs pétroliers et para pétroliers, aux banques, à la Bourse, aux fonds d’investissement et de pension….
Satisfaire les électeurs automobilistes!
Le Président Trump, adepte des prix bas à la pompe pour satisfaire ses électeurs automobilistes, a réagi ces derniers jours et changé de discours. Il faut que cette baisse des prix cesse. Car elle porte tort aux entreprises pétrolières américaines (qui financent sa campagne et qui ont fourni le premier secrétaire d’État de D. Trump, ancien patron de EXXON ), au Texas (qui vote pour lui et assure près de la moitié de la production de pétrole des États-Unis). Ainsi qu’ aux entreprises du secteur qui se mettent en faillite, mettant au chômage des centaines de milliers de personnes et ne remboursant pas leurs prêts.
Donald Trump a réagi la semaine dernière par un tweet annonçant que l’Arabie Saoudite et la Russie allaient couper leur production de 10 à 15m baril/jour et que ce serait « GREAT ! » pour l’industrie des hydrocarbures. Le bâton était brandi avec la menace de droits de douane sur les importations de pétrole pour protéger l’industrie nationale. Ces annonces suscitent naturellement interrogations et scepticisme.
Grandes manœuvres sur fond de crise
La baisse de la demande mondiale est difficile à chiffrer mais les chiffres qui circulent vont de 10 à 25 m baril/jour pour une production mondiale un peu inférieure à 100 mbj. Dont une partie seulement s’échange sur les marchés internationaux. La production combinée de l’Arabie Saoudite et de la Russie est de 23 mbj et celle de l’OPEP de 50 mbj. On voit l’ampleur de la réduction à mettre en œuvre pour corriger le déséquilibre du marché et qui n’est pas atteignable sans un effort véritablement collectif. Qui dépasse bien sûr l’Arabie Saoudite ou la Russie mais aussi l’OPEP et même l’OPEP+. Avec à la clé la lancinante question de la répartition des quotas et de leur respect.
Imposer des droits de douane est un réflexe trumpien mais qui comporte bien des difficultés. Les États-Unis sont légèrement exportateurs nets de pétrole mais demeurent à la fois importateurs (9,1 mbj) et exportateurs (9,8 mbj) de brut et de produits raffinés. Pour des raisons liées à la géographie et à la qualité de brut nécessaire pour répondre aux spécifications des raffineries et aux besoins en produits du marché.
Les écarts des prix intérieurs désirés et extérieurs subis (plus de 30 $ le baril) sont tels que, pour être efficaces, les droits de douane doivent être élevés et qu’il y faut aussi mettre en place des mécanismes de correction des prix pour l’exportation. Au total, un enchérissement de coûts pour l’économie américaine.
La réunion de l’OPEP prévue lundi 6 avril a été reportée. Et les habituels manœuvres de négociations se déroulent avant une réunion de l’OPEP + annoncée jeudi et même des ministres en charge du G20 ce vendredi, à l’initiative de Trump. Grandes manœuvres sur fond de crise où se joue la crédibilité du Président américain mais dont l’issue, à court comme à plus long terme, apparaît bien douteuse en ces temps où la crise économique s’installe et risque de durer.