Kerim Bouzouita, anthropologue, nous livre une analyse aussi bien sur le contenu que sur le fond.
Une heure et demie d’interview d’Elyes Fakhfakh, selon Kerim Bouzouita, n’a pas apporté d’information majeure. Hormis la prolongation du confinement.
Il précise : « La corruption et la bureaucratie, les problèmes majeurs de notre pays, ont été à peine effleurés ».
Il ajoute: » Le chef du gouvernement a même justifié le comportement de son ministre de l’Industrie et des Petites et Moyennes Entreprises. L’accord suspect concernant le marché des masques de protection n’est qu’une affaire bureaucratique. »
Kerim Bouzouita renchérit : » Au fait, pourquoi y a-t-il tant de bureaucratie dans ce pays ? »
Il cite le penseur Max Weber, juriste et économiste de formation, selon qui la bureaucratie doit être au service de l’Etat et non pas de certains intérêts privés. Et surtout ne pas entraver l’action du gouvernement. La bureaucratie est la racine même de l’Etat de droit.
Cependant, selon Weber, la bureaucratie est de nos jours devenue un système qui encourage la corruption. Et freine le fonctionnement de l’État. Et par ricochet, elle ne sert plus les intérêts du citoyen.
Kerim Bouzouita poursuit son analyse en faisant remarquer que la bureaucratie et la corruption font bon ménage ensemble. La preuve est que notre pays a reculé de 63 places au cours des 5 dernières années dans l’indice mondial du rapport sur la compétitivité.
« La bureaucratie consiste à rationaliser le service de l’Etat «
Selon lui, les principaux facteurs de ce recul sont évidemment la bureaucratie et la corruption. Il ajoute: « Nous venons de dire, selon Weber, que la bureaucratie consiste à rationaliser le service de l’État et à nous protéger de la corruption. Or le régime du 7 novembre a créé un nouveau domaine de corruption appelé « corruption législative ».
L’ancien régime, sous prétexte de purifier l’arsenal législatif tunisien, a inclus « des lois conçues pour encourager la corruption ».
Des mesures exceptionnelles!
Lors de son interview, le Chef du gouvernement, se référant au marché décrié des 2 millions de masques de protection attribué à un député, a déclaré : « Nous avons dû préparer un décret ». Etant donné l’urgence du moment, le Parlement a autorisé le Chef du gouvernement à gouverner par ordonnance pour aller plus vite.
Or la loi numéro 46-2018 relative à la déclaration des bénéfices et à la lutte contre l’enrichissement illicite et les conflits d’intérêts, dans son chapitre 20, stipule clairement : « Dans l’exercice de leurs fonctions, les membres de l’Assemblée du peuple n’ont pas le droit de passer des contrats à des fins commerciales avec l’Etat ». Il s’avère que vu l’exceptionalité du moment, un chef du gouvernement est autorisé par une simple ordonnance à violer la loi.
Selon lui, il s’agit d’un précédent dangereux, politiquement et socialement désastreux.
Un « État fort et juste » est le slogan du chef du gouvernement. Or « un Etat n’est fort que lorsqu’il applique la loi pour tous », conclut Kerim Bouzouita.
Fakhfakh maîtrise ses dossiers….
De son côté Hassen Zargouni, Directeur de Sigma conseil, évalue ainsi l’interview du Chef du gouvernement : « De la maîtrise des dossiers, de la conscience du rôle de l’Etat, du leadership responsable,… c’est ce qui transparaît de l’interview de ce soir. Le back-office et les départements ministériels sont challengés. Seront-ils au niveau de la barre relativement haute qu’a mise le Chef du Gouvernement Elyes Fakhfakh ? Les tous prochains jours nous le diront. »
Ce qui est sûr c’est que dans les prochains jours, nous allons connaître des rebondissements, des décisions… Seront-elles à la hauteur des attentes des Tunisiens? Attendons voir.