Récapitulons. L’économie était déjà à genoux quand le Coronavirus survint. Arrêt de l’appareil productif chancelant. Pression sans précédent sur les Caisses de l’Etat gravement malmenées depuis des années par des pilleurs aussi innombrables qu’insatiables. Appels pressants à la solidarité nationale pour donner les moyens au gouvernement de parer au plus pressé. Participation massive à l’effort national par un peuple démuni, mais généreux…
Un gouvernement qui ne tient debout que grâce à l’effort de solidarité consenti par son peuple et aux crédits consentis par l’étranger est tenu, en toute logique, de serrer la ceinture et de donner l’exemple en termes de gestion saine et de bonne utilisation des deniers publics. La décence la plus élémentaire aurait dû interdire à un gouvernement, déjà en surnombre, de susciter la colère du public en s’élargissant encore plus.
Cependant, l’une des pratiques les plus révélatrices du sous-développement politique est celle qui consiste à créer des postes pour des hommes. Tous les chefs de gouvernement qui se sont succédé depuis 2011 ont usé et abusé de cette pratique. L’invention la plus commode à ce niveau est l’institution de « conseiller ».
Dans notre « démocratie » tunisienne, la fonction de conseiller à la présidence ou au gouvernement est devenue une monnaie d’échange. Un puissant moyen de négociation dans la formation des coalitions. Une sorte de lubrifiant par lequel on éviterait les grincements de la machine gouvernementale.
Une indécence qui frise l’immoralité
La tempête soulevée par la nomination aux postes de conseillers au gouvernement des cadres nahdhaouis Imed Hammami et Oussama Ben Salem s’apparente à un ras-le-bol général face à l’indécence qui caractérise la classe politique. Une indécence qui frise l’immoralité eu égard aux conditions économiques, sociales, financières et sanitaires sans précédent que vit le pays.
Le premier est d’une incompétence notoire dont il a largement fait preuve dans les postes de ministre de la Santé et de ministre de l’Emploi et de la Formation professionnelle. Sans oublier l’échec total de sa mission de médiateur-négociateur dans la crise sociale du « Kamour ». En quoi ce conseiller avec rang de ministre avec un bilan peu reluisant peut-il aider le gouvernement? Sinon en alourdissant ses charges d’un gros salaire supplémentaire, de deux voitures, de centaines de litres de carburant etc. ?
Le second est plus problématique encore. Diplômé en électricité et fondateur d’une chaine de télévision dont personne, y compris le gouverneur de la BCT, ne sait comment elle est financée. Ni comment sont réglés mensuellement aux fournisseurs étrangers les frais en devises de transmission par satellite. En quoi un tel profil peut-il être utile en ces temps de vaches maigres dans un poste de conseiller avec rang de secrétaire d’Etat?
Plus choquant encore. Rached Ghannouchi, dès son « élection » au poste de président du parlement, a vite fait de nommer pas moins de sept conseillers; dont Habib Khedher, avec rang et avantages de ministre!!!
Griffes acérées et dents longues
La vérité est que nous sommes face à cette pratique de pillage systématique à laquelle le parti islamiste nous a habitués depuis des années. Quand ses dirigeants et ses cadres sont rentrés en masse de l’étranger après le départ de Ben Ali, ils n’ont eu aucun mal à dévoiler leurs griffes acérées, leurs dents longues. Et leurs intentions de transformer l’Etat, ses institutions et le peu de richesses dont dispose le pays en butin de guerre.
Les questions qui se posent et que tout Tunisien devrait se poser sont les suivantes: Quand est-ce que le parti islamiste va-t-il enfin maîtriser sa gloutonnerie et sa voracité? Jusqu’à quand permettra-t-on à un parti qui ne compte que 400.000 voix sur huit millions d’électeurs potentiels de dominer tous les leviers du pouvoir et de les exploiter pour le seul profit de ses troupes ? Le pays étant à genoux et faisant face à des défis existentiels, n’est-il pas grand temps pour que l’appareil judiciaire se débarrasse enfin de toutes les pressions qui l’entravent ? De nettoyer le pays de toutes les tares qui le rongent et en premier lieu le cancer de la corruption ?
Ainsi, imposer des conseillers inutiles dans un gouvernement en difficulté et dans un parlement honni par ceux-là même qui l’ont élu, cela dépasse le stade de la corruption. C’est un crime contre l’Etat, le pays et le peuple.
La mentalité de butin a encore de beaux jours devant elle
En se soumettant à l’exigence du parti islamiste qui tient à l’encombrer de conseillers inutiles, le chef du gouvernement ne sert ni ses propres intérêts, ni ceux de l’Etat. Encore moins ceux du pays en général. Il ne fait qu’entacher sa réputation, endommager sa crédibilité et mettre en danger son avenir politique.
Tout porte à croire hélas, que M. Elyes Fakhfakh, à l’instar de tous ses prédécesseurs, a choisi de regarder ailleurs; et d’ignorer la mentalité de butin de guerre. Si dévastatrice, qu’aucun président ni chef de gouvernement n’a osé affronter le parti qui l’incarne, ni ses bénéficiaires insatiables.