« L’affaire de la blogeuse Emna Chargui entre parfaitement dans le cadre de la liberté d’expression et de conscience ». Déclare l’enseignant-chercheur en droit public et science politique Khaled Dabbabi, à leconomistemaghrebin.com.
Khaled Dabbabi est revenu sur l’affaire de la blogeuse tunisienne Emna Chargui. Rappel des faits: la jeune blogueuse a partagé, en date du 4 mai, sur son profil du réseau social Facebook, « une parodie du Coran intitulée « sourate corona ». Un texte qui évoque la pandémie de Covid-19. Et ce, en imitant le format et l’ornement d’une page du Coran.
D’ailleurs, l’affaire a suscité un tollé. Suite à son interpellation par la police, elle doit comparaître devant la Cour correctionnelle du tribunal de première instance. Et ce, en date du 28 mai. Son chef d’accusation n’est autre que « atteinte au sacré et aux bonnes mœurs et incitation à la violence ».
Pour notre interlocuteur, la Constitution tunisienne est la seule dans le monde arabo-musulman à garantir la liberté de conscience. Khaled Dabbabi affirme que la Constitution ne sert pas à la répression ou à l’incrimination. Ainsi, il souligne l’impératif d’interpréter toutes les Constitutions dans le sens de la liberté.
Egalement, il précise que l’article 6 de la Constitution dans son 1er paragraphe garantit la liberté de conscience. Ainsi, il soutient que la Constitution est un outil pour défendre la liberté et la protéger. Le juriste précise que la Tunisie a ratifié le pacte international des droits civils et politiques de 1966. D’ailleurs, l’article 18 du Pacte montre que la liberté de conscience, par rapport à la liberté de religion apporte deux éléments nouveaux :
– La liberté de croire ou de ne pas croire. C’est à dire la liberté d’être athée.
– La liberté de changer de religion. Chose qui va à l’encontre du droit musulman qui prévoit l’apostasie. Le paragraphe 2 de l’article 6 de la Constitution même s’il prévoit que l’Etat doit protéger le sacré, il ne doit jamais être compris comme une limitation ou une remise en question de la liberté de conscience protégée par le paragraphe 1 du même article.
Le sacré notion floue et ambiguë ?
De ce fait, pour le juriste, l’atteinte au sacré est un concept flou, vague et ambigu. En effet, notre interlocuteur affirme que « ce qui est sacré pour un musulman ne l’est pas pour un non-musulman ». Il soutient que « ce qui est sacré pour un musulman sunnite ne l’est pas pour un musulman chiite ».
Ainsi, le juriste considère que le texte dit « La Sourate de la Corona » ne représente en aucun cas une atteinte au sacré. D’ailleurs, « le texte de ladite Sourate ne fait aucune référence à la religion ni au sacré ». Continue-t-il. Khaled Dabbabi affirme que « le Coran lui-même dans plusieurs versets lance un défi ouvert à toute personne d’imiter un seul verset coranique au niveau du style, de la rigueur et de l’éloquence ».
Dis : « Même si les hommes et les djinns s’unissaient pour produire quelque chose de semblable au Coran, ils ne sauraient produire rien de semblable, même s’ils se soutenaient les uns les autres. » Surat Al-Isra [verset 88]