C’est un homme d’exception qui vient de partir, le 13 mai 2020. Chedli Klibi est un véritable bâtisseur auquel la culture tunisienne doit énormément. Un homme qui avait un projet pour la Tunisie et pour sa culture.
Pour se rendre compte des faits et gestes de Chedli Klibi, qui vient de décéder, le 13 mai 2020, il suffit sans doute regarder un documentaire réalisé par la Télévision Tunisienne, diffusé en 2019, sous le titre « L’âge d’or de la création tunisienne ».
L’homme a été Directeur Général de la Radio Tunisienne (RT). Il a été en tant que ministre de la Culture à l’origine de bien des avancées tunisiennes: théâtre, cinéma, lecture publique, art graphique, peinture, sculpture, etc. On se demande en regardant ce documentaire, qui fait le récit de la création culturelle des années soixante et soixante-dix, ce que l’homme n’a pas au fait entrepris.
Les laboratoires du cinéma de Gammarth, les ciné-clubs, les Journées cinématographiques de Carthage, la Bibliothèque nationale, les bibliothèques ambulantes, la Société Tunisienne d’Edition (STD), la Maison Tunisienne d’Edition (MTE), la société de disques Ennagham, la troupe théâtre de la Municipalité de Tunis, l’Ecole des beaux-arts, les maisons de la Culture, la troupe musicale et théâtrale de la RTT, la troupe nationale de musique folklorique, le Festival de Carthage, le Festival du cinéma amateur de Kélibia, etc. Tout cela c’est évidement Chedli Klibi. Et évidement bien plus.
Une grande capacité de mobiliser les énergies
Il faut dire que l’homme a trouvé de grands créateurs d’exception. Et ce, pour réaliser tout ce que la Tunisie indépendante lui doit: Ammar Farhat et Zoubeir Turki (peinture), Ali Ben Ayed et Nourreddine Kasbaoui (théâtre), Ezzeddine Madani et Mustapha Kraïef (littérature), Ridha Kalaï, Naama et Hédi Jouini (musique et chants), Taher Chriaa et Omar Khelifi (cinéma),… Et évidemment beaucoup plus.
Certes, mais ces créateurs n’auraient sans doute jamais pu développer leurs talent et vocation sans son soutien et sa capacité de mobiliser des énergies. Chedli Klibi aura eu du reste le génie de leur avoir offert l’occasion d’aller se former ou se perfectionner dans de nombreuses écoles et centres de formation dans les métiers de l’Art à l’étranger.
Car, l’homme avait au fait un projet pour la Tunisie et pour sa culture. Bénéficiant en cela de l’appui du président Habib Bourguiba qui en fit son ministre de la Culture pendant un peu plus de treize ans (de 1961 à 1970 et de 1971 à 1973). S’appuyant dans sa mission sur des collaborateurs d’exception comme Taher Guiga, Mustapha Ferssi ou encore Hamadi Essid. Dans le même ordre d’idées, il fera un passage remarqué à la tête de la RTT dont il a fait un pôle culturel de premier plan (entre 1958 et 1961).
Un fort en thème
Homme d’Etat, formé à la dure, il a été aussi secrétaire général de la Ligue des Etats Arabes pendant onze ans (1979-1990). A un moment des plus délicats: l’après accord de Camp David (1978). Les pays arabes, mécontents de la signature d’un accord de paix de l’Egypte avec l’ennemi israélien, ont décidé de changer de siège (Tunis) et de secrétaire général.
A titre de reconnaissance sans doute du rôle joué par ce fort en thème (il est agrégé d’arabe de la Sorbonne et un écrivain de grande qualité), l’actuel secrétaire général de la Ligue des Etats Arabes, Ahmed Abou Al Gaith, a rendu un vibrant hommage à un homme de grande qualité. Il a su assurer la continuité de l’une des plus importantes organisations régionales dans le monde.