Lors de son intervention sur la chaîne qatarie Al Jazeera, Rached Ghannouchi a cherché à vendre la thèse selon laquelle les appels au retrait de confiance le visant, en sa qualité de président de l’ARP, sont l’œuvre « malsaine » des « puissances étrangères ». Qui veulent déstabiliser la Tunisie.
Pourquoi Rached Ghannouchi, président de l’ARP et leader du parti islamiste Ennahdha, a-t-il choisi un support étranger, en l’occurrence la chaîne qatarie Al Jazeera pour évoquer des sujets d’une extrême sensibilité; relatifs à la cuisine politique interne à l’instar de la brûlante question du retrait de confiance le concernant en personne?
L’alibi de la main étrangère
Selon les observateurs, le vieux briscard de la politique a voulu, par le biais de l’interview accordée à Al Jazeera et publiée hier mardi 2 juin, « internationaliser » la crise politique en Tunisie en arguant que les récents appels à la dissolution du parlement sont poussés par « une main étrangère » qui vise à déstabiliser le pays, affaiblir les institutions de l’Etat et porter atteinte au processus de sa transition démocratique. Et ce, « pour faire échouer une expérience unique » dans la région et dans l’ensemble du monde arabe.
A noter que c’est la première fois que le cheikh de Montplaisir fait fi de sa prudence légendaire. Et d’évoquer « les agendas locaux et régionaux des parties étrangères ». Et ce, en pointant du doigt les pays du Golfe sans citer directement l’Arabie Saoudite et les Emirats Arabes Unis .
Ces deux pays sont coupables à ses yeux de tout faire pour « étouffer l’espoir soulevé par le printemps arabe ». Allant jusqu’à attiser les conflits armés et les guerres civiles, comme c’est le cas en Libye. Pour lui, « Ennahdha est le point de mire des campagnes d’incitation à la haine dans certains médias douteux étrangers qui cherchent à saboter la jeune expérience tunisienne ». « Car ce parti représente la locomotive du processus démocratique dans le monde arabe », a avancé le président de l’ARP.
« Certains partis politiques locaux menacent gravement le processus démocratique en Tunisie, lesquels sont encouragés par des puissances étrangères et certains pays du Golfe ». Accuse-t-il. Avant de préciser que ces pays sont connus pour leur hostilité à la Révolution tunisienne. Et au mouvement Ennahdha en particulier.
« Gare au chaos »
Quant aux appels au retrait de confiance le concernant, il a balayé d’une main dédaigneuse cette menace. Une session parlementaire est d’ailleurs programmée ce mercredi 3 juin pour l’examen d’une demande d’audition de Rached Ghannouchi par le bureau de l’ARP. Il précise :« Les appels à renverser le gouvernement ou à retirer la confiance au président de l’ARP sont du ressort de la Constitution et du règlement intérieur du parlement. Cette action est soumise à des procédures spécifiques qui doivent être respectées. Sinon, c’est le chaos », a-t-il déclaré.
Et de répéter la même rengaine. A savoir, « certains veulent profiter de ce contexte économique et social difficile ». Mais « la priorité des Tunisiens n’est pas de dissoudre le parlement ».
Mais qui parle de dissoudre le parlement? M. Ghannouchi cherche à noyer le poisson et créer la confusion. Et ce, en faisant croire à ceux qui veulent bien l’entendre que c’est l’institution parlementaire qui est visée. Alors qu’il s’agit d’une simple demande d’audition concernant sa position partisane dans le conflit libyen. Nuance.