Le chef du gouvernement désigné, Hichem Mechichi, opte finalement pour un cabinet de compétences totalement indépendantes. Il s’oppose ainsi frontalement aux désidératas d’Ennahdha. Lequel « exige » un gouvernement politique et partisan.
Avant même la date butoir du 25 août et après avoir longuement mûri sa réflexion et consulté à droite et à gauche, Hichem Mechichi a tranché. Ainsi, ce sera un gouvernement de compétences totalement indépendantes; « dont les membres réunissent les conditions d’efficacité, d’opérabilité et d’intégrité. En plus de la capacité de travailler en symbiose pour réaliser les points majeurs du programme gouvernemental ».
Enfin, les mains libres
Tel était dès le début le crédo du chef du gouvernement désigné, avec l’appui manifeste du président de la République. Et ce, après avoir constaté qu’il n’y a point de salut en dehors d’une équipe gouvernementale dévouée corps et âme aux priorités pressantes du pays. Mais surtout un gouvernement débarrassé du joug des partis politiques englués dans leurs tiraillements stériles et leur agenda tourné plutôt vers des calculs de petit épicier.
D’autant plus qu’il y a péril en la demeure avec une situation économique « difficile et fragile ». D’ailleurs, M. Mechichi s’est publiquement engagé à former un « gouvernement de réalisation économique et sociale dont le citoyen est l’axe d’intérêt; et qui ne soit pas l’otage de tiraillements et conflits politiques ».
Sur la corde raide
Cependant, après avoir opté pour cette décision courageuse et ô combien périlleuse, Hichem Mechichi est-il conscient qu’il marche désormais sur la corde raide; ayant défié ouvertement et frontalement Ennahdha et ses acolytes?
Car, le dernier conseil de la Choura qui s’est réuni les 8 et 9 août en cours, a tranché d’une manière brutale. A savoir: oui pour un gouvernement d’unité nationale, fort d’un large soutien politique qui « répond aux équilibres au sein du parlement et aux résultats des élections législatives ».
Mais un non catégorique à la formation de tout gouvernement sous le nom de compétences indépendantes. Car « la pérennité d’un gouvernement et sa stabilité commandent l’existence d’un engagement moral et politique entre les partis qui le composent dans le cadre d’un partenariat solidaire ».
« Nous ne pouvons pas écarter les grands partis pour former un gouvernement avec des partis minoritaires ou qui ne peuvent créer le consensus gouvernemental et parlementaire et la stabilité dont un chef de gouvernement aurait besoin pour faire passer ses décisions »; dixit Abdelkarim Harouni, le président du conseil de la Choura.
Bras de fer
Est-ce que cela veut dire que, face au cinglant défi de Mechichi, lequel a opposé un niet sans détours à un « gouvernement politique et partisan », le parti islamiste de Rached Ghannouchi ne voterait pas en faveur du prochain gouvernement? Confirmant ainsi la fuite, bruyamment démentie, du document interne de la Choura qui appelait les bases d’Ennahdha à se préparer pour des législatives anticipées?
Or, si le parti islamiste prenait le risque de faire tomber le prochain gouvernement, provoquant ainsi l’ire de Kaïs Saied qui n’hésiterait pas à déclencher le tir du « missile » des législatives anticipées, qu’en serait-il des autres partis satellitaires qui gravitent dans son sillage?
Si la coalition d’Al Karama ne semblait ne pas craindre le verdict des urnes ayant un socle électoral assez stable ; par contre le parti de Nabil Karoui risquerait non seulement de perdre des plumes, mais d’exploser carrément en vol. Et ce scénario prévisible priverait Ennahdha d’un allié docile et aux ordres. Alors pourquoi prendre ce risque?