La loi n° 27/2020 relative au recrutement exceptionnel des diplômés ayant au minimum dix ans de chômage à la fonction publique est bourrée de populisme. Affirme l’économiste Ezzeddine Saïdane à leconomistemaghrebin.com.
Rappel des faits : l’Assemblée des représentants du peuple (ARP) a adopté, le 29 juillet 2020, le projet de loi relatif aux dispositions exceptionnelles de recrutement dans le secteur public par 159 voix pour et 18 abstentions. Suite à quoi, le Président de la République a signé la loi en question. Ezzeddine Saïdane commence son analyse en rappelant l’existence d’une réglementation qui affirme la nécessité de réunir les ressources financières à toute loi adoptée par l’ARP. Et ce, surtout quand il s’agit de lois qui vont générer des dépenses.
Ainsi, l’ARP doit proposer, en face, les ressources budgétaires nécessaires pour le financement des mesures prévues par les lois adoptées. Notre interlocuteur affirme que cette réglementation n’a pas été respectée dans le cas de la loi relative au recrutement exceptionnel.
Tout en reconnaissant l’existence d’un sérieux problème d’emploi des jeunes, l’économiste tunisien affirme qu’une telle loi comprend des lacunes énormes. « Aujourd’hui, la fonction publique n’a pas les moyens d’absorber plus d’employés. Nous n’avons ni les moyens et ni la capacité physique pour recruter davantage ». Étaye-t-il.
Et de continuer : « Tout le monde sait que parmi nos plus grands problème avec le Fonds monétaire international consiste en la baisse de la masse salariale de la fonction publique ». L’économiste affirme que la situation est tendue avec le FMI « mais nous continuons quand même sur la même voie et continuons à ignorer l’engagement auprès du FMI de réduire la masse salariale et la situation budgétaire d’une façon générale ».
Sur un autre volet, Ezzeddine Saïdane considère qu’un chômeur depuis dix ans a perdu toute compétence, donc « comment peut-on décider de le recruter sans formation préliminaire ou même de tests de compétences », s’interroge-t-il.
Une loi votée par des députés qui manquent de courage
« Est-ce que le critère de l’ancienneté dans le chômage est un critère acceptable pour une administration qui souffre déjà de problème de compétences ? ». S’interroge-t-il. Par ailleurs, il affirme que recruter une personne de chaque famille nécessiteuse pourrait engager des luttes et des problèmes au sein des familles « car chacun veut être recruté ». A-t-il justifié. « C’est un projet de loi bourré de populisme et nous nous trouvons dans une situation où personnes préfère ne pas s’y opposer », explique-t-il.
Pour lui, si tous les députés n’ont pas rejeté cette loi, c’est pour ne pas voir leur popularité baisser. Et à cela s’ajoute la crainte des députés des sit-in devant l’ARP. Il affirme que le Président de la République a refusé d’endosser cette situation et voir sa popularité baisser. L’intervenant considère, également, que la dite loi est anticonstitutionnelle. « Les députés n’ont pas eu le courage de réunir 30 signatures pour demander l’annulation de la loi auprès du Tribunal administratif », déplore-t-il. « Nous sommes vraiment dans une situation kafkaïenne au point où on se pose la question sur la manière avec laquelle le pays est géré ».
De quelle paix sociale parle-t-on ?
L’économiste rappelle que depuis 2011, tous les gouvernements parlent de l’achat de la paix sociale. Ces gouvernements ont toujours avancé que la paix sociale a un prix. « D’ailleurs, on s’est enfoncé dans des pistes dangereuses, celle des ouvriers des chantiers et les sociétés de l’environnement et des plantations qui sont des bombes à retardement sociales. Et le pire est que nous n’avons acheté ni paix sociale et ni rien du tout ». A-t-il expliqué. Pour lui, tous les gouvernements n’ont pas voulu comprendre que la paix sociale ne s’achète pas. « La paix sociale se construit avec la croissance économique réelle et l’investissement», lance-t-il.
« Regardez les chiffres alarmants publiés récemment par l’INS. Il faut faire attention à des mal-intentionnés qui avancent qu’il s’agit de l’impact de la Covid-19. ». S’alarme-t-il. Tout en reconnaissant que la crise de la Covid-19 y a contribué. « Mais nous avons mal géré la crise sur le plan économique et financier et notre économie était chancelante bien avant l’arrivée de la pandémie ». Pour illustrer ses propos, il rappelle que le taux de croissance réalisé au deuxième trimestre de 2019 était égal à zéro. Il rappelle que le taux de croissance réalisé au premier trimestre de 2020 était de -2,2%.
La loi n° 27/2020 loi relative au recrutement exceptionnel des diplômés ayant au minimum dix ans de chômage dans la fonction publique, demeurera lettre morte parce que inapplicable. Conclut-il.