Alors que l’ARP commencera cette semaine les démarches pour voter le gouvernement Mechichi, les questions économiques et sociales sont plus que jamais présentes.
Le taux de croissance du second trimestre va faire la une de la plénière envisagée surtout que le nouveau Chef du Gouvernement est une pièce maîtresse dans l’ancienne équipe de la Kasbah.
Il faut donc se préparer à écouter tous les dogmes purement tunisiens sur des sujets sensibles, surtout la négociation avec l’UE à propos de l’ALECA. Nous allons profiter des chiffres très intéressants publiés dans le rapport de la BCT sur la part de marché de la Tunisie sur le marché de l’UE. Et ce pour estimer notre force de frappe réelle vis-à-vis de notre premier partenaire économique.
Une part de marché infinitésimale
Notre part de marché s’est élevée à 0,5% fin 2019. C’est un chiffre capable de nous rappeler que notre marge de manœuvre est très faible. Alors que l’UE est vitale pour notre économie, il ne faut pas s’estimer indispensable pour les pays de la rive nord de la Méditerranée. Cette part de marché s’est inscrite sur une tendance baissière. Celle-ci remonte à 2009.
Par groupe de produits, la Tunisie a accusé un recul dans la majorité des catégories de biens au cours de l’année 2019, à l’exception des « combustibles minéraux, lubrifiants et produits annexes » dont la part de marché est passée à 0,18%.
En revanche, la part de marché des « produits de base » s’est détériorée de 20 points de base à 0,53% en 2019. Et ce, sous l’effet de la contraction des exportations d’huile d’olive.
Pour ce qui est des « produits chimiques et produits connexes », les exportations en euro se sont accrues de 3,4% en 2019. C’est un rythme plus faible que les importations de l’UE. Ce qui a résulté en une baisse de notre part de marché à 0,12%, la moitié de celle en 2010. Même tendance pour les « autres articles manufacturés » (part de marché de 0,85%). C’est une activité qui englobe le Textile. Elle fait face aussi à une rude concurrence asiatique.
De même, la part de marché tunisienne pour les « machines et matériels de transport » a enregistré une légère baisse à 0,63%. L’hémorragie de ce secteur a débuté depuis des années. Et ce à cause des performances timides à l’exportation des Industries Mécaniques et Electriques (IME).
Problèmes structurels
Par rapport à nos concurrents, la Tunisie reste le maillon faible de la région. La Turquie a une part de marché de 3,9% contre 0,83% pour le Maroc qui reste sur une tendance haussière pour la dixième année consécutive. Notre position actuelle soulève deux principaux problèmes.
Le premier est que cette forte concentration de nos exportations sur une seule région pour laquelle nous ne représentons pas réellement grand chose est un vrai risque. Nous n’avons pas une grande diversification de nos exportations avec les IME et le textile qui pèsent près de 68% de nos ventes sur le Vieux Continent.
D’ailleurs, c’est l’une des principales raisons de la chute de la croissance économique en 2020. Car la demande européenne s’est vaporisée avec la crise sanitaire pour ces deux segments.
Le second est que nous perdons progressivement de compétitivité, même en termes de coûts de production. Il faut absolument augmenter la part des exportations à forte valeur ajoutée qui peuvent être commercialisées vers d’autres destinations.
Les deux aspects ne peuvent être résolus qu’à travers une forte logistique qui n’est pas disponible aujourd’hui. Ni Tunisair, ni la CTN ne sont capables d’assurer un flux non interrompu même vers les destinations traditionnelles. Cela sans oublier le port de Radès qui nous fait perdre chaque année de précieux points de croissance.
D’où l’importance d’un accord comme l’ALECA. Car il nous permettra d’assurer le minimum vital pour nos exportateurs en attendant de résoudre nos problèmes structurels.
Certes, il ne faut pas le signer à blanc. Il faudra au contraire bien le négocier en tenant compte du fait que nous sommes parfaitement substituables. Il est indispensable à moyen terme pour un pays qui navigue à vue.