En réponse aux 100 dirigeants d’Ennahdha qui ont exhorté leur chef à ne pas briguer un troisième mandat lors du prochain congrès, Rached Ghannouchi persiste et signe : j’y suis, j’y reste…
S’il n’est guère recommandé de toucher aux chênes centenaires, en revanche, le vent du changement doit impérativement souffler sur les hommes publics pour les protéger contre leurs vieux démons. Tels sont les enseignements de l’Histoire.
Sacrilège
C’est le cas de Rached Ghannouchi, leader historique et naguère incontesté d’Ennahdha qui, se cramponnant à son confortable fauteuil à Montplaisir, a éagi avec véhémence, hier jeudi, à la lettre signée par une centaine de dirigeants nahdhaouis. Dans laquelle on l’appelle à céder sa place à la tête de la présidence du parti islamiste.
Sacrilège pour ne pas prononcer le terrible terme de parricide !
En effet, cent dirigeants d’Ennahdha et pas des moindres – puisque des membres du Conseil de la Choura et des députés y figurent- ont exhorté leur chef à ne pas briguer un troisième mandat lors du prochain congrès.
Surtout à ne pas « manipuler » l’article 31 du règlement intérieur stipulant que seuls deux mandats peuvent être brigués à la tête d’Ennahdha. Et ce, au nom de l’alternance démocratique.
Coup d’Etat
La réponse du vieux leader islamiste Rached Ghannouchi ne s’est pas fait attendre. Faisant allusion aux sinistres putschs pratiqués jadis dans le tiers-monde, le président de l’ARP qualifiait la démarche des « visiteurs du soir » venus la veille lui rendre visite à son domicile à « la visite effectuée à une heure tardive par cinq de mes chers frères pour me pousser à démissionner, m’a fait penser aux pratiques des généraux militaires qui viennent à l’aube annoncer aux présidents de leurs pays leur éviction ».
Or, tient-il à rappeler dans une lettre interne adressée aux membres de son parti, notamment que les leaders se font remplacer via les élections et en fonction d’une évaluation objective de leur rendement. « Les dirigeants dont le rendement est jugé insuffisant ou négatif ne se font plus réélire », a-t-il souligné. Avant d’ajouter, ironique : « La peau des leaders est rugueuse ».
Une menace voilée qui sonne étrangement comme la fameuse phrase (yabta chwaya) d’un certain Elyes fakhfakh. On connaît désormais la suite…
Au-dessus du lot
Mais quid de l’évaluation interne au sein des institutions d’Ennahda ? Pour lui, seuls les dirigeants régionaux de la Choura ou les députés à l’ARP en sont concernés.
Ce qui n’est pas le cas des leaders des partis démocratiques qui sont, comme lui, au- dessus du lot : « Les leaders historiques ont la peau dure. Ils se renouvellent et représentent une force de conviction pour le peuple et leur parti. Alors pourquoi donc ces partis chercheraient-ils à les remplacer dès lors qu’ils jouissent d’un grand rayonnement national et international ? », s’est-il faussement interrogé. Etrange conception du jeu démocratique.
Puis-je me permettre de donner un conseil innocent au Lider Maximo auréolé d’un « grand rayonnement national et international » : pourquoi ne pas détourner l’article 31 du règlement intérieur du parti, en évitant ainsi un casse-tête chinois, et ce, en ayant recours aux méthodes de la « mounachada » de l’ancien régime ?
Et le tour est joué.