Afin de défendre ses prérogatives face aux incessants dépassements du chef de l’Etat, Hichem Mechichi trace les limites; celles séparant les territoires des deux têtes de l’exécutif. Naissance d’un chef du gouvernement sûr de lui et prêt à en découdre?
Car, il a avalé tant de couleuvres, subi tant d’humiliations et de remontrances. Il fut réprimé comme un écolier pris en faute par un maître qui le grondait en public. Bref, il n’avait de choix que de courber l’échine, ou de jeter l’éponge en démissionnant. A moins de se rebiffer en montrant au président de la République de quel bois il se chauffe. C’est ce qu’a fait Hichem Mechichi. Il a fini par choisir la troisième voie: la résistance aux coups de sape venant du palais de Carthage. Vent debout, mais avec sobriété, calme et farouche détermination.
Avertissement
En effet, dans un premier temps, il lançait un avertissement à peine voilé au locataire du palais de Carthage. Et ce, à propos de la fameuse vidéo « montée et manipulée » par les services de la présidence de la République. Lesquels montraient, d’une manière sournoise, l’image du chef de l’Etat tançant son interlocuteur. Sans que ce dernier ait droit à une réponse.
Dorénavant, décrète le chef du gouvernement sur un ton ferme, « dans un souci de préserver des relations de travail saines entre les institutions de l’Etat, Hichem Mechichi refusera que toute rencontre avec Kaïs Saïed soit filmée et manipulée; de manière à porter atteinte à l’Etat et aux institutions du pouvoir ».
Rappel à l’ordre
Et ce n’est pas fini, puisqu’il vient de délimiter son territoire avec autorité. Ainsi, Hichem Mechichi profitait de l’occasion pour imposer une nouvelle discipline à ses ministres en les rappelant à l’ordre. Et ce, lors du conseil ministériel consacré à l’examen de la loi complémentaire 2020 et la Loi de finances 2021.
Désormais, chaque ministre devra obligatoirement consulter au préalable la Présidence du gouvernement; et ce, avant de répondre aux invitations-convocations du président de la République.
Par la suite, le ministre concerné devra informer son supérieur hiérarchique. « Un compte-rendu de ces réunions est aussi requis ». Telles sont les exigences du numéro un de l’exécutif; telles que publiées dans des séquences vidéo séparées et postées sur la page facebook de la présidence du gouvernement.
Nouvelle discipline
Alors, « j’invite les membres du gouvernement à interagir positivement et rapidement avec la présidence de la République. Conformément à l’impératif constitutionnel du respect des institutions de l’Etat ». Mais, « à condition qu’il y ait préalablement consultation et coordination avec la présidence du gouvernement. De sorte que soient harmonisées nos décisions avec les politiques générales de l’Etat ». Un bel exemple de respect des institutions de la République; couplé à une volonté farouche de ne plus être piétiné dans ses propres plates-bandes.
Idem pour les correspondances échangées entre la présidence de la République et les départements ministériels. « Elles devront également transiter par la Kasbah ». Toujours selon les desiderata du chef du gouvernement, lors du conseil ministériel qui se tenait hier.
En vérité, il était temps que le chef du gouvernement délimite son territoire. Et ce, face à un président qui ne cesse d’interférer dans le travail gouvernemental et reçoit régulièrement des ministres pour leur donner des consignes; bravant ainsi ouvertement l’autorité du chef du gouvernement.
Du tac au tac
Par ailleurs, Mechichi a répondu du tac au tac au Président de la République. Lequel avait publiquement déploré la récente majoration des salaires des gouverneurs. « Les motivations de ces attributions ne sont pas toujours d’ordre financier. Mais, contrairement à ce qu’on put comprendre de façon superficielle, cette hausse des salaires fut précédée par un retrait de certains avantages en nature des gouverneurs. Ce qui a pour conséquence un ajustement du coût pour l’Etat dont le budget revient à l’équilibre sur ce point. Il s’agissait pour nous d’encourager les compétences nationales à servir l’Etat en région. Tout en leur garantissant le statut qui est le leur. »
Outre la justification financière par ailleurs implacable, à qui s’adresse donc M. Mechichi, en qualifiant « ceux qui ont compris de façon superficielle »?
Suivez mon regard…