Samedi soir, Le Premier Ministre Britannique Boris Johnson a annoncé un confinement pour un mois, à partir de jeudi prochain et jusqu’au 2 décembre 2020. Et ce, afin de stopper la propagation du coronavirus dans le pays.
En Europe, la France a déjà pris une décision pareille au cours de la semaine, à partir du 30 octobre jusqu’au début décembre. D’autres pays ont pris une démarche plus souple. L’Allemagne où les restaurants, les bars, installations sportives, culturelles et de loisir, comme les cinémas, les salles de concert et les théâtres devraient fermer pour un mois à partir d’aujourd’hui. Les hôtels pourraient ne plus accueillir de clients pour des séjours à vocation touristique.
Idem pour l’Italie qui a décidé de fermer les restaurants et les bars à partir de 18 heures, et tous les théâtres, cinémas et salles de sport pendant un mois.
L’Espagne a imposé un nouvel état d’urgence ainsi que un couvre-feu nocturne et la colère est montée parmi la population, notamment celle catalane.
Une amélioration de la balance commerciale…
Ces décisions ont un impact direct sur la Tunisie. Le pays a une économie essentiellement off-shore. Il survit grâce à ces exportations vers l’Union Européenne, essentiellement ces pays (hors Royaume-Uni) qui pèsent 85% de nos exportations vers notre premier partenaire commercial.
Le premier confinement nous a appris que tout arrêt économique chez-eux se transforme en une amélioration de notre balance commerciale mais une aggravation du chômage et une décroissance économique.
Sur la période avril – juin 2020, et par rapport à la même période en 2019, nous avons perdu 2 181 MTND d’exportations (l’équivalent de 5% de nos exportations totales en 2019). En rythme annuel, c’est un recul de 30,5% (prix courants). Pourtant, au niveau des équilibres généraux, la balance s’est nettement améliorée.
L’excédent commercial avec ce groupe de pays est passé de 106 MTND durant le premier trimestre en 2019 à 1 387 MTND en 2020. Le rapport exportations/importations vers ces pays a progressé à 1,38x.
… mais en trompe-l’œil
A première vue, c’est une bonne affaire, mais c’est loin d’être réellement le cas. D’abord, une grande partie de nos importations ne sont autres que des matières premières ou des produits semi-finis que nous utilisons dans la fabrication de produits qui seront ultérieurement exportés.
Si nous avons gagné en sorties de devises, le prix social était cher. Les industries exportatrices emploient énormément de main-d’œuvre. Selon les chiffres de l’INS, le second trimestre a enregistré la perte de 51 900 personnes de leurs emplois dans les industries manufacturières, dont 24 100 dans les Industries Mécaniques et Electriques (IME) et 6 200 dans le Textile, Habillement et Chaussures.
De plus, en termes de croissance, la chute des exportations a conduit à une perte de 42% de la valeur ajoutée du textile, habillement et chaussures et de 35,9% dans les Industries Mécaniques et Electriques.
Ces deux activités sont vitales pour le pays. Les IME sont la colonne vertébrale des industries manufacturières. En 2019, sa valeur ajoutée s’est établie à 5 933 MTND, soit 35,3% de celle du secteur et 5,2% du PB.
Ses exportations ont atteint un record de 20 427 MTND en 2019, soit 46,5% de toutes les ventes libellées en devises de l’économie tunisienne. Pour le secteur du Textile, Habillement et Chaussures, la valeur ajoutée a atteint 2 878 MTND grâce à des exportations de 9 353 MTND.
Une très mauvaise nouvelle pour novembre et décembre
Avec le second confinement en Europe, ces deux secteurs risquent de payer encore le prix et derrière elles, toute l’économie nationale. Au cours du mois de novembre 2019, ces cinq pays ont absorbé 2 355 MTND d’exportations tunisiennes.
Au-delà de la question de la balance commerciale, c’est à l’emploi qu’il faut penser. Les entreprises ne pourront pas redémarrer, et donc le chômage va persister et les recettes fiscales de l’Etat fragilisées.
Même si nous allégeons le rythme par rapport à la première vague, les pertes d’exportations sur les deux prochains mois ne seraient pas inférieures à 500 MTND. Si les mesures actuelles visent à permettre un bon mois de décembre pour les économies européennes, le contexte pourrait causer une chute libre dans la consommation des ménages.
Maintenant, est-ce qu’il serait préférable pour nous de confiner aussi durant la même période ? C’est une piste à évaluer sérieusement car si nous confinons lorsque les autres rouvrent, c’est tout simplement la catastrophe.