«Jamais les bailleurs de fonds n’ont mobilisé autant de financements pour le tourisme tunisien», a fait savoir Mouna Gliss, directrice générale de la coopération internationale, au ministère du Tourisme. Et ce, dans une interview accordée à l’Agence TAP. Malgré la crise qui frappe de plein fouet le tourisme tunisien, des bailleurs de fonds internationaux s’intéressent toujours à ce secteur. Et en particulier l’hébergement alternatif. Pour un tourisme durable.
Les bailleurs de fonds se mobilisent pour le tourisme durable. Pour la première fois, les Etats-Unis projettent de mobiliser à travers l’Agence USAID, entre 30 et 50 millions de dollars (l’équivalent de 82 et 137 millions de dinars). Et ce, dans le cadre du programme « Visit Tunisia » pour le développement du tourisme durable, durant les 5 prochaines années. Annonce-t-elle.
« Quelque 50,5 millions d’euros (environ 164,3 millions de dinars ) sont également, mobilisés par l’UE, la GIZ et la coopération suisse, dans le cadre de «Tounes Wijhetouna ». Le programme d’appui à la diversification du tourisme et du développement des chaînes de valeur de l’artisanat s’étalera de 2020 à 2024″.
La responsable explique « cet engouement » par l’importance du rôle que peut jouer le tourisme dans le développement durable et dans l’emploi. Une étude de l’Organisation mondiale du tourisme réalisée en 2018 a montré qu’un emploi créé dans le tourisme entraîne la création de 4 autres, indirectement.
Les programmes de coopération en cours ont été développés après près de 2 ans de négociations, auxquelles ont été associées toutes les parties concernées. Y compris la société civile dans les régions. Ils visent à compenser des défaillances caractérisant l’offre touristique tunisienne, selon la directrice.
Remédier aux défaillances
Ces défaillances ont trait au manque de diversification des produits et des circuits innovants. Ainsi qu’à l’absence de valorisation des richesses régionales et du patrimoine existant. Le manque de main-d’œuvre qualifiée et de formation. Et à la saisonnalité du secteur. Selon un document élaboré par le ministère du Tourisme.
Pour parer à ces défaillances, il a été décidé de développer le marché intérieur et les modes d’hébergement alternatif. En vue d’étaler la saison touristique et de résorber le chômage, particulièrement des jeunes et des femmes. Autant d’objectifs auxquels ont souscrit les bailleurs de fonds internationaux.
A l’horizon 2023/2024, le ministère du Tourisme compte tripler le nombre de nuitées passées dans les hôtels de charme, les pensions de famille, les gîtes ruraux et les maisons d’hôtes agrées par l’ONTT, contre environ 2 millions de nuitées actuellement, précise Gliss. Le coût de la nuitée est estimé en moyenne à 150 dinars.
Parallèlement au développement des modes d’hébergement alternatif, les fonds mobilisés dans le cadre de la coopération internationale permettent, notamment, de mettre en œuvre des nouveaux produits touristiques axés sur l’écotourisme et le tourisme culturel et durable.
Le programme « Tounes Wijhetouna», lancé en 2019, a permis jusqu’à présent, de développer la route cinématographique outre les préparatifs en cours pour lancer un appel à candidature pour le développement de la route gastronomique en 2021. Ce programme se poursuivra jusqu’à 2024, pour le développement de deux autres routes thématiques disposant «d’un produit du terroir phare et présentant un fort potentiel touristique », à savoir la route sportive et de plein air et le circuit culturel.
La route cinématographique, validée en octobre dernier, sera prête en juillet 2021. Elle permettra à des touristes cinéphiles « de partir sur les traces de 15 sites de Tunis à Tataouine, ayant servi au tournage de films cultes, tels que le Patient anglais, Star wars, Indiana Jones, Black Gold ou encore Life of Brian.
Des destinations seront, en outre, développées dans le cadre de ce programme, dans les villes de Tunis, Tozeur, Mahdia, Le Kef et Zaghouan. Celle de Tunis comprend l’aménagement de parcours cyclable et pédestre à Carthage (les travaux ont été lancés en avril dernier), outre le réaménagement en cours du site historique et du musée de Carthage et l’amélioration de la qualité de l’accueil sur les lieux, précise Gliss.
Au moins 5 produits seront développés par destination. Avec la collaboration de Suisse Contact. Le programme œuvre à favoriser l’échange et le soutien des jeunes entreprises innovatrices «Grow Together» pour des solutions numériques dans le tourisme.
Le programme de tourisme durable table sur le développement de 10% du chiffre d’affaires de 800 micro, petites et moyennes entreprises, l’emploi de 1000 personnes, dont 500 femmes et 300 jeunes et la conclusion de 15 transactions commerciales avec des acteurs privés.
Quant au programme « Visit Tunisia », élaboré par l’Agence USAID et lancé cette année, il s’articule autour de 4 axes en l’occurrence : le renforcement de la compétitivité de la Tunisie en tant que destination touristique; l’accroissement des investissements et des revenus liés au tourisme; l’aménagement d’un environnement propice à une croissance soutenue du secteur et l’engagement du secteur privé dans l’élargissement de l’offre et la qualité du tourisme alternatif. Un appel d’offres pour le choix de l’organisme d’excution de ce programme a été lancé debut novembre. Ce programme apporte de nouvelles méthodes de travail et prévoit en particulier la création d’un fond de soutien et de nouveaux mécanismes de financement pour les acteurs privés, outre l’élaboration d’un plan stratégique à long terme et d’un plan de positionnement pour le tourisme alternatif tunisien, précise la directrice de la coopération internationale.
Synergie et marketing territorial
Des synergies sont créées entre les différents programmes, dont les fruits commencent à être visibles particulièrement, à travers le projet de développement du tourisme durable dans le sud-est tunisien qui oeuvre à développer trois destinations emblématiques dans la région en l’occurrence Djerba, Dahar et Ksar Ghilane. La destination de Dahar a déjà pu améliorer ses résultats et a moins souffert de la crise du COVID.
Le projet de développement du tourisme durable dans le sud-est tunisien, qui se poursuit jusqu’à 2023, prévoit « le développement et la diffusion à large échelle de méthodes d’offres de formation, de marketing territorial et de mode de gouvernance inclusifs destinés notamment aux jeunes dont des rapatriés et aux femmes ».
D’après Mouna Gliss, le projet apporte une nouveauté en matière de marketing territorial à travers la « Destination Management Organisation » (DMO), concept qui permet de réunir tous les intervenants dans le produit pour travailler au marketing territorial.
Outre l’apport américain et européen, le département du tourisme espère relancer la coopération avec la JICA (agence de coopération japonaise), qui a été son partenaire, après la révolution dans le projet de développement du tourisme saharien auprès de la clientèle asiatique. Le Projet n’a pas eu le temps d’aboutir en raison des restrictions de voyage imposées par les chancelleries étrangères sur le déplacement des touristes après les attaques terroristes de 2015.
Gliss affirme que le département s’intéresse à l’expérience canadienne en matière de formation du personnel touristique. Il en va de même pour l’expérience chinoise en matière de développement des startups spécialisées dans la digitalisation des services touristiques et hôteliers. Celles ci permettent notamment, de réduire les contacts humains, option ardemment souhaitée après la crise de COVID.
Ainsi, grâce aux différents programmes réalisés dans le cadre de la coopération internationale, dans 5 ans le tourisme tunisien gagnera en compétitivité, mais il faut d’abord veiller à mettre en œuvre d’autres conditions notamment la promotion du transport terrestre et aérien (particulièrement l’open sky) et la digitalisation pour s’adapter aux changements que la crise covid ne manquera pas d’apporter dans le marché touristique dans le monde, conclut la reponsable.