Il se passe tellement de choses incongrues chez nous qu’on finit par s’y habituer et qu’il n’y a pratiquement plus rien à ajouter. Sauf peut-être à en rajouter sur la pluie et le mauvais temps.
La météo est capricieuse. Il lui arrive rarement de tenir compte des vœux des hommes, même quand ces hommes et ces femmes siègent à l’ARP, haut lieu comme tout un chacun sait des espoirs du peuple et des rêves des plus démunis. Ainsi donc, la pluie a généreusement nanti le pays il y a un an, mais se fait désirer fortement pour l’année en cours.
Historiquement, il en a toujours été ainsi et tous les adages populaires à ce sujet tournent autour de l’inconstance, certains disent l’alternance, entre la pluie et le beau temps.
L’ennui, c’est que les « modernes » tiennent de plus en plus les anciens pour des primitifs, surtout quand il est urgent de magnifier les égotismes qui nourrissent la starisation glauque du paysage politique tunisien. Beaucoup de stars de la chose publique tiennent les micros et les caméras de télévision, mais se mettent aux abonnés absents quand il s’agit de trouver à assurer les récoltes ou faire fructifier les richesses du sous-sol en dépit du populisme démagogique.
Et c’est là que l’on voit bien pourquoi il est passablement incongru de se chamailler autour des problématiques lois de finances. Pour avoir de quoi payer, il faut encore pouvoir compter sur les recettes.
L’actuel, et probablement temporaire Chef du Gouvernement, en sait quelque chose. On peut lui donner toute la bonne ou la mauvaise foi que l’on souhaite, il ne voit manifestement rien d’autre à faire que de remettre en marche forcée la planche à billets.
Le Gouverneur de la Banque Centrale s’y oppose, à raison, mais la persistance du discours démagogique met toutes les institutions en danger, pour ce qui reste à perdre il faut dire. La mode est à celui qui fera le plus fort dans le blocage de tout ce qui ressemble à du travail, et à des travailleurs désireux de gagner leur pitance à la sueur du front.
Nous n’en sommes plus à demander à tout un chacun de cultiver son jardin. La corde dite de « la formation en jardinage » a été tellement usée qu’elle ne ressemble plus qu’à une espèce d’entreprise vaine d’assistance. À ce sujet, il y a une désignation éphémère à la tête d’une entreprise nationale qui est pratiquement passée inaperçue, celle de Tunisair.
Le préposé au poste n’a pas mis longtemps pour se « désister », formule polie pour dire qu’il a jeté l’éponge. Et on essaye de deviner dans les grandes lignes ce qui a dû se passer dans la tête de l’intéressé quand il a commencé à s’atteler à la tâche. L’idée qui vient est qu’il a dû se dire, comme Mechichi, « que suis-je allé faire dans cette
galère ? ».
Des années de recrutements intempestifs et de réhabilitations approximatives ont rendu l’entreprise non viable. Et, manifestement, aucun responsable n’aurait le droit de remettre de l’ordre dans la boîte qu’il est supposé diriger.
L’habitude a été prise de demander à l’État tout et son contraire. Et comme le plus bel État ne peut donner que ce qu’il a, en fait pas grand-chose par les temps qui courent, l’abondance de pluie va continuer à boucher les égouts et le manque de pluie à boucher les oreilles.
On parle bien d’un remake du « Dialogue National », bien que cela laisse supposer que le système électoral actuel mène à l’impasse. La multiplication des « coordinations », désormais lieux des décisions devenues de fait légalité, montre assez que les institutions dites de la deuxième République sont désormais obsolètes et qu’il ne sert plus à grand-chose de passer par l’isoloir pour se faire entendre.
Il y a longtemps, un ancien Premier ministre, H. Nouira pour ne pas le nommer, avait expliqué sa réussite en affirmant que « la pluie avait voté pour lui ».
On n’en est plus là, puisque les gouvernants sont devenus des extraterrestres. Par temps de pluie et de mauvais temps, ce n’est pas vraiment un compliment.