La « Charte éthique pour la couverture médiatique des migrations » réaffirme la nécessité d’un débat apaisé et raisonné. Et ce à l’approche de la Journée internationale des migrants, vendredi 18 décembre 2020.
Que dit cette Charte éthique pour la couverture médiatique des migrations?
Conscients que la couverture médiatique des migrations exige une vigilance particulière de la part des professionnels des médias,
Conscients que cette couverture passe par un respect rigoureux des principes éthiques et déontologiques de la profession,
Conscients des transformations profondes du journalisme marqué par le rôle prépondérant des réseaux sociaux,
Nous affirmons que l’engagement pour une couverture éthique des migrations s’appuie sur les textes fondateurs de la déontologie du journaliste, notamment la Charte mondiale d’éthique des journalistes de la FIJ (Fédération internationale des journalistes) de 2019, qui complète la « Déclaration de Bordeaux » de 1954, et aussi sur quatregrands principes du journalisme éthique : exactitude, indépendance, humanité et responsabilité.
La présente Charte rappelle à nous, journalistes, et à nos rédactions, les principes déontologiques devant s’appliquer à la couverture médiatique des migrations.
1.Les mots ont leur importance
Tout journaliste couvrant les questions migratoires doit s’interroger sur l’origine et l’impact des termes qu’il utilise. Il n’emploie pas des mots péjoratifs et juridiquement impropres comme »clandestin » ou « illégal »: un homme n’est pas « illégal », on préfèrera le terme « en situation irrégulière ». Il utilise la terminologie et les concepts conformes au droit international et à la dignité humaine.
2.Haine, racisme et discrimination
Le journaliste décrypte et met à distance les discours de haine, de racisme, de xénophobie et de discrimination.
3.La complexité des faits
Le travail du journaliste est de restituer des histoires particulières dans un contexte historique, socioéconomique, culturel et géopolitiqueglobal.
Le journaliste identifie et remet en question les clichés et les stéréotypes en revenant aux faits et en les replaçant dans leur contexte. Il déconstruit les discours qui criminalisent les migrants et les considèrent comme un danger.
Etant donné la complexité des questions migratoires, il diversifie les sources d’information, les genres journalistiques, les thématiques et les angles d’attaque.
4.Le consentement informé
Les migrant(e)s, en situation administrative régulière ou irrégulière, sont souvent ceux- ou celles – qui s’expriment le moins. Fréquemment réduits à l’état de victimes, ils ne peuvent être cantonnés par les journalistes à la seule vulnérabilité de leur situation.
Les migrants sont des individus maîtres de leur propre histoire. Le journaliste leur donnela parole, leur permet d’argumenter, et les invite à devenir des acteurs du débat.
Cette parole est recueillie sur la base du consentement informé: sachant que tout le monde n’a pas la même maîtrise ni la même éducation aux médias, l’intervieweur explique à la personne qu’il interroge la finalité de son travail journalistique et les risques éventuels liés à la diffusion de son témoignage et/ou de son image. Il s’agit de ne pas porter préjudice aux personnes vulnérables
5.Faire preuve d’empathie et de vigilance
Le journaliste ne recherche pas le sensationnel. Il est dans son rôle de témoin, fait preuve d’empathie mais dépeint la situation telle qu’elle est, en restant vigilant sur la véracité des récits qu’il recueille. Il n’accepte jamais de payer pour obtenir un témoignage.
Il respecte la culture, la religion et les traditions des personnes qu’il interroge. Le journaliste est conscient, aussi, qu’il possède ses propres références, qu’il est marqué par son éducation, ses valeurs, son bagage culturel. Il est en alerteface aux stéréotypes ou aux clichésqui, dans toute société, ont tendance à stigmatiser « l’autre », l’étranger.
Il est particulièrement attentif à la situation des femmes, des mineurs, des minorités ethniques et sexuelles. Il a conscience de l’état émotionnel des personnes rencontrées et du possible trauma qu’elles ont enduré.
6.La force des images
Le journaliste s’assure aussi du consentement informé du migrant quant à la diffusion de son image. Il n’accepte jamais de payer pour obtenir une photo ou une séquence filmée.
Les mineurs sont photographiés ou filmés à la seule condition qu’un parent ou un proche confirme leur consentement.
Les images fixes sont fournies aux rédactions avec des légendes précises qui permettent d’éviter toute utilisation erronée, détournée ou malveillante.
Les images particulièrement fortes, parfois choquantes, qui montrent des situations extrêmes sont publiées ou diffusées si, et seulement si, elles sont produites dans l’intention d’expliquer, de convaincre ou de dénoncer, en dehors de la recherche du sensationnel.
Charte écrite et adoptée à Carthage (Tunisie) le 11 décembre 2019 par des journalistes d’Afrique, d’Amérique, d’Asie et d’Europe.