L’ONG Médecins du Monde Belgique (Section Tunisie) et la Fondation Friedrich Naumann pour la liberté ont lancé en 2020 une étude sur « l’accès à la protection sociale des femmes vivant en milieu rural ».
Cette étude a été réalisée suite à un ensemble de questionnaires et de « focus groups » lancés dans les régions cibles du projet Rifeya. D’après cette étude, les facteurs déterminant l’accès des femmes à la protection sociale sont d’ordre culturel, structurel, social et institutionnel. L’étude a mis en évidence des enjeux et des barrières multiples.
Précarité des activités dans le secteur de l’agriculture
Dans le secteur agricole, la relation professionnelle entre les femmes et les exploitants agricoles est quasi-absente. En effet, les femmes continuent à exercer un travail précaire et saisonnier dans plusieurs exploitations et à des rythmes discontinus. Ce contexte explique l’inscription de la majorité des exploitants dans ce système informel qui accentue la ségrégation et l’exploitation des femmes.
Accès au transport
Malgré la promulgation du décret gouvernemental n° 2020-724 relatif au transport des travailleur.se.s agricoles, la situation ne s’est pas améliorée. Les transporteurs clandestins continuent à exercer en dehors de tout contrôle strict de l’Etat. Ces transporteurs informels, en milieu rural, s’ils offrent une protection parallèle aux femmes, accentuent cependant leur ségrégation et les exposent aux différentes formes d’exploitation, de risques et de maltraitance.
Mutations des ménages en milieu rural et l’accès au logement adéquat
L’évolution des ménages et l’accès difficile au foncier et à l’emploi ont réduit les chances des femmes d’accéder à un logement décent.
Accès à la couverture sociale
La couverture sociale n’est pas considérée comme une priorité. Elle est souvent synonyme de dons ou de pensions accordées gratuitement par l’Etat sans contribution de la part du bénéficiaire. Cette représentation qui rappelle l’Etat providence et paternaliste, domine l’esprit des femmes en milieu rural et conduit à la mise en question des démarches d’affiliation aux régimes contributifs de sécurité sociale, notamment celui reconnu par « Ahmini« .
Valeurs et structure socio-culturelle
De par le faible niveau d’instruction et l’analphabétisme, les jugements de valeurs et les idées stéréotypées à domination masculine, continuent à marquer la société traditionnelle. Le statut des femmes dans les ménages prend différentes configurations : de la transposition des rôles, à la domination, à l’exploitation et la violence.
Accès aux services de soins et de santé
Les facteurs déterminant l’accès aux soins de santé sont ainsi d’ordre structurel et culturel. Ils se résument, entre autres, à l’absence d’un service de qualité dans les centres de santé de base et les hôpitaux de circonscriptions, la faible prise de conscience de l’importance de la santé maternelle et la priorité accordée au travail, l’absence d’une éducation sexuelle au sein de la famille vivant en milieu rural ainsi que la faible accessibilité des services de santé causée par le mauvais état de l’infrastructure et les problèmes de transport.
Vulnérabilité sociale et sanitaire
Des risques sont causés soit par les aléas naturels ou par l’action anthropique. Leurs effets directs ou indirects peuvent être ressentis sur la santé des femmes ou sur leur statut social et économique.
Gouvernance de la protection sociale et modes de communication
En effet, ce facteur transversal est d’une importance capitale dans la mise en place d’un système de protection qui favorise la légitimité des interventions. Il garantit la transparence des relations. Il négocie d’une manière participative les interventions en faveur des femmes en milieu rural. Ce facteur intervient comme régulateur des conflits. Il facilite la mise en synergie des acteurs et leurs programmes.
Plusieurs recommandations ont été formulées par l’étude autour de cinq orientations stratégiques. Celles-ci visent à :
- Contextualiser les démarches de planification et de programmation des projets d’autonomisation;
- Développer les dispositifs d’observation et d’information sur les femmes en milieu rural;
- Renforcer les compétences féminines et développer le savoir-faire local en milieu rural;
- Intégrer les acteurs informels et développer les structures de l’économie sociale et solidaire;
- Mettre en cohérence les enjeux des acteurs et renforcer les initiatives de partenariat entre les différentes parties prenantes.