Le tourisme tunisien a connu en dix ans, trois grandes crises, le soulèvement du 14 janvier 2011 les attentats perpétrés en 2015 au musée du Bardo et à Sousse et la pandémie du coronavirus en 2020. En dépit de ces chocs déstabilisateurs qui ont provoqué des baisses drastiques de l’activité touristique, l’heure est à l’optimisme.
Dans une interview accordée à l’Économiste Maghrébin, Habib Ammar, ministre du Tourisme et ministre de la Culture par intérim, fort d’arguments solides, se dit optimiste quant à la reprise de l’activité touristique en 2011. Il fonde tous ses espoirs sur l’effet vaccin, véritable effet d’aubaine. Dans cet entretien, le ministre, maîtrisant parfaitement son sujet, revient sur les Talons d’Achille du secteur et sur les réformes engagées pour y remédier.
Vivement que l’année 2020 se termine. Il faut reconnaître qu’elle n’a pas été une année facile ?
En effet, vivement qu’elle se termine. Pourtant, elle aurait pu être la meilleure année du tourisme. Et pour cause. Au début de cet exercice, nous avions d’excellents indicateurs et beaucoup de promesses qui auguraient que cette année allait être l’une des meilleures années du tourisme. La première vague de la crise a été accompagnée d’un confinement de deux mois.
La reprise a eu lieu, fin juin, avec l’espoir de décoller, durant la haute saison (juillet-août-septembre). Mais une fois de plus, c’était la déception. Il y avait, partout dans le monde, une grande réticence des voyageurs de se délacer.
Conséquence : la haute saison a viré au cauchemar, c’était la plus mauvaise haute saison, et ce, en raison de la pandémie de la Covid-19 qui a sévi en Europe et en Tunisie.
La deuxième vague de la crise a débuté fin septembre-début octobre. Cette vague, qui était prévue depuis quelques mois, était plus sévère puisqu’elle a fait plus de 3000 morts.
Tous ces éléments ont fait que la saison 2020 soit la plus mauvaise saison de l’histoire du tourisme au niveau mondial et national. Selon l’OMT, la baisse de l’activité touristique serait de l’ordre de 70 à 80% tandis que le retour aux chiffres de 2019 ne pourrait intervenir que d’ici quatre ans. En Tunisie, la baisse d’activité variera entre 60 et 70%.
Il y aura tout de même l’après-Covid. Est-ce que l’activité touristique serait en capacité de reprendre ?
Le gouvernement s’est fixé comme première priorité la sauvegarde des 400 mille emplois directs et indirects du secteur touristique. L’enjeu serait de taille si on devait gérer 400 mille chômeurs au lendemain de cette pandémie mondiale. La deuxième priorité a consisté à protéger les entreprises touristiques pour qu’elles soient à même de recevoir dans de bonnes conditions les touristes une fois que l’activité aurait repris vers le mois de juin prochain, grâce à la vaccination.
Parmi les mesures adoptées, figurent la prise en charge par l’État des cotisations à la CNSS durant trois trimestres : le dernier trimestre de l’année en cours plus les deux premiers trimestres de l’année 2021.
De la même manière, toutes les dettes auprès de la CNSS ont été reportées à 2021 et à 2022. Nous avons également mis en place des mécanismes dont la prolongation du délai de dépôt des déclarations de l’impôt sur les sociétés au titre des exercices 2019 et 2020 jusqu’au 31 décembre 2021, avec un rééchelonnement du paiement à partir de janvier 2022 au profit des établissements touristiques et artisanaux.
Aussi, la Banque centrale de Tunisie a adressé une circulaire aux banques et aux établissements financiers, qui prévoit la prorogation de la période de report à la fin septembre 2021 (contre fin septembre 2020 initialement), et ce, pour les échéances des crédits obtenus par les entreprises et les professionnels opérant dans les secteurs du tourisme et de l’artisanat, y compris les sociétés de gestion touristique.
Et pour ne rien oublier, une prime mensuelle de 200 dinars a été accordée aux employés qui se sont trouvés en chômage technique, ainsi que la mise en place d’un mécanisme pour des formations rémunérées. Le personnel qui sera mis en chômage technique bénéficiera d’actions de formation rémunérées. Toute cette panoplie d’actions vise à protéger à la fois la main d’œuvre du secteur touristique et les entreprises du secteur.
Ne pensez-vous pas que le tourisme tunisien s’est développé par défaut en profitant des crises qu’avaient connues des destinations concurrentes en méditerranée ?
Le tourisme tunisien avait sa propre cohérence. Il a été développé, au début des années soixante, en fonction des réalités de cette période-là. Nous avions de belles plages s’étalant sur plus d’un millier de kms. Il y avait une très grande demande pour le tourisme balnéaire. Actuellement, elle demeure d’ailleurs.
Sur la proposition des tours opérateurs et de voyagistes européens et méditerranéens, la Tunisie s’est lancée dans le développement du tourisme balnéaire. C’est un modèle qui a très bien marché, 40 ans durant, ne l’oublions pas. C’est une activité très rentable qui a fait connaître la Tunisie et a transformé le paysage économique de la Tunisie.
Résultat : au bout de quelques années, le tourisme a pris une grande place au niveau du PIB du pays et au niveau de la vie sociale et économique. Aujourd’hui, on ne peut plus imaginer la Tunisie sans le tourisme. C’est ce qu’il faut avoir présent à l’esprit. Seulement, il y a eu des transformations au niveau du bassin méditerranéen, et du monde du tourisme de façon générale qui ont fait que le secteur dans sa configuration actuelle, exclusivement balnéaire, a commencé à connaître des problèmes au niveau de la rentabilité et du rendement.
À l’origine de ces transformations, la recrudescence de la concurrence et le changement des modes de consommation des touristes européens. Tous ces facteurs ont fait que notre modèle tel qu’il a été conçu et qui n’a pas évolué ne peut plus avancer. C’est ça le véritable problème. Ce recul de la rentabilité et du rendement s’est traduit par un endettement excessif.
Et dire qu’à un certain moment, nous avons été précurseurs, avec des slogans révolutionnaires du type « ne bronzez pas idiot ». Le tourisme aujourd’hui est-il un tourisme intelligent ? Qu’en pensez-vous ?
C’est que nous n’avons pas su adapter au bon moment notre potentiel aux mutations et changements structurels qu’a connus et que connaît l’activité touristique dans le monde.
Nous avons connu en Tunisie les attentats de 2015, Paris, à Londres, en Égypte, en Turquie ont également connu des attentats. Et pourtant, le tourisme a continué à prospérer dans ces destinations concurrentes. Ne trouvez-vous pas que si la Tunisie connaît de temps en temps des difficultés cela serait principalement dû à la monotypie de son produit, le balnéaire qui est délocalisable ?
Là, vous touchez aux perspectives de développement du secteur. Le futur du tourisme sera dans la mise en œuvre de réformes structurelles profondes pour lui donner un nouveau visage. D’ici dix ans, je vois un tourisme Tunisien dans lequel le balnéaire demeurera un secteur certes important mais il sera enrichi par de nouveaux produits relevant de ce qu’on appelle le tourisme alternatif. Il s’agit des gîtes ruraux, des maisons d’hôtes, du tourisme rural, cultuel et de congrès…
De ce fait, le tourisme sera une solution pour la création d’emplois dans les zones intérieures du pays, non pas uniquement dans les zones côtières. Deuxièmement, une de nos faiblesses est de n’avoir pas développé sur des bases solides le tourisme intérieur. Ce produit est dorénavant appelé à représenter une part importante du marché. À cette fin, il importe de le réinventer sur de nouvelles bases solides, l’objectif étant d’en faire un levier de résilience aux crises exogènes qui surviennent de temps à autre.
Voulez-vous dire que le tourisme intérieur, une fois réformé, devrait prendre le relais des flux touristiques étrangers en période de crise ?
C’est simple, on a toujours parlé de tourisme intérieur comme d’une 5ème roue de la charrette. En Tunisie, il a été constamment réduit à des réductions de prix pratiqués par les hôtels en périodes de vaches maigres ou de crises. Malheureusement, ce n’est pas avec une telle approche qu’on peut développer un tourisme intérieur. Ce sont là des mesures conjoncturelles.
Pour développer ce secteur, il faut créer des produits qui soient adaptés à la bourse du tunisien et à ses habitudes. Le tunisien ne sait pas réserver d’avance. Si on propose de bons prix pour les TO étrangers c’est parce que ce sont des nuitées achetées en gros, des mois à l’avance, qui sont revendues après, au détail moyennent une marge.
C’est pour cette raison que le touriste européen dispose de prix avantageux et compétitifs à la faveur des réservations. Par contre, le tunisien qui arrive en last minute a peu de chances de trouver des prix réduits et compétitifs. À titre indicatif, un français qui viendrait au mois d’août, et qui va directement à l’hôtel, paiera le même prix que le tunisien. Un tunisien installé à l’étranger et qui passe par un TO aura le même prix que le touriste français qui a réservé son séjour. C’est le modèle de commercialisation qui fixe le prix, ce n’est pas une question de nationalité. J’appelle tous les tunisiens à se mettre au diapason de la commercialisation sur internet.
Il faut dire qu’on accuse un grand retard en la matière. Pour tirer le meilleur profit de ce nouveau mode de commercialisation, il faut activer l’Open sky et nous espérons qu’il entrera en œuvre le plus tôt possible. C’est seulement avec cela qu’on peut développer des offres qui sont personnalisées. Chaque touriste, chaque visiteur pourra réserver son avion et son hôtel via internet.
Parmi les produits qui ont prouvé leur efficacité et rentabilité, figure le tourisme résidentiel qui est développé au Maroc, en Espagne et pratiquement dans toutes les destinations concurrentes, la Tunisie a-t-elle une stratégie pour tirer profit de ce créneau porteur ?
On ne le répétera jamais assez. Nous avons tout intérêt à développer le tourisme résidentiel. Nous avons tout intérêt à ôter tous les obstacles administratifs qui entravent le développement de ce produit, y compris l’appropriation de logements par des étrangers. Le tourisme résidentiel est un secteur extrêmement intéressant pour deux raisons. Premièrement, les éventuels acquéreurs sont des touristes à part entière. Ils sont insensibles aux différents problèmes qui peuvent survenir.
Deuxièmement, ce produit a un effet d’entraînement puisque l’acquéreur d’un logement en Tunisie va ramener ses amis et les amis de ses amis. Il viendra en plus régulièrement. C’est un touriste fidèle et fidélisé. Et généralement, c’est un touriste qui va faire bénéficier tous les commerces.
C’est pourquoi nous avons tout intérêt à développer le tourisme résidentiel en Tunisie lequel est très en vogue, ailleurs. Certains hôtels qui sont en grande difficulté ou qui sont abandonnés quasiment peuvent être transformés à cette fin en résidences pour seniors ce qui permettra à la Tunisie d’attirer une autre catégorie de touristes d’une autre qualité.
La Tunisie a tous les atouts en termes de prestations médicales, en termes de protection sociale et également ça fera venir toute la famille en Tunisie. Le tourisme médical peut être également développé en Tunisie d’autant plus que les médecins tunisiens sont réputés partout en Europe pour leur compétence. Donc pour nous, c’est un gage de réussite de s’orienter vers ce créneau.
Vous avez dit précédemment que le tourisme tunisien souffre de problèmes structurels. En votre qualité de ministre, votre rôle est-il de sauver les hôtels ou les hôteliers ?
En principe, la démarche d’un ministre, voire son rôle majeur c’est de réfléchir, constamment, sur les voies et moyens de sauver le secteur dans son ensemble. Cette communauté est appelée pour pérenniser le métier et l’emploi, à s’adapter et à évoluer en fonction des nouveaux défis du secteur. Donc, il y a des changements à opérer, des mutations à faire.
Tout le monde, administration, profession et salariés doivent être en phase pour mettre sur terrain toutes les nouvelles orientations dont le secteur a besoin. Désormais, tous ces acteurs ne pourront survivre que lorsqu’ils fourniront l’effort nécessaire pour s’adapter aux mutations du secteur. Il y aura un avant et un post-Covid-19 même au niveau international. Il faudrait que les professionnels s’adaptent et il faut que nous aussi en tant qu’administration, nous nous adaptions aux nouveaux défis et mutations que le secteur va connaître car il va y avoir de grandes mutations et nous ne devons pas passer à côté.
C’est hélas une lapalissade, l’un des principaux Talons d’Achille du secteur, c’est la dégradation de la qualité, votre ministère a-t-il réfléchi à des stratégies de formation ou de recyclage pour y remédier ?
Nous y avons pensé et nous avons même prévu des actions dans le cadre des mesures prises, au mois de novembre dernier, pour soutenir le secteur. Nous avons prévu un mécanisme pour des formations rémunérées. Le personnel qui sera mis au chômage technique bénéficiera d’actions de formation rémunérées. Nous avons convenu, récemment, avec l’Union européenne d’un programme pilote dans ce sens pour 1250 agents qui va commencer au mois de janvier 2021.
Nous avons proposé de former 5000 autres agents en partenariat avec l’UE, conscients que nous sommes de l’importance de la formation dans l’amélioration de la qualité. Pour nous, la formation est un point essentiel. Nous ne devons pas perdre du temps. Il s’agit de profiter de cette période creuse pour investir dans la formation et son corollaire ultérieur, l’amélioration de la qualité du service.
Votre expérience à la tête de deux ministères, le tourisme et les affaires culturelles par intérim, vous a-telle permis d’identifier des niches de partenariat entre les deux départements ? Culture et tourisme ?
Il faut avouer qu’il y avait pour ainsi dire très peu de contact entre le tourisme et la culture. Aujourd’hui, en assurant l’intérim du ministre des Affaires Culturelles, il m’a été donné de voir les choses de plus près et de confirmer qu’il y a un potentiel énorme pour faire de la Tunisie une destination culturelle d’excellence parce que notre pays est très riche en matière culturelle, de vestiges et d’histoire.
Le nouveau profil de visiteur ne s’intéresse plus uniquement, au tourisme balnéaire, il veut découvrir la culture du pays et son patrimoine. Le tourisme culturel a toujours été un créneau très porteur qui attire une clientèle à fort pouvoir d’achat. La Tunisie est un pays qui dispose d’un riche patrimoine qu’il faut valoriser et bien exploiter pour rehausser l’image de notre destination et la rendre apte à attirer une nouvelle catégorie de touristes.
Le constat est toutefois là : il ne suffit pas d’avoir des vestiges et une illustre histoire pour être une destination de tourisme culturel. Il faut concevoir à travers des investissements souvent lourds des produits touristiques autour de notre histoire , de nos ruines romaines et autres vestiges culturels.
Il faut que les structures d’accueil de ces produits répondent aux exigences d’une clientèle exigeante. C’est un grand travail qui doit être fait et cela nécessite beaucoup d’investissements et de moyens. Quelle que soit la configuration future du gouvernement, je suis convaincu plus que jamais que les deux ministères doivent dorénavant, travailler la main dans la main pour le bien du tourisme tunisien et de la culture.
Le développement du tourisme culturel nécessite donc la mise en place d’une stratégie réelle, d’un plan d’actions qui engage l’ensemble des intervenants et un appui financier de l Etat notamment à travers le partenariat public / privé ou des bailleurs de fonds à l’instar du projet “Tounes Wejhatouna”, financé par l’UE et mis en œuvre par la coopération allemande GIZ.
Le ralentissement du tourisme mondial actuel peut être utilisé pour développer de nouveaux modèles et approches pour une reprise durable du tourisme qui soutienne les communautés, crée des emplois, promeuve la culture et protège le patrimoine et sa transmission.
Justement à propos de tourisme culturel, votre ministère subventionne des festivals lesquels à l’exception de quelques-uns (El Jem, Hammamet, Tabarka…), ne peuvent constituer des produits d’appel pour tous les touristes haut de gamme. Qu’en pensez-vous ?
Les festivals sont effectivement des éléments essentiels pour attirer une certaine catégorie de touristes. Malheureusement, de nos jours, nous constatons que les festivals n’ont plus la même empreinte et attractivité d’avant. Le festival de Jazz de Tabarka n’a pas pu continuer sur la même lancée en raison de divergences entre les associations en charge de l’organisation de cette manifestation culturelle. Il y a des festivals qui ont eu leurs jours de gloire mais qui ne sont pas arrivés à être indépendants financièrement.
Une chose est sûre, il y en a plusieurs à renforcer et à valoriser en Tunisie, ce qui nous amène à réviser notre façon de soutenir ce type de manifestations culturelles. D’abord grâce aux fonds dédiés et ensuite, il faut qu’ils s’autofinancent, voire même qu’ils réalisent des bénéfices. C’est cette autonomie financière qui est garante de la qualité des spectacles et de la pérennité.
Il y a certaines destinations qui ont forgé leur réputation touristique à la faveur du shopping, le cas des pays du Golfe, est-ce que la Tunisie va envisager un jour à faire autant ?
C’est une niche intéressante, mais son développement exige beaucoup d’argent. C’est toujours intéressant pour les touristes d’envisager l’option shopping. Pour la Tunisie, elle peut favoriser d’importantes rentrées de devises. Toutefois, il faudrait que les touristes trouvent une variété de lieux où ils peuvent dépenser leur argent. Pour le moment, cette niche est sujette à de fortes critiques dans notre pays. Pour preuve. Chaque construction d’un Mall, suscite un lot de questions sur l’impact de cet espace de vie, sur son apport réel en matière de création d’emplois, de commercialisation de produits locaux…
Les taxes imposées aux boissons alcoolisées sont très élevées pour les touristes, ne pensez-vous pas qu’il faudrait les réviser ?
À l’heure actuelle, on ne peut rien changer. On fera le point dessus avec les professionnels et compte tenu du fait que certains produits sont fortement consommés, on pourrait envisager, à priori, de revoir ces taxes.
Au sujet de la profession et de ses représentants, est-ce que le ministère les associe à la prise des grandes décisions qui concernent le secteur ?
Ce sont des partenaires. On se connaît depuis des années. On a travaillé ensemble durant les périodes où j’assumais d’importantes responsabilités au sein du ministère. J’étais moi aussi, durant cinq années, un professionnel du secteur, membre de la Fédération de Sousse et même au conseil national de la FTH. Aujourd’hui, je suis certes de l’autre côté de la barrière, mais je connais parfaitement l’angoisse qu’ils vivent aujourd’hui pour payer leurs employés.
De l’avis de grands groupes et TO étrangers, le système de classement des hôtels laisse à désirer. Qu’avez-vous préparé pour pallier cette lacune ?
Vous évoquez là un grand problème que nous prenons à bras le corps. C’est le système de classement des hôtels qui est vraiment caduc au point que les TO ne le prennent pas, effectivement, au sérieux.
Le ministère du Tourisme est en train de travailler sur de nouvelles normes de classement lesquelles répondent aux spécificités exigées de nos jours, s’agissant notamment de l’immatériel, l’information et la qualité du service. Des critères qui doivent avoir une place de choix dans l’application des nouvelles normes avant-gardistes qui seront publiées d’ici trois mois au maximum et seront mises en vigueur l’année prochaine.
Les professionnels du tourisme auront 9 mois pour s’habituer, s’adapter et se former à ce nouveau classement et pour qu’ils fassent les investissements exigés par le nouveau classement. Dans ces normes, on a mis en première ligne les critères de formation, l’immatériel et la qualité du service. Ce sera un grand changement pour l’offre de service touristique en Tunisie.
Concernant les marchés chinois et japonais, diplomates et professionnels estiment que l’offre tunisienne, pour attirer d’importants flux touristiques asiatiques, doit s’adapter aux exigences de leurs touristes notamment en matière de gastronomie, d’investissement, de maîtrise des langues… ?
À mon avis, ce sont là des marchés qu’il faudrait bien exploiter dans le futur. C’est un potentiel énorme pour le tourisme tunisien et nous avons beaucoup de possibilités. Pourquoi ? Le tourisme chinois peut contribuer à la diversification du produit tunisien, en ce sens que le touriste chinois n’est pas féru du tourisme balnéaire. Il est beaucoup plus attiré par le tourisme saharien. Mieux, il serait plus attiré par la destination Tunisie si nous arrivons à faire de la destination Tunisie réellement une destination de tourisme culturel.
Il faut des guides qui parlent chinois et japonais et des restaurants chinois en Tunisie pour attirer cette clientèle ?
La Tunisie a été toujours un pays accueillant, un pays ouvert et un carrefour de civilisations. Elle a pour véritable vocation d’être ouverte à l’ensemble des pays du monde car nous avons la responsabilité de garder une bonne part des secrets de l’héritage de l’humanité. Carthage et Hannibal font partie du patrimoine mondial. On peut commencer par des triangulations Asie – Europe –Tunisie. Les touristes asiatiques qui visitent Paris ou Rome peuvent programmer des détours en Tunisie. C’est une option tout à fait envisageable. C’est le travail des agences de voyage et nous devons être agressif et proposer ce genre de produit qui pourrait être très bien vendu.
Êtes-vous optimiste pour 2021 ?
Oui, je suis optimiste pour 2021. Je pense qu’il y aura une reprise parce qu’il y a déjà des indices importants. La population européenne sera vaccinée et c’est de bon augure. Nous espérons, également, que la frontière avec l’Algérie sera ouverte. Celle avec la Libye l’est, heureusement, aujourd’hui. Je pense qu’on ne doit jamais oublier que la Tunisie est une destination incontournable en méditerranée. Il y a beaucoup de gens et de touristes qui souhaitent reprendre leurs voyages et beaucoup d’entre eux choisiront la Tunisie en 2021.
Votre dernier message ?
J’appelle tous les opérateurs de la chaîne touristique en Tunisie à tenir bon car les temps sont durs. La première priorité que je leur recommande est de garder les emplois et les employés qui ont fait connaître le tourisme tunisien partout dans le monde. Je leur dis, également, que ce n’est qu’une période transitoire et que d’ici quelques mois, la pandémie de la Covid-19 sera un ancien cauchemar. Nous devons donc être fin prêt pour rependre notre activité, mais en corrigeant nos défauts d’avant. J’espère aussi qu’on est tous sensibilisés à cette donne. Soyons réceptifs et ayons cette capacité d’adaptation aux mutations profondes que va connaître le secteur dans les années qui viennent.
L’interview a été réalisée à Paris à l’occasion de la visite du Chef du gouvernement. M. Habib Ammar a eu de multiples et d’intenses réunions avec dirigeants de TO et responsables du secteur pour préparer l’après-vaccin. Son calendrier était si chargé qu’il dut prolonger son séjour dans la capitale française. Et de s’exposer en dépit des mesures de précaution. De monter en première ligne lui a valu d’être testé positif. À l’heure où nous mettons sous presse, le ministre du Tourisme et de l’Artisanat est confiné chez lui. Tous nos vœux d’un prompt rétablissement.