En décidant de relever son ministre de l’Intérieur, Taoufik Charfeddine, de ses fonctions, le chef du gouvernement assume son droit constitutionnel. En effet, Hichem Mechichi est libre de choisir, de désigner et de démettre les membres de son cabinet ministériel. S’affranchissant ainsi de la tutelle de Carthage.
Ainsi, Hichem Mechichi semble avoir pris goût au jeu de massacre. En effet, après le limogeage, il y a à peine deux semaines, du ministre de l’Environnement; c’est au tour du ministre de l’Intérieur Taoufik Charfeddine, un gros calibre du gouvernement, d’être démis de ses fonctions. Et de trois, puisque le ministre de la Culture connut le même sort en octobre dernier.
Quel est le dénominateur commun entre ces infortunés? Tous apprenaient la mauvaise nouvelle par un simple communiqué provenant de la présidence du gouvernement. Sans qu’aucune précision ne vienne indiquer les raisons de leur disgrâce.
Un intérim controversé
Dans la foulée, le chef du gouvernement prenait la décision d’assurer l’intérim, en attendant la nomination d’un nouveau ministre. Décision d’autant plus hasardeuse qu’elle survient dans un contexte politique et social instable.
Sachant qu’il occupait déjà le poste de ministre de l’Intérieur de février à septembre 2020 dans le gouvernement d’Elyes Fakhfakh. Aujourd’hui, avec ce titre intérimaire, Mechichi veut de toute évidence garder un œil sur ce département qu’il sait stratégique. Or, il est de coutume que ce soit le ministre de la Justice ou celui de la Défense Nationale qui remplace le ministre de l’Intérieur; lorsque ce poste est vacant.
Alors, pourquoi le chef du gouvernement, un homme pondéré et réfléchi a-t-il pris cette décision? Laquelle peut se retourner, tel un boomerang, contre lui à court ou à long terme.
Ordres et contre-ordres
D’après des sources concordantes, le ministre limogé a opéré un gros remue-ménage à la tête de différentes directions de la Sûreté nationale et de la Garde nationale. L’opération concernait 27 postes de responsabilité à la sûreté nationale et 12 autres à la Garde nationale. Et ce, sans avoir auparavant consulté le chef du gouvernement. Du reste, Hichem Mechichi décidait d’annuler aussitôt toutes les nominations décidées par son ex-ministre de l’Intérieur.
Or, il apparaîtrait que M. Charefeddine aurait publié l’ordonnance de ces nominations. Et ce, contre l’avis de son propre directeur de la Sûreté nationale, du directeur de la Garde nationale et des hauts gradés de son département.
Puis, le chef du gouvernement refusant ces nominations, le ministre les aurait confirmées de nouveau; et ce, contre l’avis de son supérieur hiérarchique. Mais le plus grave, c’est que Taoufik Charfeddine aurait reçu l’aval du palais de Carthage pour ces nominations. Ce qui précipita sa disgrâce.
Proximité
Pour rappel, Taoufik Charfeddine, 52 ans, avocat à la Cour de Cassation de son état, est connu pour sa promiscuité avec le président de la République Kaïs Saïed. D’ailleurs, il était le coordinateur de sa campagne électorale à Sousse.
Et c’est sans doute en raison de cette proximité, que dès le départ, les rapports étaient très tendus entre les deux hommes. D’autant plus que lors de sa dernière visite au ministère de l’Intérieur, en plus de sa qualité de chef suprême des forces armées, selon l’article 77 de la Constitution, Kaïs Saïed s’adjugeait le titre de chef suprême des forces sécuritaires armées. Un empiétement sur ses plates-bandes que Mechichi n’a guère apprécié.
Délimitation de terrain
Est-ce la guerre ouverte entre les deux têtes de l’Exécutif? Tout porte à le croire. Avec ce refus du locataire du palais de la Kasbah de confier l’intérim de l’Intérieur au ministre de la Défense nationale ou à celui de la Justice. Comme il est de coutume, lorsque ce poste est vacant. Car il les considère comme faisant partie des hommes du Président, un défi lancé à Kaïs Saïed.
Puisque Mechichi récupère ses prérogatives fixées par la Constitution. Dont le droit de choisir ses ministres, en dehors de ceux de la Défense nationale et des Affaires étrangères, chasse gardée du président de la République.
Chacun chez soi et les moutons seront bien gardés.