Dans un communiqué paru hier mercredi, le président de la République niait farouchement les allégations portées contre lui par un média israélien. Lequel l’accuse d’avoir traité les juifs de « voleurs ». Et ce, lors de son récent discours adressé aux jeunes du quartier de Mnihla.
Kaïs Saïed antisémite? Certes, le président de la République n’a jamais caché son hostilité au sionisme, ni son attachement viscéral à la cause palestinienne. Au point de considérer la normalisation avec Israël comme la « trahison suprême ». De là à le qualifier d’anti-juif, c’est pourtant un pas qu’une certaine presse israélienne a allégrement franchi. Mais revenons aux faits.
« Les voleurs juifs à l’origine de l’instabilité du pays »
Tout commence avec The Jerusalem Post, un quotidien de référence fondé en 1932, une décennie avant la création de l’Etat hébreu. En effet, il publiait le 20 janvier 2021 un article intitulé: « Le président tunisien attribue l’instabilité aux voleurs juifs ».
Puis, le rabbin Pinchas Goldschmidt, président de la Conférence des rabbins européens se fendait d’un twitt. « Le président tunisien Kaïs Saïed a accusé les juifs d’être à l’origine de l’instabilité dans le pays. D’ailleurs, le président tunisien vient d’appeler le grand rabbin de Djerba, Haim Bitan, pour s’excuser pour sa diatribe contre les juifs, les accusant de troubles dans le pays ».
Cependant, reconnait le journaliste du The Jerusalem Post « certains pensent que Saïed ne faisait pas du tout référence aux juifs. Certains de ses propos ont été étouffés. Car il portait un masque pour se protéger contre le nouveau coronavirus ».
Et d’ajouter : La Conférence des rabbins européens a exprimé sa « profonde inquiétude » après les propos attribués à Saïed au sujet du vol de juifs. « Nous considérons que le gouvernement tunisien est le garant de la sécurité des juifs tunisiens », a déclaré Goldschmidt. En soulignant que « de telles allégations menacent l’intégrité de l’une des plus anciennes communautés juives du monde ».
Acharnement médiatique?
Le média israélien a profité de l’occasion pour rappeler que Kaïs Saïed est « un nouveau venu en politique, élu président en 2019. Et de rappeler de précédentes déclarations. Comme lorsqu’il aurait déclaré lors d’un débat pré-électoral que les relations avec Israël constituaient une « haute trahison ». Ou encore qu’il a affirmé que la Tunisie était en guerre avec Israël. Le journal précise même que le président a ajouté que les Juifs sans « relations avec les sionistes » ou sans passeport israélien peuvent visiter les synagogues en Tunisie. Des centaines d’Israéliens d’origine tunisienne visitent chaque année la synagogue de La Ghriba, sur l’île Djerba, qui abrite l’une des plus anciennes communautés juives du monde ».
Le mot « juif » a-t-il été prononcé ?
Alors, le chef de l’Etat a-t-il prononcé le mot « juif »? Et ce, quand il s’adressait mardi 18 janvier aux jeunes du quartier populaire de Mnihla, lors de récents troubles nocturnes?
Avouons qu’en visionnant la courte vidéo figurant sur la page officielle de la présidence de la République (3 minutes, 15 secondes), certains propos était difficilement déchiffrables. Et ce, à cause du masque que le président portait, en plus du brouhaha ambiant.
Déni
Toutefois, la présidence de la République a annoncé ce mercredi 20 janvier 2021, via un communiqué, que Kaïs Saïed « n’a cité aucune religion. Sachant qu’aucun contexte ne se prêtait à ce genre de commentaire. Au moment même où le pays se trouve en proie à des mouvements de protestation d’envergure ».
En outre, le communiqué rappelle que « la position du président de la République est claire à cet égard. Car il fait la distinction entre le judaïsme d’une part et le sionisme d’autre part ». Soulignant que le président de la République a invité le grand rabbin de Tunis à assister à sa prestation de serment. Et ce, au même titre que le Mufti de la République et l’archevêque de Tunis.
De plus, « Kaïs Saïed a rencontré des citoyens tunisiens juifs lors de sa visite à El Ghriba. Et a lui-même présenté ses condoléances à la famille du combattant Gilbert Naccache, avec lequel il entretenait une forte amitié. Sachant que le chef de l’Etat suivait son état de santé à Paris avant sa mort, comme il a été le premier à soutenir sa famille après son décès », ajoute la même source.
Le père de Kaïs Saïed, un Juste
Par ailleurs, rappelons à cet égard que lors d’une rare confession sur l’histoire de sa famille, Kaïs Saïed, à l’époque candidat au second tour de la présidentielle de 2019, révélait que son père, feu Moncef Saïed, était un fervent défenseur de la coexistence en Tunisie entre l’Islam et la confession juive. Et que, en Juste, il « tenait à accompagner Gisèle Halimi au lycée avec sa bicyclette, alors qu’elle n’avait que 15 ans, afin de la protéger durant l’occupation nazie de la Tunisie.
Récemment décédée, la gamine en question est devenue plus tard la grande avocate, militante féministe et femme politique franco-tunisienne de confession juive ayant défendu l’indépendance de l’Algérie.