Après avoir désespéré de recevoir rapidement le vaccin germano-américain « Pfizer », la Tunisie attend fébrilement le premier lot du vaccin russe Spoutnik V. Un vaccin qui revient de loin; après avoir été accueilli fraichement par la communauté scientifique occidentale.
Manque d’anticipation dans sa stratégie de planification vaccinale? Après avoir misé sur le vaccin germano-américain « Pfizer », le ministère de la Santé se rabattait enfin sur le vaccin Spoutnik V. Sachant que la Russie s’engageait à fournir à la Tunisie un premier lot de ce vaccin « dans les meilleurs délais ». Alors que nos voisins algériens et marocains étaient plus réalistes et plus perspicaces. En mettant déjà en œuvre une vaccination de masse de leur population respective.
Ainsi, il faut reconnaitre, pour dédouaner le Comité scientifique chargé au sein du ministère du choix de vaccin idoine, qu’à l’automne 2020, l’OMS et nombre d’experts en virologie et en immunologie doutaient franchement de l’efficacité du vaccin russe.
Poutine en première ligne
Faudrait-il rappeler qu’au mois d’août dernier, le président Vladimir Poutine en personne avait déclaré en grande pompe que son pays a réussi à découvrir le premier vaccin anti-Covid enregistré dans le monde, le Spoutnik V. Pour appuyer sa thèse, il citait même l’exemple de l’une de ses deux filles qui aurait reçu le vaccin sans effets secondaires majeurs.
Annonce « prématurée »
Fiabilité douteuse, tests inachevés, production limitée, le vaccin russe fut accueilli avec méfiance. D’ailleurs, la Russie s’attirait à cette occasion moult critiques. La communauté scientifique occidentale qualifiait l’annonce de « prématurée ». Car étant intervenue avant même les essais cliniques de masse (phase 3) et la publication de résultats scientifiques probants.
Revirement à 180°
Signe des temps et revanche de l’Histoire. Désormais, le vaccin Spoutnik V développé par l’institut russe Gamaleïa, attire la convoitise des Européens. L’Europe étant en rupture de doses anti-Covid-19, après les retards de livraison annoncés par Pfizer-BioNTech et AstraZeneca.
Au point que, en visite à Moscou, il y a quelques jours, le chef de la diplomatie européenne, Josep Borrell, qualifiait le vaccin russe de « bonne nouvelle pour l’humanité ». D’autant plus que le coût par dose de Spoutnik (10 dollars) est bien moins cher que celui de Pfizer (20 dollars) ou Moderna (33 dollars).
Alors, comment expliquer le revirement radical des occidentaux face à ce vaccin perçu par eux comme une arme géostratégique aux mains des Russes?
The Lancet au secours du Spoutnik V
Déjà, le 3 février en cours, et sur l’avis d’un panel d’experts indépendants, la prestigieuse revue médicale The Lancet rendait un avis favorable sur le vaccin russe. En le jugeant « efficace à 91,6% contre les formes symptomatiques du coronavirus ».
En effet, « le développement du vaccin Spoutnik V a été critiqué pour sa précipitation. Le fait qu’il a brûlé des étapes et une absence de transparence. Mais les résultats rapportés ici sont clairs et le principe scientifique de cette vaccination est démontré ». C’est ce qu’estiment deux éminents spécialistes britanniques, les professeurs Ian Jones et Polly Roy, dans un commentaire joint à l’étude du Lancet.
Une manne tombée du ciel
De toute évidence, le lancement de la fusée russe est un succès scientifique et diplomatique pour le puissant président russe. Sans parler des retombées financières; car Spoutnik V pourrait rapporter quelque 25 milliards d’euros à Moscou. De même, ce vaccin a été homologué dans 17 des ex-républiques soviétiques. Mais aussi par la Corée du Sud, l’Argentine, l’Algérie, la Tunisie, le Pakistan; et depuis mardi le Mexique.
Une aubaine également pour Moscou empêtré dans la sale affaire de l’empoisonnement de l’opposant Alexeï Navalny l’ennemi numéro un du pouvoir russe. Une trêve de courte durée pour le maître du Kremlin?