Hachich, marijuana, zetla, shit et autres…Tous ces termes nous viennent directement à l’esprit lorsque nous évoquons la consommation de drogues. Le sujet nous amène généralement à l’usage de cannabis. Évidemment, cette approche omet des milliers et des milliers d’autres drogues d’autres types et aux effets différents. Mais alors, qu’est-ce qu’une drogue?
En effet, comme le dispose l’article premier de la loi n°52 de 1992, qui d’ailleurs n’utilise pas le terme drogue, les stupéfiants au sens de cette loi sont les produits listés dans le tableau « B ». Ce tableau comporte plus de 200 substances.
Classification
Le tableau « B » ne représente pas une liste limitative. En effet, il s’achève par un paragraphe incluant les isomères, les esters, les éthers et les sels des produits.
Par ailleurs, notons qu’il existe deux autres tableaux « A » et « C ». Ils portent respectivement sur les produits toxiques et les produits dangereux. Ces tableaux, établis par la Loi n°69-54 du 26 juillet 1969, représentent essentiellement des substances à usage médical et vétérinaire. Ils comportent d’autres types de substances tels que les opiacés, drogues de synthèse, psychotropes et autres. Cette classification s’inspire d’un ensemble de conventions onusiennes ratifiées entre les années 60 et 70.
Ainsi, nous pouvons déduire qu’en 2021, la République tunisienne s’appui encore sur une classification datant de plus de 40 ans…
Cette critique n’est pas un simple slogan scandé par des consommateurs ou des fervents défenseurs de la légalisation. Il s’agit avant tout des observations et des recommandations de l’Office des Nations unies contre la drogue et le crime (ONUDC). Comme le signalait l’Office, dans un commentaire à propos de sa loi type sur les drogues de 2000, « la catégorisation internationale distinguant stupéfiants et psychotropes selon que la substance relève de la Convention de 1961 ou de celle de 1971 n’a pas de fondement conceptuel ».
Opter pour la classification « drogue douce-drogue dure »?
Cette classification a été largement dépassée par la réalité. Elle s’appuyait sur la dépendance psychique et physique. Les drogues dures sont théoriquement celles qui induisent une forte dépendance psychique et physique.
Or, une consommation douce d’une drogue dure peut ne pas entraîner une forte dépendance. D’un autre côté, un usage fréquent et amplifié d’une drogue douce peut conduire à une forte dépendance.
Par conséquent, il est tout a fait logique de rejeter cette classification.
Qu’en pense la science?
A ce sujet, la classification la plus soutenable, d’un point de vue scientifique, s’appui sur la nature des effets de la drogue consommée. Ainsi, nous pouvons identifier trois types de drogues: sédatifs (inhibiteurs), stimulants et hallucinogènes.
En premier lieu, une drogue à effet sédatif agit sur le système nerveux central. Elle engourdit le cerveau et ralentit le fonctionnement du corps.
En deuxième lieu, une drogue stimulante cause une agitation. Elle accroît les sensations et les fonctions organiques.
Enfin, une drogue hallucinogène cause une désorientation et perturbe le fonctionnement des sens.
A noter que cette classification a été reprise par la Commission globale en matière de drogues (GCDP) dans son rapport de 2019. Le rapport s’intitule « La classification des substances psychoactives, lorsque la science n’est pas écoutée ». Le titre à lui seul en dit beaucoup…
Selon la même source: « Le système actuel de classification des drogues régi par les traités de l’ONU comporte tellement de préjugés historiques et d’incohérences qu’il en est devenu quasi irrécupérable. »
D’ailleurs, en guise de recommandations, le rapport estime que « la communauté internationale doit reconnaître le caractère incohérent et contradictoire du système international de classification; et entreprendre la révision critique des modèles actuels de classification des drogues ».
Crime, maladie ou problème de santé?
Selon l’Assemblée mondiale de la santé tenue par l’OMS le 27 mars 2017, « la consommation de drogues, les troubles qui lui sont liés et les problèmes de santé connexes sont des préoccupations importantes en santé publique ».
Il s’agit là d’un constat posé depuis bien des années. Une simple lecture des rapports du début des années 2000 nous montre que l’OMS a adopté cette position depuis plus de 15 ans.
Mais alors qu’est ce que la santé publique?
L’OMS considère que la santé publique se définit comme « l’ensemble des efforts par des institutions publiques dans une société pour améliorer, promouvoir, protéger et restaurer la santé de la population grâce à une action collective ».
En ce qui concerne le terme « problème de santé publique », il s’agit des questions de santé qui touchent l’ensemble ou une partie de la population. Ces questions nécessitent un traitement et des mesures de prévention collectives méthodiques et étudiés.
L’ensemble de ces éléments nous mènent à réfléchir quant à la législation tunisienne actuelle en matière de stupéfiants et de drogues. La simple révision d’articles de la Loi n°52 de 1992 est-elle suffisante? Quant est-il du « CHAPITRE IV – De la prévention et de la guérison des toxicomanes » de la même loi? L’approche répressive est-elle efficace? Comment agir et par où commencer?