L’administration américaine, aux ordres de Joe Biden, dessine par petites touches sa politique étrangère au Moyen-Orient; et notamment en Arabie saoudite. Et ce, en mettant fin au soutien américain à la coalition menée par les Saoudiens au Yémen. De même qu’en retirant les rebelles houthis de la liste noire des organisations terroristes. Tout en décidant d’avoir le roi Salmane pour unique interlocuteur.
Recadrer et équilibrer. Tel semble être le mot d’ordre de Joe Biden, le 46ème président des Etats-Unis. Puisqu’il entend tourner la page de la politique étrangère désastreuse suivie par Trump au Moyen-Orient. Et notamment avec son puissant allié régional, l’Arabie saoudite.
Biden : « La guerre au Yémen doit cesser »
Ainsi, l’une des premières décisions prise par le nouveau locataire de la Maison Blanche fut l’arrêt brutal du soutien américain à la coalition menée par les Saoudiens au Yémen. Un conflit dans lequel l’Arabie saoudite est enlisée depuis six ans. « Nous renforçons nos efforts diplomatiques pour mettre fin à la guerre au Yémen; laquelle a créé une catastrophe humanitaire et stratégique ». C’est ce que déclarait le président américain dans son premier discours de politique étrangère.
Et de marteler avec force: « Cette guerre doit cesser. Et pour souligner notre détermination, nous mettons fin à tout soutien américain. Et ce, aux opérations offensives dans la guerre au Yémen; y compris aux ventes d’armes. »
A signaler que Ryad commande depuis 2015 une coalition militaire en soutien au gouvernement yéménite face aux Houthis appuyés par l’Iran. Et qu’il est accusé de bavures envers les civils. Et ce, dans le pays le plus pauvre de la péninsule arabe. Où des écoles et même des hôpitaux furent bombardés sans discernement.
Un geste envers l’Iran?
D’autre part, Antony Blinken décidait de retirer les Houthis de la liste noire américaine des organisations terroristes. Et ce, dans un geste inattendu du nouveau chef de la diplomatie américaine. Il risque de mettre à mal les équilibres des alliances régionales. Une décision qui permettra dorénavant d’acheminer de l’aide humanitaire. Dans les vastes territoires contrôlés par les rebelles houthis soutenus par Téhéran. Un clin d’œil vers Téhéran?
Un seul interlocuteur : le roi Salmane
Et ce n’est pas tout. En effet, Joe Biden, qui entend prendre ses distances avec le royaume wahhabite, veut avoir un seul interlocuteur. A savoir le roi Salmane plutôt que le prince héritier Mohammed Ben Salmane (MBS).
« Nous avons clairement dit depuis le début que nous allions rééquilibrer notre relation avec l’Arabie saoudite ». Ainsi soulignait Jen Psaki, porte-parole de la Maison-Blanche. Elle répondait à des questions, lors de son point de presse quotidien.
D’ailleurs, à la question de l’opportunité d’un éventuel échange téléphonique à venir entre son patron et le prince héritier. Lequel était l’interlocuteur privilégié de Donald Trump. Jen Psaki a assuré que « cela n’est pas à l’ordre du jour. L’homologue du président est le roi Salmane et il aura un échange avec lui le moment venu ». Ainsi répondait-elle, sur un ton cinglant.
« Les jours où MBS avait un accès direct à la Maison Blanche sont semble-t-il révolus, au moins pour le moment ». Telle était la réaction sur Twitter de l’ex-diplomate Aaron David Miller, négociateur sous des gouvernements démocrates comme républicains.
A ce propos, notons que tous les présidents américains, sans exception, ont entretenu des « relations spéciales » avec les membres de la famille royale.
Mais la proximité de l’ancien président Trump ainsi que son gendre Jared Kushner avec le prince héritier était trop voyante. Ainsi, en recevant Mohamed Ben Salmane début 2018 dans le Bureau ovale, le milliardaire républicain avait évoqué sa « grande amitié » avec son hôte. « Nous nous comprenons l’un l’autre », s’était-il écrié à l’issue de cette visite.
Concession
Alors, est-ce pour amadouer la nouvelle administration américaine, Joe Biden étant plus attentif que son prédécesseur Donald Trump à la question des droits de l’homme, que l’héritier de la couronne saoudienne décida la libération de Loujain Al-Hathloul, l’icône de la lutte pour l’émancipation de la femme saoudienne?
« Elle était une importante militante des droits des femmes. La libérer était la chose à faire ». Ainsi réagissait le président américain, mercredi 10 février, quelques heures après la sortie de prison de la militante saoudienne. Affirmant ainsi faire de la défense des droits de l’homme son cheval de bataille et un marqueur de sa politique étrangère.