Bruits et gesticulations. Avec le ferme espoir de calmer l’impatience d’une population désenchantée, lassée par les promesses sans lendemain des politiques.
L’annonce, chaque fois reportée, de l’acquisition, par des voies ténébreuses, de 4,5 millions de doses de vaccin fait sourire, si elle n’exprime une tragique réalité. Que ne l’a-t-on fait plus tôt et pour de vrai ?
En valeur, c’est à peine un jour d’importation, au regard des réserves de change de la BCT qui s’élèvent, nous dit-on, à plus de 150 jours. Pas plus que 115 à 130 millions de dinars pour ôter le masque de la mort, répandre un sentiment de délivrance collective et libérer toutes les forces productives, maintenues en mode ralenti sinon à l’arrêt, à cause de toute sorte de confinement.
La vie humaine n’a pas de prix
D’autant qu’en l’espèce, l’ordre de grandeur est dérisoire. Moins de 120 millions de DT, quand le budget de l’Etat totalise 50 milliards de DT. Dit autrement, c’est à peine une fois et demie ce que réclamaient et avaient obtenu les insurgés du Kamour.
Une goutte d’eau dans l’océan des dépenses de l’Etat sur lesquelles il y a beaucoup à redire. Et pourtant, c’est sans conteste le plus important et le plus fructueux des investissements publics de ces dix dernières années.
Un simple petit pas qui sauvera des centaines, voire plus d’un millier de vies humaines, et une infrastructure hospitalière en piètre état. Ce serait le premier pas d’une longue et bénéfique marche. Il amorcera la pompe de l’investissement, ouvrira les vannes – pas celles par qui le blocage arrive -de la croissance. Il dégagera de nouveaux horizons aux multiples métiers de services, aujourd’hui malades de confinement.
Le transport, le tourisme, la restauration, l’événementiel, les activités artistiques ne tarderont pas à retrouver vie et des couleurs, grâce à une politique responsable de vaccination.
Cette démarche donnera du sens et toute sa légitimité à l’action gouvernementale, aujourd’hui mal perçue, quand elle n’est pas largement contestée. Non sans raison d’ailleurs, à cause de la dégradation de l’économie et du climat social. On aimerait voir un seul indice de satisfaction, la moindre lueur d’espoir qu’on chercherait en vain. Tous les clignotants sont au rouge vif. Tout s’effondre, s’écroule ou part en vrille.
La croissance est déjà un vœu pieux. L’investissement, l’épargne, la stabilité des prix appartiennent au passé. La dette explose, hors de tout contrôle, les déficits jumeaux filent vers les abysses. Et le chômage atteint son seuil de déflagration.
Certaines remises en cause sont synonymes de sagesse
Que faut-il de plus périlleux pour qu’au sommet de l’Etat, on enterre la hache de guerre et que l’on signe une sorte d’armistice ? Et ce n’est pas battre en retraite, s’avouer vaincu ou se déshonorer que de faire le premier geste d’apaisement.
Hichem Mechichi doit prouver ses capacités de chef et de leadership. Il serait mieux inspiré de s’extraire d’un combat qui n’est pas le sien, d’une guerre aux origines aussi obscures que lointaines, qui oppose Carthage au Bardo. Le bras de fer avec le Chef de l’Etat le dessert. L’apaisement le conforte dans son rôle et sa fonction.
A la tête du gouvernement, il a pour principale devise la patrie avant toute autre considération. Depuis la nuit des temps, certaines remises en cause sont synonymes de sagesse et valent mieux que tout le reste. Elles seront à l’égal de sa volonté de ne pas mettre en danger les institutions de l’Etat et le pays en péril. Ce geste le grandit et est tout à son honneur face à l’animosité des autres.
Baisser les tensions
Il n’est même pas exclu, si telle est son intention, qu’il fasse baisser d’un cran les tensions, en mettant en sourdine les nouvelles nominations et évoluer avec une équipe en nombre limité de portefeuilles ministériels, qui a l’allure d’un gouvernement de choc pour temps de crise. C’est possible et cela peut même donner des idées et créer un antécédent pour l’avenir.
Il faut laisser du temps au temps. Les changements se feront à dose homéopathique, à leur heure, chaque fois qu’ils s’imposeront d’eux-mêmes. C’est la loi du genre et la démonstration d’un mode de gouvernance conséquent, responsable et apaisé.
Toute autre attitude qui virerait à l’affrontement ajouterait au discrédit des politiques. Et provoquerait d’énormes dysfonctionnements dans la conduite du pays.
Notre modèle social et notre tissu productif, largement battus en brèche par les effets corrosifs d’une grave crise politique, ne résisteront pas aux dommages collatéraux d’une guerre au sommet qui n’est pas la nôtre.