Installation, en Tunisie, d’une filiale du mouvement takfiriste international. Tentative d’exercer un pouvoir de contrôle sur les forces de sécurité, à l’aéroport. Nous avons vécu, ces derniers jours, des velléités de transgression de l’Etat. Comment l’expliquer? S’agit-il de revenir à la dérive de 2012, où des forces politiques voulaient imposer leur morale, dans le cadre d’une stratégie théocratique?
La soft révolution de l’été 2013 a mis fin à la dérive. En imposant le dialogue global, la fin de la troïka et l’élaboration d’une constitution de consensus conjoncturel. Depuis lors, le parti Ennahdha a annoncé son intention de s’ériger en parti civil et d’abandonner son programme théocratique. Ce qui implique l’affirmation de leur respect de l’Etat-nation. Transgressant ainsi l’enjeu originel de l’islam-politique, favorable au rassemblement politique de l’ensemble des pays de l’aire musulmane.
Mais, revenons à la définition de l’Etat, que certains acteurs semblent avoir perdu de vue. Définition simple: « L’État peut être considéré comme l’ensemble des pouvoirs d’autorité et de contrainte collective que la nation possède sur les citoyens et les individus. En vue de faire prévaloir ce qu’on appelle l’intérêt général; et avec une nuance éthique le bien public ou le bien commun » (Georges Burdeau, Traité de science politique, 1950).
De ce point de vue, l’Etat « revendique avec succès pour son propre compte le monopole de la violence physique légitime » (Max Weber, Le savant et le politique, 2002).
Réaction salutaire des forces de sécurité nationale
Alors, il faudrait davantage élargir ces objectifs de l’Etat, dans la mesure où l’Etat constitue le postulat de la bonne gouvernance, organise le vivre ensemble et impose ses arbitrages mais aussi ses sanctions. D’une façon générale, en adoptant les objectifs et les enjeux que lui assigne Paul Veyne: « L’Etat est la gestion des flux. »
Cependant, un fait important à prendre en considération est la réaction des forces de sécurité nationale. En effet, elles ont mis en échecs ces velléités d’empiétement de la souveraineté nationale et dénoncé leurs auteurs. Elles ont donc montré qu’elles ne sont pas disposées à laisser passer « de telles hérésies ».
Les institutions tunisiennes ont, bien entendu, assumé le changement du régime, l’affirmation de la démocratisation. Mais il n’était pas question pour elles de détruire l’appareil gouvernemental, sinon d’accepter l’effondrement de l’Etat. Leur message était clair et éloquent. On ne peut, en Tunisie, « jouer avec le feu ».
Sursaut salutaire, les différents partis nationalistes et démocrates ont réagi vivement et mis à nu ces actes contre l’Etat. Ce large consensus révèle que le citoyen, qui dispose du pouvoir des urnes, condamne vivement ces actes. Car ceux-ci créent un climat favorable aux dérives, risque d’instituer le terrorisme et de remettre en cause l’Etat civil.