La finance comme tous les secteurs d’activité évolue au rythme de la contrainte écologique et environnementale. Bien que le développement durable soit devenu un mouvement de fond irréversible qui devrait entrainer progressivement tous les acteurs, la finance durable peine à s’imposer dans toutes les institutions financières et sur les marchés. En effet, le gap entre les engagements pris par les différents acteurs et les pratiques, demeure non négligeable.
La finance durable reste un segment relativement réduit du marché de la finance. Néanmoins, l’intégration de la dimension écologique dans les processus de prise de décision internes et externes des acteurs de la finance commencent à gagner du terrain, notamment après la crise des Subprimes de 2007-2009.
La crise liée à la Covid-19 a également donné un coup de pouce à la finance durable. Aujourd’hui, de nombreuses entreprises et banques adoptent progressivement des critères extra-financiers, dits critères ESG (environnementaux, sociaux et de gouvernance) en matière de choix d’investissements. Mais à défaut de cadre réglementaire international harmonisé, ces pratiques restent de portée limitée.
Les avancées et les acquis
La prise de conscience du rôle potentiel de la finance dans le processus de développement durable remonte à la fin des années 1990. En orientant les investissements vers les projets et les entreprises durables, le secteur financier pourrait constituer un levier du développement durable.
Certaines institutions financières internationales comme la Banque mondiale et la Banque européenne de développement ont intégré les considérations environnementales dans leurs politiques de financement et d’investissement. En revanche, les acteurs privés de la finance ont continué à privilégier dans leurs critères d’investissement, la création de valeur et le rendement attendu.
Au cours des années 2000, les entreprises ont progressivement substitué un référentiel stratégique basé sur la performance économique et financière par une approche de performance globale où les variables ESG sont déterminants.
Pour le pilotage de la performance, les tableaux de bord de la première génération centrés sur les indicateurs financiers ont été remplacés par des tableaux de bord intégrant des indicateurs ESG.
Progressivement, ces indicateurs sont devenus une source de création de valeur, à travers la création d’avantage concurrentiel, la motivation du personnel; mais également la reconnaissance des marchés financiers via la notation éthique.
Parallèlement à l’intégration des indicateurs ESG par les entreprises, des agences spécialisées dans la notation environnementale et sociale ont vu le jour dans les années 2000. À défaut d’un référentiel commun, ces agences de notation se sont appuyées dans une première phase sur des critères recommandés par l’ONU, l’OCDE ou l’union européenne. Néanmoins, depuis 2016, ces agences développent leurs grilles d’analyse respectives en se basant sur les 17 ODD déclinés en 169 cibles.
Contrairement aux agences classiques, les agences de notation extra-financière ont vu le jour sur le continent européen. Néanmoins, pour contrecarrer la montée en puissance de ces nouvelles agences de notation, en 2016, Standard & Poor’s a racheté une agence britannique Trucost spécialisée dans les données environnementales. De son coté, Moody’s a rapidement intégré les critères de notation ESG au niveau de son système de notation crédit et a fait l’acquisition de Vigeo Eiris, en 2019.
Parallèlement à l’apparition des agences de notation extra-financière, des indices boursiers socialement responsables ont également vu le jour comme le Dow Jones Sustainability Index (DJSI), en 1999, le Euronext-Vigeo en 2001 ou encore le Ethibel Sustainability Index (ESI), en 2001. Ces indices ont pour objectif d’orienter les investissements durables vers les entreprises les plus responsables définies selon des critères ESG.
Néanmoins, c’est à partir de la crise financière 2007-2009 que la finance durable a commencé à gagner du terrain; sans pourtant se substituer à la finance traditionnelle.
La finance durable ou la finance responsable selon la terminologie de la Banque de France désigne une branche de la finance qui intègre dans les choix d’investissements, des critères environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG).
La finance durable regroupe l’investissement responsable (ISR) et l’économie sociale et solidaire (ESS), notamment les microcrédits et la finance participative (crowdfunding)
La finance durable face au défi des normes
En dépit des avancées réalisées au cours des deux dernières décennies, la finance durable peine à s’imposer comme une finance alternative. Notamment à cause d’un défaut d’un référentiel international harmonisé et reconnu par tous les opérateurs.
En effet, depuis la globalisation financière des années 1980, les marchés financiers sont de plus en plus intégrés avec une libre circulation des capitaux. Cette globalisation financière a imposé aux différents opérateurs une harmonisation comptable et financière à l’échelle internationale afin de faciliter les décisions d’investissement.
Aujourd’hui, c’est autour de la finance durable d’investir dans ce processus des normes. Afin de permettre aux différents opérateurs, dont les investisseurs, un accès à une information pertinente et fiable.
Dans ce cadre, la commission européenne a mis en place en 2018, un plan d’action pour la finance durable (commission européenne, 2018). Le plan d’action prévoit:
- L’établissement au niveau européen d’un langage commun pour la finance durable; soit un système de classification unifié dit taxinomie.
- La création de labels pour les produits financiers verts.
- L’incitation des gestionnaires d’actifs et des investisseurs institutionnels, à tenir compte des aspects de durabilité dans le processus d’investissement et à renforcer leurs obligations en matière de publication d’informations.
- L’incitation des entreprises d’assurance et des entreprises d’investissement d’informer leurs clients sur la base de leurs préférences en matière de durabilité.
- L’intégration de la durabilité dans les exigences prudentielles des banques et des entreprises d’assurance.
- Le renforcement de la transparence en matière de publication d’informations par les entreprises.
Parallèlement à l’engagement de l’Union européenne dans le domaine de la finance durable, l’Organisation internationale de normalisation ISO[1] a créé un comité technique dédié à la finance durable dit l’ISO/ TC 322.
Le comité a pour mission d’assurer l’alignement du système financier mondial sur les ODD en développant des normes pour les institutions financières et les produits financiers. (ISOFocus, 2020) Peter J. Young, Président de l’ISO/TC 322, Finance durable fixe quatre objectifs différents des travaux de l’ISO/ TC 322.
- L’établissement de normes, de terminologies et de principes communs mondialement reconnus pour la finance durable. Cet objectif de normalisation à l’échelle internationale aurait pour conséquence une plus grande visibilité des acteurs et plus de transparence sur le marché de la finance durable. En réduisant les coûts de transaction et en augmentant l’efficience informationnelle, la normalisation améliorerait le fonctionnement du marché de la finance durable.
- Soutenir les activités de la finance durable et accompagner les institutions financières, notamment les banques, les investisseurs et les assureurs pour mieux intégrer les facteurs environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG) dans leurs politiques de financement et d’investissement. En effet, la mise en place d’un cadre règlementaire international pour la finance durable et l’harmonisation des pratiques financières en la matière pourrait donner de la crédibilité aux acteurs de la finance durable.
- Comprendre et identifier les activités de la finance durable afin de faciliter l’innovation et le développement de produits financiers durables et de services connexes, tels que l’audit et la production de données ESG.
- Améliorer la transparence des flux financiers durables, ainsi que la performance ESG des activités, institutions et marchés financiers durables.
Certes, la finance connaît actuellement des changements profonds, voire des ruptures fondamentales (le changement climatique, la transition numérique et digitale, les pandémies etc.).
Ces défis structurels se sont traduits par l’apparition de nouveaux risques mal-appréhendés par les acteurs et les autorités.
Dans ce contexte de disruptions multiples, la finance durable parfois dite verte semble une alternative intéressante. Néanmoins le chemin pour rendre cette finance opérationnelle demeure long.