En Amérique, il y a une espèce de « journalistes » qu’on commettrait l’erreur de qualifier comme tels. Leur travail ne consiste pas à informer le public ou à l’éclairer sur ce qui se passe chez eux et dans le monde. Ils sont habités par une haine si tenace et une rancœur si opiniâtre contre des pays et des dirigeants étrangers, que leur travail médiatique se résume à empoisonner les relations internationales, ou à pousser carrément leur pays vers la guerre.
Certains se rappellent peut-être la campagne criminelle anti-irakienne menée dans les colonnes du New York Times en 2002 et au début de 2003 par Judith Miller, Thomas Friedman et leurs collègues. Ils ont écrit quotidiennement des articles à la fois mensongers et incendiaires sur « les armes de destruction massive » et « le canon géant » que, selon eux, détenait Saddam Hussein.
Avec leur campagne de diabolisation systématique du dirigeant irakien et de désinformation massive de l’opinion publique américaine, ils ont contribué à baliser le terrain à George W. Bush. Ils l’ont aidé à prendre sa décision désastreuse de détruire l’Irak, sans la moindre opposition ni de l’opinion ni du Congrès.
« En Amérique, il y a une espèce de « journalistes » qu’on commettrait l’erreur de qualifier comme tels »
Judith Miller, Thomas Friedman et leurs collègues des divers médias américains portent une lourde responsabilité dans le calvaire vécu depuis deux décennies par des millions d’Irakiens. Mais ils ne sont ni les premiers ni les derniers. Ils ont des prédécesseurs qui avaient tout fait pour que leur pays fût englué dans le bourbier vietnamien. Et ils ont des successeurs qui sont en train de tout faire pour que leur pays entre en guerre contre la Russie et contre la Chine.
Le Judith Miller d’aujourd’hui s’appelle George Stephanopoulos. Il travaille à la chaine ABC avec pour mission claire ne souffrant aucun doute: la diabolisation de la Russie et de son président. Comment penser autrement après avoir suivi l’interview qu’il venait de réaliser avec le nouveau président américain le 17 mars sur ABC? Comment voir les choses autrement quand, sans rime ni raison, ce journaliste pose cette question au président Joseph Biden: « Pensez-vous que Vladimir Poutine est un tueur? »
« Oui, je le pense. »
Joseph Biden n’a eu ni la sagesse d’ignorer la question, ni la perspicacité de faire une réponse diplomatique, digne du président des Etats-Unis. Au lieu de cela, il a bêtement, stupidement, ridiculement répondu: « Oui, je le pense. »
Satisfait d’avoir eu la réponse qu’il recherchait et escomptait, le « journaliste » poursuit: « Quel prix devra-t-il alors payer? » Se prenant très sérieusement pour l’homme le plus puissant du monde, Biden répond, du haut de ses 78 ans, avec beaucoup de confiance et surtout beaucoup de suffisance: « Vous verrez bientôt le prix qu’il va payer. »
Grisé par ce jeu douteux de questions-réponses, le président voit surgir un de ses souvenirs qu’il partage aussitôt avec l’interviewer: « J’ai connu Poutine. J’ai eu l’occasion de parler avec lui. Je lui ai dit qu’il n’a pas d’âme (he has no soul). »
« Joseph Biden n’a eu ni la sagesse d’ignorer la question, ni la perspicacité de faire une réponse diplomatique… »
Mais si Poutine est un « tueur sans âme », quel adjectif siérait aux présidents américains qui, depuis de longues décennies, se succèdent à la Maison Blanche. Face à une situation aussi grotesque, le commun des mortels ne peut pas ne pas se poser un certain nombre de questions:
- Qui avait lancé deux bombes de destruction massive, détruisant massivement Hiroshima et Nagasaki, provoquant la mort instantané de 200.000 personnes et condamnant plusieurs dizaines de milliers d’autres à une mort lente précédée de souffrances insoutenables? Harry Truman.
- Qui est responsable de la mort atroce de millions de Vietnamiens, Cambodgiens et Laotiens? Lyndon Johnson et Richard Nixon.
- Qui est responsable de la mort de centaines de milliers d’Irakiens et de la transformation de l’Irak en enfer pour les survivants? Bush, père et fils.
- Qui est responsable des sanctions paralysantes ayant provoqué la mort d’un demi million d’enfants irakiens? Bill Clinton.
- Qui est le premier responsable du drame libyen qui dure depuis dix ans? Barack Obama, celui-là même qui se vantait d’avoir bombardé sept pays musulmans.
Poutine « tueur » ?
Mais la chose prend une tournure tragi-comique quand on sait que le président Biden qui accuse son homologue d’être un « tueur », n’est pas lui-même blanc comme neige des crimes et des tueries provoqués par ses prédécesseurs. En tant que sénateur, il a soutenu la première guerre d’Irak de Bush père, la deuxième guerre de Bush fils et les sanctions étouffantes de Bill Clinton.
Poutine « tueur » ? Oui, il a donné l’ordre à ses forces de sécurité de tuer des terroristes tchétchènes qui s’en prenaient aux citoyens russes. Il a donné l’ordre à son armée de tuer les terroristes de Daech et de les empêcher de s’emparer de Damas. Mais il n’a pas manipulé machiavéliquement des terroristes à des fins politiques et stratégiques. Poutine n’a agressé aucun pays. Il n’a transformé la vie d’aucun peuple en enfer. Il n’a provoqué aucune mort d’enfant par des sanctions inhumaines.
Répondant à une question sur les propos honteux tenus à son encontre par son homologue américain, le président Poutine a fait cette réponse honorable: « Je lui souhaite une bonne santé »…