Tahar Ben Ammar était un grand propriétaire terrien. Il continua l’oeuvre de son père, qui était propriétaire de plusieurs domaines agricoles à Bourada, Kharja (pont de Bizerte) et Cebala, qu’il gérait en utilisant les techniques agricoles les plus modernes, à l’instar des colons français.
Tahar Ben Ammar vivait les empiétements de la colonisation et subissait sa concurrence déloyale.
Tahar Ben Ammar et les revendications nationales
Suite à la publication du livre de Abdelaziz Thaalbi, la Tunisie Martyr, une première délégation tunisienne part à Paris, le 6 juin 1920, pour présenter les revendications nationales. Tahar Ben Ammar la rejoint le 17 juin. Ce qui permit à la délégation, grâce à ses connaissances, de rencontrer des parlementaires français.
Il préside la deuxième délégation tunisienne (décembre 1920-janvier 1921), qui réussit à rencontrer le président du Conseil Georges Leygues et son successeur Aristide Briand. Faisant valoir les revendications tunisiennes, Tahar Ben Ammar affirme : « Nous demandons une chambre délibérative élue au suffrage universel ou, à défaut, au suffrage le plus large, à condition d’en assurer l’indépendance complète vis-à-vis de l’administration, où siégeraient, en nombre égal, Français et Tunisiens, dans une collaboration permanente, pour que les Français profitent de notre expérience et pour que nous profitions des expériences des Français» (Journal Le Temps, 30 janvier 1921). Après sa participation au parti Destour, qui venait d’être créé, Tahar Ben Ammar rejoint le parti réformiste, en décembre 1921.
Président de la Chambre d’Agriculture du Nord de 1928 à 1954 et membre du Grand Conseil, depuis 1928, il en fit des tribunes pour la défense des revendications tunisiennes. En 1936, Tahar Ben Ammar préside la section tunisienne du Grand Conseil. Il définit les revendications, en concertation avec le bureau politique du Néo-Destour.
« Nous demandons une chambre délibérative élue au suffrage universel ou, à défaut, au suffrage le plus large, à condition d’en assurer l’indépendance complète vis-à-vis de l’administration… »
Durant l’après-guerre, marqué par la destitution de Moncef Bey, la consolidation du pouvoir colonial et la répression qui s’en suivit, Tahar Ben Ammar prit son bâton de pèlerin pour engager une nouvelle campagne de persuasion auprès des nouvelles autorités. Il revendiqua, le 3 novembre 1943, auprès du général De Gaulle à Alger, un « selfgovernment » et une assemblée purement tunisienne.
Le 7 mai 1944, il présenta au général De Gaulle, invité à participer au premier anniversaire de la libération de Tunis, un mémoire présentant les revendications de la section tunisienne du Grand Conseil (suppression des privilèges coloniaux, accès des Tunisiens à tous les emplois, institution d’une charte constitutionnelle et démocratique).
Suite au retour du leader Habib Bourguiba du Caire en 1949 et de la dynamisation du mouvement national, en conséquence, l’action de Tahar Ben Ammar, au sein du Grand Conseil, devait relayer la contestation nationale et réaffirmer ses revendications.
Elu président du Grand Conseil, en février 1950, Tahar Ben Ammar inscrit ses revendications dans une vision d’émancipation du pays et s’érige en porte-parole du mouvement national. D’autre part, les conseillers tunisiens, dans leur majorité et en tout cas leur président Tahar Ben Ammar, soutinrent la note du 31 octobre 1951 réclamant le remplacement du Grand Conseil par une Assemblée législative homogène.
Au service de la cause nationale (1952-1956)
Tahar Ben Ammar dénonça l’arrestation des ministres du gouvernement Chenik, puis l’arrestation de Habib Bourguiba, le 18 janvier 1952. Il demanda une enquête sur les exactions de l’armée française à Tazarka et reçut les députés français, en mission en Tunisie, pour examiner les doléances tunisiennes.
Tahar Ben Ammar fut, avec Farhat Hached, un des principaux membres de la commission des Quarante, réunis, par Lamine Bey, pour examiner les réformes proposées par le pouvoir colonial. La commission des Quarante, qui désavouait le ministère Salah Eddine Baccouche et mettait en échec les velléités trompeuses du Résident Général, devint la cible de la « Main Rouge ». Fait retenu par la mémoire familiale des Ben Ammar, l’organisation terroriste tenta d’arrêter Tahar Ben Ammar, le 4 décembre 1952. Elle assassina Farhat Hached. Tahar Ben Ammar effectua une mission en France (26 mars – 10 avril 1953), pour présenter la position tunisienne. Il oeuvra pour dénoncer les réformes Voisard/ Mzali.
Le premier gouvernement Tahar Ben Ammar
A la veille du voyage de Mendès- France, à Tunis, le 31 juillet 1954, pour annoncer l’autonomie interne, sur décision de Habib Bourguiba, Mohamed Masmoudi demanda à Tahar Ben Ammar de retourner d’urgence à Tunis. Lamine Bey et le gouvernement français étaient favorables à la candidature de Aziz Jallouli comme Premier ministre du gouvernement des négociations. Habib Bourguiba exigea le choix de
Tahar Ben Ammar, vu le rôle qu’il a joué, lors de la lutte, comme allié sûr du mouvement national.Les négociations franco-tunisiennes allaient se révéler difficiles, vu les préalables définis par le gouvernement français, dès l’engagement du processus. La France voulait sauvegarder les privilèges de sa colonie, limitant la souveraineté interne.
Tahar Ben Ammar négociait, en concertation avec Habib Bourguiba, en France, et consultait Salah Ben Youssef, à Genève. Les négociations furent reprises après la chute de Mendes France et son remplacement par Edgar Faure. Elles furent signées le 3 juin 1955 par Edgar Faure et Pierre July d’une part, et Tahar Ben Ammar et Mongi Slim, d’autre part.
Les négociations de l’indépendance
Sur proposition de Habib Bourguiba au Bey, Tahar Ben Ammar fut nommé, le 17 septembre 1955, pour diriger le gouvernement des négociations de l’indépendance. Le Congrès de Sfax du Néo-Destour (15-18 novembre 1955) a induit la revendication de l’indépendance, qui devint une priorité, après l’engagement des négociations franco-marocaines, annonçant « l’indépendance, dans le cadre de l’interdépendance ».
En France, le nouveau président du Conseil, le socialiste Guy Mollet, annonça une politique d’ouverture, dans son discours d’investiture, le 30 janvier 1955. Il affirma : « au Maroc, comme en Tunisie, le principe de l’interdépendance a été posé. Il doit être maintenant traduit dans le concret ».
Saisissant cette opportunité, Habib Bourguiba annonça aussitôt son intention de se rendre en France, pour demander au gouvernement français de traduire, dans les faits, dans les meilleurs délais possibles, les décisions annoncées par le président du Conseil. L’initiative de Habib Bourguiba fut l’objet d’une concertation avec Tahar Ben Ammar, qui lui prit un rendez-vous avec Guy Mollet.
« Tahar Ben Ammar fut nommé, le 17 septembre 1955, pour diriger le gouvernement des négociations de l’indépendance »
Ouvertes lundi 27 février, les négociations furent laborieuses. Le gouvernement français voulait conditionner la proclamation de l’indépendance par la définition des modalités de l’interdépendance, alors que le gouvernement tunisien estimait que ces modalités devaient être négociées ultérieurement, après la proclamation de l’indépendance.
Les entretiens de Habib Bourguiba avec Christian Pineau (ministre des Affaires étrangères) et Alain Savary (secrétaire d’Etat aux affaires marocaines et tunisiennes), devaient favoriser la conclusion du compromis au cours de la phase ultime de la négociation (17 mars 1956). Ce qui atteste la relation solidaire et organique et l’unité de vues entre la direction du néo-Destour et le ministère de Tahar Ben Ammar. Consécration de la victoire, le Protocole d’accord fut signé le 20 mars par Christian Pineau et Tahar Ben Ammar.