Pour le directeur du Centre arabe de recherches et d’analyses politiques et sociales (Caraps) de Genève, Riadh Sidaoui, le premier élément incontournable à évoquer à l’occasion du 65ème anniversaire de l’indépendance est la résistance armée contre le colonisateur. Pour lui, malgré tout, 65 ans après l’indépendance l’Etat fonctionne malgré les péripéties et les crise successives.
Dans une déclaration à l’Economiste Maghrébin, Riadh Sidaoui estime que l’indépendance est le fruit de la révolution armée du 18 janvier. D’ailleurs, « L’indépendance n’était pas un cadeau ». Lance-t-il. Cette indépendance est le fruit de la résistance armée. « Les montagnes sur les quelles les terroristes veulent faire la loi, étaient le refuge des militants tunisiens avant l’indépendance. ». A-t-il regretté. Pour cette raison, il incite à ne plus faire l’apologie de la colonisation.
Indépendance rime avec résistance armée
En effet, dans le même sillage, il a cité plusieurs militants : Mohamed Daghbegi, Bechir Ben Sdira, Ouled Haffouz et autres. « Un nombre restreint de films tunisiens ont rendu hommage à ces figures emblématique de la résistance. ». Regrette-t-il.
Revenant sur le conflit entre Habib Bourguiba et Salah Ben Youssef, le spécialiste affirme que ce type de conflit n’est pas propre à la Tunisie. « Quelques années avant l’indépendance de l’Algérie un conflit similaire a éclaté et la Chine a vécu le même scénario ». Argumente-t-il. Mais « ce que nous devons retenir c’est que les deux leaders Ben Youssef et Bourguia étaient patriotiques. Mais chacun d’eux voyait l’indépendance à sa manière ». Pour lui, les jeunes d’aujourd’hui doivent tirer l’enseignement de ce conflit sans prendre parti ni pour Bourguiba ou pour Ben Youssef.
Le premier président de la république Habib Bourguiba avait misé sur l’éducation
Revenant sur le bilan du premier président de la république Habib Bourguiba, notre interlocuteur considère que « Bourguiba est un grand homme visionnaire. Il a misé sur l’éducation et la santé à un moment où d’autres leaders du monde arabe misaient sur d’autres priorités. ». Par ailleurs, il rappelle que dans les années 60, le cinéma ambulant et les bibliothèques ambulantes sillonnent les villes pour propager le savoir et la culture. Après avoir eu l’indépendance de la Tunisie, Bourguiba a entamé la construction de l’Etat. « La construction de l’Etat est plus difficile que de faire la révolution ou chasser le colonisateur ». Fait-il remarquer.
L’administration tunisienne, l’un des piliers du pays
Pour lui, l’administration tunisienne est l’un des acquis de l’indépendance. « Même pendant, la période critique de la révolution, l’administration était opérationnelle et assurait les services. Il ne faut pas oublier que c’est l’œuvre de Bourguiba ». Lance-t-il. Parmi les acquis de l’indépendance figure l’émancipation de la femme. « La femme tunisienne a eu le droit de voter bien avant la femme suisse ». S’est-t-il félicité.
Le bilan économique faible de Bourguiba
Cependant, le bilan économique de Bourguiba, selon notre interlocuteur, n’était pas brillant notamment après l’échec du système des coopératives. Depuis la mise en vigueur de la loi 72, l’Etat commence à abandonner progressivement son rôle social. Lance-t-il.
« Habib Bourguiba a misé d’une manière excessive sur le tourisme. Il n’a pas accordé le même intérêt pour le secteur agricole. Le premier secteur est très fragile, alors que le deuxième relève de la sécurité alimentaire et représente un levier économique important. Nous somme entrain de payer la facture de cette politique aujourd’hui. On aurait du miser sur l’agriculture et l’industrie à l’époque ». Lance-t-il.
La démocratie fait défaut après l’indépendance
Revenant sur le bilan politique de Bourguiba, Riadh Sidaoui affirme que Bourguiba avait une « légitimité charismatique comme dit l’économiste et le sociologue allemand Max Weber ». Et de continuer « il se considérait comme le père de tous les Tunisiens ». Expliquant la relation de Bourguiba avec la démocratie, Riadh Sidaoui estime que « Bourguiba considère que la démocratie est une étape à franchir après l’essor économique et l’extermination de la pauvreté. D’ailleurs, le président égyptien Jamal Abdel Nasser et le président algérien Houari Boumédiène ont plaidé pour la même idée ».
Évoluant dans la même logique, le politologue tunisien affirme qu’une théorie américaine affirme que la démocratie est le fruit de l’essor économique et la classe moyenne. « En conclusion, les dernières années de Bourguiba étaient difficiles. « On ne peut pas dire que Bourguiba était responsable de toutes les décisions prises pendant ses dernières années ». dit-t-il.
Qu’en est-il du bilan de Ben Ali ?
Riadh Sidaoui affirme que Ben Ali n’est que l’enfant de l’appareil sécuritaire du ministère de l’Intérieur. Pour lui, le deuxième président de la république n’a pas porté la casquette du politicien pour diriger les affaires du pays. Ben Ali a gouverné dans un esprit de militaire. Cependant, « la stabilité sécuritaire assurée par le régime de Ben Ali a contribué à la réalisation d’un essor économique relatif. Malgré sa dictature et sa répression, Ben Ali a misé sur des ministres technocrates compétents. Mais pendant les dernières année de Ben Ali la classe moyenne a vu son pouvoir d’achat se dégrader ».
La période postrévolutionnaire
En effet, Riadh Sidaoui affirme que la liberté et la démocratie que la Tunisie connait depuis 2011 sont sans précédent. Notamment la liberté de la presse « qui dépasse celle d’autres pays qui se disent démocratiques ». Au niveau politique, il s’est avéré que le régime politique parlementaire adopté n’a pas pu assurer la stabilité. D’où l’urgence de le changer par un régime présidentiel. Il rappelle que l’Irak et le Liban ont des régimes parlementaires qui ont échoué à maintes reprises. ». Le régime parlementaire nécessite un consensus indéfectible ce qui n’est pas le cas en Tunisie. Conclut-t-il.