Si le romancier brésilien José Mauro (1920-1984) s’était armé de l’innocence de l’enfant, la sagesse d’un prêtre bouddhiste et la passion inégalable de la nature pour écrire son chef d’œuvre Rosinha mon canoë (1965), le poète, romancier et traducteur tunisien Slah Ben Ayed a versé l’encre de sa plume, non pas uniquement, pour traduire le texte en arabe; mais pour garder sa dimension poétique et le présenter aux lecteurs tunisiens.
Fin connaisseur de la subtilité de la poésie et expérimenté dans la traduction des œuvres littéraires, le traducteur a su propulser le lecteur tunisien dans l’univers poétique de Rosinha. Cette traduction est parue aux Editions Miskiliani. Un célèbre adage italien dit « Traduire, c’est trahir ». Si c’est le cas, la traduction de la poésie et des romans serait la plus belle des trahisons.
En effet, cette trahison se justifie et/ou s’explique par la nécessité de briser les frontières entre les langues et les civilisations. Une trahison qui s’explique, également, par la sensibilité humaniste d’un roman. Car chaque lecteur peut en trouver un peu du sien. D’ailleurs, José Mauro n’est pas un nom familier pour les lecteurs tunisiens même pour les plus chevronnés. Pour cette raison, la traduction de ses œuvres en langue arabe s’impose. Alors la trahison ne se justifie-t-elle pas dans ce cas de figure ?
Par ailleurs, ce roman nous exhorte à repenser la relation de l’Homme avec la nature, avec la solitude et avec l’enfance dans ses multiples facettes. C’est une invitation à abandonner le monde dit « normal » pour rejoindre les étoiles et le monde dit des « fous ». Le romancier interroge la notion de la folie et du choc entre les civilisations. Comment ne pas être dépaysé dans ce roman. Ce roman où le canoë Rosinha nous guide dans la jungle amazonienne. Où le fantastique se mêle à une réflexion philosophique sur l’essence même de la vie.
On pourrait trouver des ressemblances entre le héro mésopotamien Gilgamesh et le héro brésilien du roman Zé Oroco. Le premier a poursuivi une recherche désespérée de l’immortalité. Le deuxième mène un parcours initiatique, ayant comme seule arme, son innocence, sa symbiose avec la nature, et son canoë Rosinha. Rosinha. Ce canoë avec lequel il converse tout au long du voyage. Il lui apprend tant de chose sur la vie, la nature. Miskiliani Editions a traduit deux autres romans de José Mauro. Il s’agit de Mon bel oranger par Ines Abbassi et Allons réveiller le soleil par Achraf Kerkeni.