Avec la publication des taux effectifs globaux (TEG) du second trimestre 2020, nous pouvons constater que la baisse du Taux directeur n’est pas encore totalement reflétée dans le coût de l’argent.
En 2020, la BCT a réduit de 150 points de base son taux directeur. Avec un premier pas en mars 2020 de 1%, puis en septembre de 0,5%. Mais en observant l’évolution des TEG, aucun d’entre eux n’a diminué d’autant.
Les nouveaux taux
Sur une année, la plus grande baisse a touché les crédits à long terme (-0,84% à 9,40%), devant les crédits à la consommation (-0,83% à 11,05%).
Ainsi, les crédits à moyen terme se sont déclinés de 0,76% à 9,44%. Tandis que les prêts à court terme (autre que le découvert) ont baissé de 0,62% à 9,44% également. L’affacturage quant à lui est passé à 11,02% (11,70% fin 2019), légèrement inférieur au découvert qui coûte désormais 11,05% (11,51% en 2019). Cependant que le leasing reste la source de financement la plus chère à 13,55%, en hausse même de 68 points de base.
Flambée des risques
Cette tendance confirme que la baisse des taux n’est pas réellement le handicap essentiel à l’investissement en Tunisie. Le vrai problème est le niveau du risque qui s’est propagé dans l’économie.
Ces taux d’intérêt ne sont autres que le TMM, largement influencé par le Taux directeur, auquel on ajoute une prime de risque. Sur 2020, le TMM a reculé de 1,69%, ce qui signifie que la prime de risque a flambé. En d’autres termes, les banques exigent une rémunération supplémentaire car la pandémie a fragilisé tous les business modèles. Rares sont les secteurs qui ont échappé à une chute des revenus.
D’ailleurs, le niveau des impayés a atteint un pic. Et l’accès aux crédits est, logiquement, conditionné par la présentation d’un vrai plan de continuité de l’exploitation et des perspectives claires.
Mais ce n’est pas tout, car le cadre macroéconomique pèse. L’horizon s’assombrit et aucun plan de relance n’est en vigueur.
Ainsi, nous sommes parmi les derniers pays à lancer la campagne de vaccination et nous vivons toujours sous un couvre-feu. Le blocage politique sème le trouble au niveau des finances publiques. Nous n’avons pas d’accord en vue avec le FMI. Et les dernières déclarations de Ferid Belhaj montrent que la Banque Mondiale ne regarde pas d’un bon œil la situation.
Or, nous projetons une sortie sur les marchés qui peut aller jusqu’à trois milliards de dollars; bien que nous n’ayons pas les conditions requises pour le faire. A commencer par un rating souverain en chute libre.
L’influence de la dette souveraine
Les taux d’intérêt prennent aussi en considération les taux sans risque. Donc ceux auxquels l’Etat emprunte de l’argent sur le marché local. En regardant la courbe des taux, les taux à court et moyen termes ont baissé en 2020 et à partir de la maturité à 7 ans, la tendance s’inverse. Pour la dette sur dix ans, 46 points de base supplémentaires ont été perçus. Si on prête à l’Etat à des taux plus chers, comment espérer voir une baisse pour les crédits accordés aux entreprises?
In fine, l’Etat et les entreprises opèrent dans le même environnement et si le souverain fait défaut, cela va être généralisé à tous les agents économiques. Ce constat justifie un coût de refinancement plus élevé des établissements de crédits, notamment pour les compagnies de leasing. Ces dernières empruntent toujours à des taux élevés. Et la dernière sortie du leader du secteur Tunisie Leasing & Factoring est à 9,70%. Hannibal Lease propose même 10%. Avec ces niveaux, il n’est pas offusquant de voir le taux effectif du crédit-bail partir à la hausse.
L’impact de la baisse du TMM ne peut donc être que partiel. Les taux ne peuvent reculer que si la confiance dans l’ensemble de l’économie revient. Un sentiment qui est conditionné par une vraie action du Gouvernement. Une stabilisation des TEG sur la première moitié de 2021 serait le scénario le plus plausible à notre sens, sauf si le climat politique s’améliore.