Après l’expiration des délais de contestation de la constitutionnalité du projet de loi amendant et complétant la loi organique sur la Cour constitutionnelle, le chef de l’Etat dispose d’un délai de quatre jours pour le parapher. Toutefois, il est dans ses prérogatives de renvoyer ce projet de loi au Parlement pour une seconde lecture. Dans quel intérêt?
A moins d’un ultime croche-pied juridique de la part du président de la République, un exercice où il prend visiblement du plaisir, le processus aboutissant à la mise en place de la Cour constitutionnelle semble négocier la dernière ligne droite.
Plus de recours possible
En effet, mercredi 31 mars 2021, à 18h, marque la date d’expiration des délais de contestation de la constitutionnalité dudit projet de loi. Par conséquent, aucun recours relatif au projet de loi amendant et complétant la loi organique sur la Cour constitutionnelle n’est possible.
De ce fait, conformément à l’article 81 de la Constitution, le président le chef de l’Etat dispose d’un délai de quatre jours pour parapher le projet de loi. Il a donc en l’occurrence jusqu’au dimanche 4 avril en cours.
En revanche, il rentre dans ses prérogatives de renvoyer le projet de loi au Parlement. Tout en motivant sa décision pour une seconde lecture.
A savoir que l’adoption du projet de loi organique après renvoi requiert les trois cinquième des membres du Parlement.
Sachant que le Parlement adoptait, le 25 mars, le projet de loi amendant et complétant la loi organique n° 2015-50; et ce, par 111 voix pour, huit abstentions et sans aucune objection. Celle-ci est relative à la Cour constitutionnelle.
En outre, notons que la création de la Cour constitutionnelle traîne en longueur depuis 2015. Puisque les députés ne réussissent toujours pas à choisir les quatre membres que le parlement doit élire.
Les raisons du blocage de la mise en place de la Cour constitutionnelle
En effet, la Cour constitutionnelle dont la création a été adoptée en plénière en novembre 2015, se compose de douze membres. Le président de la République, l’ARP et le Conseil supérieur de la magistrature désignent chacun quatre membres, dont les trois quarts sont des spécialistes en droit.
Or, cette élection a été reportée plusieurs fois. Les députés ne réussissant pas à dégager la majorité requise pour les candidats (145 voix). Parmi les quatre membres que le parlement doit élire, seule la magistrate Raoudha Ouersghini recueillait les voix nécessaires.
« Neutralité et compétence »
Entre temps, lors d’une rencontre lundi 29 mars avec une délégation de juristes conduite par le professeur de droit constitutionnel Amine Mahfoudh, le président de la République Kaïs Saïed s’est focalisé sur « le rôle majeur de la Cour constitutionnelle dans la consécration de l’Etat de droit, loin des considérations politiques ». En insistant sur « les critères de neutralité et de compétence dont doivent se prévaloir les membres de cette juridiction ».
Reste un vrai casse-tête chinois: et le président optait pour un blocage constitutionnel, en refusant de parapher le projet de loi portant sur la Cour Constitutionnelle et en le renvoyant au Parlement pour une seconde lecture?
Inquiétude
Curieusement, le Président sait que le processus aboutissant à la mise en place de cette haute juridiction est inéluctable. Mais, il traîne les pieds. Car, dorénavant il ne sera plus l’unique interprète de la Constitution; ce qui le privera d’une arme redoutable.
De plus, lui qui voit des complots partout, sait en fin juriste qu’il est, qu’avec la formation de la Cour constitutionnelle, ses ennemis politiques auront désormais la possibilité de le destituer, en recourant à l’article 88.
En effet, cet article stipule que: « L’Assemblée des représentants du peuple peut, à l’initiative de la majorité de ses membres, présenter une motion motivée pour mettre fin au mandat du Président de la République en raison d’une violation manifeste de la Constitution. La décision doit être approuvée par les deux tiers des membres de l’Assemblée; et dans ce cas, l’affaire est renvoyée devant la Cour constitutionnelle qui statue à la majorité des deux tiers de ses membres. »
En clair, cet article prévoit que les deux tiers des parlementaires ont le droit de présenter une motion visant à destituer le président de la République. Mais, à condition que la Cour constitutionnelle se prononce sur « la violation manifeste de la Constitution » que le Président aurait commise.
Comme dit le dicton tunisien: « A chacun son diable dans la poche ».