Face aux nouvelles mesures prises pour lutter contre le coronavirus, le ministère de la Santé a décidé d’imposer le silence aux médecins. Et ce, en leur interdisant d’intervenir dans les médias; de même que de s’exprimer via les réseaux sociaux. Une telle décision n’a fait que susciter la colère. Non seulement celle des médecins, des pharmaciens; mais aussi de l’opinion publique. Autant de voix dissonantes qui entraînent une forte incompréhension en Tunisie. Qu’en pensent les médecins?
Faouzi Charfi, secrétaire général de l’Union des médecins spécialistes libéraux dénonce la décision du ministre de la Santé. En effet, il déclare à leconomistemaghrebin.com: « Ce qui s’est passé hier est incompréhensible et inacceptable de la part du ministre de la Santé. »
Plus encore, selon lui, cette décision constitue une atteinte fondamentale à la liberté d’expression. Laquelle est l’un des acquis de la révolution. Tout en poursuivant qu’il s’agit également d’une atteinte au droit constitutionnel ainsi qu’au droit du citoyen à l’information.
« L’absence d’une stratégie de communication claire »
Avant d’ajouter: « Cela constitue un obstacle à l’ouverture d’un débat à la fois libre et responsable sur un sujet crucial et vital pour les Tunisiens; tel que leur santé. Ce qui est aussi incompréhensible à mon sens, c’est l’absence d’une stratégie de communication claire du gouvernement. Et notamment dans sa gestion de la lutte contre la pandémie. Plus encore, je dirais que les anciens réflexes sont de retour, où l’intimidation s’est transformée en une interdiction. »
Une chose est sûre d’après Faouzi Charfi, la mauvaise gestion dans la lutte contre la Covid-19 incombe au ministère de la Santé. Mais surtout au gouvernement qui à ce jour, n’a présenté aucune stratégie claire et concise. « Or, ce qu’a fait le ministre en voulant interdire aux médecins de s’exprimer est inadmissible. Mais il oublie une chose, c’est qu’il s’adresse à des cadres supérieurs; ainsi qu’à une population avertie. Il aurait pu réagir autrement. Et ce, en réunissant en amont les médecins; pour essayer de coordonner avec eux à la mise en place d’une stratégie de communication. Et surtout jouer la carte de la transparence. Tout en responsabilisant les uns et les autres », poursuit-il.
Et d’ajouter: « Maintenant si on compare avec les pays démocratiques, les gouvernements n’empêchent pas les gens de parler… A titre d’exemple, ils n’ont pas empêché le Pr. Didier Raoult de s’exprimer sur sa théorie de l’hydroxychloroquine. »
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Par ailleurs, même constat pour Nazih Zghal, membre du Conseil national dd l’Ordre des médecins. Il estime, lui aussi, que le ministre de la Santé a dépassé les limites. Tout en soulignant: « Il est important de rappeler que la liberté d’expression est un droit constitutionnel auquel on ne peut déroger. »
Il précise dans ce contexte: « Cette attitude du ministre est irresponsable. Il est bon de canaliser l’information. Mais interdire l’expression libre basée sur des données scientifiques ne peut pas être acceptable. »
Et de conclure: « Le conseil de l’Ordre est en train de préparer un communiqué dans le même sens. En rappelant la liberté d’expression; ainsi que le respect de ce droit. Tout en respectant évidemment la déontologie. A savoir, ne pas dire ce qu’on ne sait pas; ne faire des déclarations qu’en se basant sur des données scientifiques précises et reconnues. »
Ainsi, Nazih Zghal revendique la transparence. Il ajoute d’ailleurs: « Sortez, vous les communicants du ministère de la Santé, dites les choses de façon transparente, claire et précise. Et tout le monde aura l’information de source officielle; sans qu’il y ait d’opacité ou d’information floue. »
En somme, faire taire les médecins en leur interdisant de s’exprimer sur les réseaux sociaux ou dans les médias, est une première en Tunisie; et ce, dix ans après le 14 janvier… A quoi faut-il s’attendre d’autres?