Les déroulements auxquels on assiste ces derniers jours n’offrent pas une image reluisante de la Tunisie. Instabilité, terrorisme et atteinte à la liberté de la presse. Ces déroulements, dont des Tunisiens en sont responsables, constituent lorsqu’ils sont associés ensemble un véritable cocktail Molotov.
Avez-vous entendu parler du Top of mind ? Si ce n’est pas le cas, sachez que vous pratiquez ce concept marketing tous les jours. Chaque jour, et en fonction de votre expérience lorsque vous lisez des journaux et des livres, lorsque vous regardez la télévision et écoutez la radio, ou encore quand vous discutez de tout et de rien, vous vous êtes faites une idée du monde : des pays, des hommes, proches et lointains, des institutions, des entreprises, des œuvres littéraires, artistiques, etc.
En fait, le Top of mind, qui désigne « la notoriété de premier rang », est un exercice routinier pour nous tous. Prenons des exemples : on vous parle d’un pays de travailleurs, vous pensez quasiment toujours à l’Allemagne; d’un pays riche, vous pensez, peut-être, et en premier à un pays du Golfe arabe. On engage un débat sur la rigueur, vous citez les Japonais ou encore les Sud-Coréens, etc.
Il va sans dire que la Tunisie et les Tunisiens n’échappent pas à ce schéma. Mais à quoi nous associe-t-on aujourd’hui ? Il est à craindre que les déroulements qui caractérisent notre pays et notre peuple ces derniers jours renvoient une image peu reluisante qui est en train de détruire tout un capital bâti pendant des décennies, y compris dans les années qui ont suivi directement la révolution du 14 janvier 2011.
A l’exception de quelques éclaircies
Mais à quoi nous associe-t-on lorsqu’on parle de nous ? Trois images sautent sans doute aux yeux du monde malheureusement quand notre pays est évoqué : instabilité, terrorisme et atteinte à la liberté de la presse. Et ce n’est pas là aussi une élucubration d’intellectuel que de le dire. L’image, comme l’ont précisé de nombreux spécialistes de la question, se construit strate après strate, comme les couches de la terre, et grâce aux redondances. Et lorsqu’elle s’installe, il est bien difficile de l’effacer. Les mauvaises images ont, comme on le dit souvent, la peau dure !
Commençons par l’instabilité. Un domaine dans lequel on donne la preuve évidente que nous sommes orfèvres en la matière. Il ne se passe pas un jour sans que par une déclaration, une décision, voire une fuite, nous apparaissons aux yeux du monde comme des empêcheurs de tourner en rond. On nous dira que la politique est ainsi faite. Mais trop, c’est trop. A l’exception de quelques éclaircies, les deux têtes de l’exécutif ont, depuis 2011, pratiquement été toujours en guerre. Marzouki et Hamadi Jbali, Béji Caïd Essebsi et Chahed et Kaïs Saïed et Hichem Mechichi. Le démon numide, évoqué tant de fois par le premier président Habib Bourguiba, n’en finit par de réapparaitre. Comme le montre du Loc Ness !
Il en « pinçait pour le mouvement « Al-Karama »
Deuxième avatar : le terrorisme. Le 23 avril 2021, un compatriote Jamel Gorchene, égorge à Rambouillet (45 Km au Sud-Ouest de Paris) une policière. L’acte émeut la France et réveille les soupçons sur des opérations terroristes perpétrées par des Tunisiens. La dernière a eu lieu, en octobre 2020, à Nice (Sud de la France), lorsqu’un autre tunisien tuait trois personnes dans une basilique à coup de couteau. Une partie de la presse se déchaîne. Notre confrère Marianne parle dans un de ses articles d’une « Tunisie, base arrière du terrorisme islamiste ». Le Figaro titre, quant à lui, dans une de ses éditions « La Tunisie en proie au démon du terrorisme ».
D’autres, comme Monde-Afrique, mettent en évidence les relations du terroriste de Rambouillet avec « Mohamed Lahouaiej Bouhlel, installé à Nice depuis cinq ans et qui sera l’auteur du terrible attentat de 2016 (86 morts) ». Et souligne qu’il « pinçait pour le mouvement Al-Karama » et ses prédicateurs réactionnaires, tout comme une masse de jeunes islamistes énervés ».
Troisième image colportée ces derniers jours : la nomination d’un PDG d’un média tunisien qui a voulu s’installer dans son bureau, le 14 avril 2021, par les forces de l’ordre. Un acte d’atteinte à la liberté de presse évidemment largement condamné par de nombreuses organisations et associations tunisiennes et étrangères comme la Fédération Internationale des Juristes (FIJ) ou encore Reporter Sans Frontières (RSF) qui a fait perdre une place à notre pays dans son classement sur les libertés de la presse, publié le 20 avril 2021.
Un facteur différenciant
Et il ne faut pas beaucoup de capacité d’analyse pour comprendre que ces déroulements, dont des Tunisiens sont responsables, constituent lorsqu’ils sont associés ensemble un véritable cocktail Molotov.
Bonjour les dégâts, sommes-nous tentés de dire. On ne pourrait terminer cette analyse rapide d’un quotidien triste en matière d’image sans ajouter deux éléments essentiels. Le premier est que les événements évoqués plus haut sont souvent relayés par un tissu associatif national et étranger dont le pouvoir est extrêmement important. Usant notamment d’outils de lobbying fréquents et d’un usage abondant des réseaux sociaux. Sans oublier ses entrées dans les allées du pouvoir.
Le second ? L’image devient, avec le temps et lorsqu’elle est confortée par des faits nouveaux et gestes, imbriquée dans l’ADN du pays. Elle s’impose dans l’inconscient de tous ceux qui ont, à quelque titre que ce soit, un rapport avec un pays. En fait un facteur différenciant.
Autant dire qu’il est toujours préférable que cette image soit positive.