La question semble jusqu’à être comme une provocation dans un pays qui a accompli des pas importants sur le terrain de la liberté de la presse. La réalité est que des manquements sont constatés de temps à autres. Faute sans doute d’avoir légiféré et pris des mesures pour mieux asseoir la liberté de la presse.
« Assahafa mouchy jaryma » : La presse n’est pas un crime. Tel est le slogan utilisé par le Syndicat National des Journalistes Tunisiens (SNJT) en ce 3 mai 2021, Journée Mondiale de la Liberté de la Presse. Et ce, pour attirer l’attention sur le vécu médiatique dans notre pays. Il s’agit de signifier– on l’a compris- que pratiquer le journalisme n’est pas un acte prohibé!
Evidemment la Tunisie a accompli des pas importants en matière de liberté de la presse depuis 2011. Mais, cela ne veut pas dire que tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes. Encore ces derniers jours, certains faits ont tiré la sonnette d’alarme concernant des atteintes en matière de liberté de la presse.
Des « nominations parachutées »
Ainsi, en est-il de l’opération coup de force menée, en avril 2021, pour imposer par la police la désignation d’un premier responsable à la tête d’un média public. Un événement qui n’a pas échappé du reste au secrétaire général de l’Union Générale Tunisienne du Travail (UGTT), Noureddine Taboubi, dans son discours du 1er mai 2021. Lorsqu’il a évoqué des « nominations parachutées pour avoir la mainmise sur les établissements publics ».
D’ailleurs, le recul de la Tunisie dans le classement de Reporters Sans Frontières (RSF), organisation mondiale dédiée à la défense de la liberté de la presse, publié le 20 avril 2021, a été interprété récemment comme un signe évident des manquements à l’endroit de la liberté de la presse en Tunisie. La Tunisie est passée de la 72 ème à la 73 ème place. Et ce, après qu’elle a gagné, en 2019, vingt-cinq places passant de la 97 ème à la 72 ème position sur 180 pays.
La situation est dans ce domaine, comme pour d’autres, bien complexe. Mais le fait de n’avoir quasiment pas agi face à la nécessité de réformer le secteur des médias constitue sans doute une des grandes erreurs qui n’a pas permis à la liberté de la presse de faire des avancées importantes. Il est du reste étonnant que le secteur, qui le plus fait l’objet de critique avant 2011, n’ait pas fait l’objet de réforme globale.
Un désengagement de l’Etat
Beaucoup dans les rangs de l’Etat comme dans ceux de la société civile ont-ils cru qu’il suffisait d’abolir la censure et de lever toutes les pesanteurs que vivaient les médias avant 2011 pour que la liberté de la presse fasse son petit bonhomme de chemin? Ils ont eu tort. Nous voyons du reste aujourd’hui les résultats de ce choix. Ou de cette négligence. Voire de cette ignorance du mode de fonctionnement d’une démocratie.
L’Etat s’est, dans ce contexte, quasiment désengagé de ses responsabilités dans le monde des médias. Oubliant qu’il a un rôle dynamique à jouer pour réformer par des initiatives juridiques et par des mesures d’encouragement à l’instauration d’une presse libre. Bien au contraire, l’Etat a même abandonné certaines des mesures prises sous la dictature comme en matière d’aides à la presse. Avec pour exemple, les défaillances, depuis la Révolution, dans l’organisation de la publicité publique et des abonnements de l’administration dans les publications de presse.
Et ce qui n’a pas été assez compris, à ce niveau, c’est que l’Etat n’est pas le gouvernement en place. Aucunement du reste. L’Etat n’est pas seulement le gouvernement, mais, entre autres, un ensemble d’institutions qui assurent une vie démocratique quels que soient ceux qui le dirigent.
La liberté de la presse ne peut être laissée au hasard
Ensuite, il s’agit de mettre en place des structures, des lois et des mesures propres à une société démocratique. Qui tranchent totalement avec le passé. Mais aucunement d’abandonner les fonctions dont il a la charge. Sous prétexte qu’elles étaient assurées anti démocratiquement sous la dictature.
La liberté de la presse ne peut être laissée au hasard. Elle doit être réglementée afin que chacun puisse en bénéficier. Les pays démocratiques le font tous les jours en accordant, par exemple, des aides (directes et indirectes). Afin que les courants minoritaires comme ceux majoritaires puissent s’exprimer au même titre. Notamment à travers la création et la gestion de médias libres de toute influence ou ingérence. Les constitutions du monde, à commencer par celle de la Tunisie, nous disent qu’il s’agit là d’une des fonctions qui est obligatoirement celle de l’Etat : « Les libertés d’opinion, de pensée, d’expression, d’information et de publication sont garanties » (article 31 de la Constitution du 31 janvier 2014).