À l’occasion de la 5ème édition du « Tunisia Digital Summit », la Directrice Centrale Transformation Capital Humain de Tunisie Telecom, Dorsaf Bejaoui Kammoun, a animé un workshop autour de la thématique: « Le facteur humain dans le parcours de la transformation digitale ».
Dorsaf Bejaoui Kammoun a expliqué que le facteur humain est souvent négligé. Constituant ainsi l’une des sources d’échec de la transformation digitale.
Elle a rappelé l’étude élaborée par Standard & Poor’s. Selon cette étude, l’âge moyen d’une entreprise caracolait à 60 ans en 1960 et à 20 ans en 2020. « Ceci veut dire que même les grands acteurs économiques dans le monde ne sont pas à l’abri des perturbations », a-t-elle expliqué.
À l’ère actuelle du digital, la perturbation des activités d’une entreprise et les risques ont considérablement augmenté, a continué la Directrice Centrale Transformation Capital Humain de Tunisie Telecom.
« Depuis plus de cinq ans, les différents tissus économiques soulignent l’importance de la transformation digitale ! » a-t-elle affirmé. La crise sanitaire actuelle, selon elle, n’a fait qu’affirmer cette réalité.
Par la suite, Dorsaf Bejaoui Kammoun a souligné la sensibilité de la transformation digitale. Elle a, dans ce contexte, expliqué que plus la structure est complexe, plus la transformation s’avère être difficile à exécuter.
De la chenille au papillon
Dorsaf Bejaoui Kammoun a également insisté sur l’importance de distinguer entre le changement et la transformation. Les deux peuvent être bénéfique à l’entreprise mais les résultats ne sont pas les mêmes.
Il s’agit d’une évolution du système (adoption d’un nouveau système d’informations, intégration d’un nouveau système d’information, modifications d’un processus…).
Le changement est une amélioration du système ancien. En effet, la structure continue de fonctionner avec une version améliorée du passé.
Par contre, la transformation exige une rupture totale avec le passé. Il s’agit d’un nouveau futur. « On arrête d’appliquer l’ancien modèle! », a expliqué Dorsaf Bejaoui Kammoun.
La transformation peut être concrétisée à travers l’étude de structure telles que Uber, Amazon ou Airbnb. Ils ont apporté un nouveau « Business Model ».
Afin d’expliquer davantage le concept de transformation digitale, Dorsaf Bejaoui Kammoun a cité George Westerman de MIT. Ce dernier avait déclaré : « Lorsque la transformation numérique est appliquée correctement, c’est comme une chenille qui se transforme en papillon. Mais lorsqu’elle est mal faite, tout ce que vous aurez c’est une chenille très rapide ».
56% des transformations n’atteignent pas l’objectif
« Les études ont montré que 70% des transformations digitales échouent », a déclaré Dorsaf Bejaoui Kammoun. Elle a, par ailleurs, cité l’exemple de l’étude menée par TM Forum qui donne le même résultat.
« D’après l’Institut McKenzie, ceci veut dire qu’il y a des problèmes de culture d’entreprise ou de capacités ou de leadership! », a poursuivi la responsable.
Toujours en citant le même institut, Dorsaf Bejaoui Kammoun a affirmé que la plupart des projets de transformation dépasse largement le budget prévu, allant parfois jusqu’à tuer l’entreprise. Elle a, également, précisé que 56% des projets de transformation n’atteignent pas l’objectif fixé au préalable.
Le « digital sugar coating”
L’ensemble des entreprises se dotent souvent d’un plan de transformation sans se poser une question importante : les initiatives sont-elles suffisantes pour nous immuniser de la perturbation des marchés?
« La plupart du temps, la structure opère un changement sous l’illusion de créer un nouveau futur! », a souligné Dorsaf Bejaoui Kammoun. Les managers des grandes structures se retrouvent sous l’euphorie de ce changement, d’après la responsable.
Cette approche, concrètement, ne protège pas l’entreprise. « L’enrobage ne peut en aucun cas devenir un élément protecteur de l’entreprise! », a-t-elle affirmé.
Ainsi, l’entreprise, qui a l’impression de faire de la transformation, applique concrètement un enrobage. La notion d’enrobage digital a été développée par Jürgen Meffert et Anand Swaminathan dans leur ouvrage « Digital @ Scale ».
La bombe continue à faire son « tic tac ». Le digital sugar coating et le changement créent un phénomène de bombe à retardement.
Afin de s’immuniser, la transformation apporte de nouveaux « business models ». Le plus connu, selon la directrice, est le modèle des plateformes. Elle a, ainsi, cité Uber, Airbnb, Alibaba, Facebook, Netflix, Apple et Google.
S’engager dans une nouvelle façon de réfléchir
Pour créer ce changement, il faut perturber le marché. Il faut, également, se fier aux nouvelles technologies. Au lieu d’investir dans le système actuel, il faut penser à une rupture totale.
Dorsaf Bejaoui Kammoun a déclaré que le changement implique un engagement de l’ensemble des composantes de la structure. La perturbation de l’environnement et du business modèle implique une perturbation en interne de l’environnement de l’entreprise.
La perturbation implique une transformation et non pas un changement, selon la responsable. « Il faut détruire le système actuel de la structure afin de pouvoir le remplacer! », a-t-elle continué.
Bien évidemment, les nouvelles technologies ne peuvent être que bénéfiques pour une transformation digitale.
« S’il n’y a pas d’engagement de la part des managers de la structure, on ne pourra pas faire bouger les choses! », a conclu Dorsaf Bejaoui Kammoun.
L’éternel question du commencement
Suscitant plusieurs questions, le processus de transformation peut paraître assez effrayant pour l’entreprise. Quel est le point de départ ? Comment entamer cette transformation ?
A ce sujet, Dorsaf Bejaoui Kammoun a cité certaines tentatives telles que l’achat d’un nouveau système d’informations et de solutions, la digitalisation du marketing, opter pour Google ads… Les managers optent pour ces solutions sans comprendre qu’il s’agit de l’enrobage.
« De nos jours, une simple recherche Google donne accès à plusieurs modèles de transformation digitale! », a expliqué Dorsaf Bejaoui Kammoun.
« Nous, en tant que téléopérateur de télécom, nous pouvons prendre l’exemple de TM Forum. », a poursuivi, la responsable.
Par ailleurs, Dorsaf Bejaoui Kammoun a précisé que ces modèles possèdent plusieurs éléments en commun puisque les business domaines des entreprises, dans une grande majorité des cas, sont similaires.
Afin d’entamer correctement une transformation, il faut focaliser les efforts, par exemple, sur la stratégie modèle client, la culture d’entreprise et les opérations (qui est, selon elle, la plus dure), la data et puis la technologie.
A noter que Dorsaf Bejaoui Kammoun a précisé que l’élément technologie représente l’un des axes de la transformation sans pour autant en être le plus important.
Les besoins de la transformation digitale
Dorsaf Bejaoui Kammoun a rappelé l’importance de dresser les priorités. « Il faut faire un assessment ! », a-t-elle affirmé.
L’évaluation permet de mettre en place une stratégie bien structurée axée sur le digital pour appliquer la transformation. Le digital est au centre de la transformation.
La transformation, qui se base sur la rupture avec le passé, doit se munir d’un modèle d’exploitation ou de fonctionnement. Ce dernier aura pour rôle de lier la stratégie mise en place et la réalité du terrain.
« Le haut niveau », a expliqué Dorsaf Bejaoui Kammoun, représente la stratégie de la transformation digitale. « Entre le terrain et la stratégie, il peut y avoir un écart. », a-t-elle rappelé. La solution, a elle affirmé, prend la forme du modèle de fonctionnement.
La réussite du plan de transformation implique également le déblocage d’un budget. Dorsaf Bejaoui Kammoun a affirmé que la transformation mobilise énormément de budget et de ressources. « C’est pour cela qu’elle n’est pas facile à appliquer! », a souligné la responsable.
Le capital humain de l’entreprise
Pour appliquer l’ensemble de ces 3 éléments (Stratégie, modèle de fonctionnement et les opérations), l’entreprise doit s’appuyer sur la technologie mais essentiellement sur les ressources humaines.
« Le facteur humain se compose de cinq éléments! », a poursuivi la responsable. Il s’agit de la culture, l’état d’esprit, le leadership, l’organisation et les capacités et compétences.
D’après Dorsaf Bejaoui Kammoun, l’équipe de la structure doit se doter des compétences, de l’organisation, de la culture et de la volonté nécessaires. Le staff de la structure doit améliorer ou acquérir les compétences digitales nécessaires. Il a également l’obligation de se détacher de l’ancien système archaïque.
Par ailleurs, le leadership doit guider le staff tout au long de cette transformation. « Pour se faire, le leadership doit avoir une vision claire de la transformation digitale! », a précisé Dorsaf Bejaoui Kammoun.
Le Leader de la structure doit expliquer la transformation digitale et interagir à ce sujet à son staff. « Il faut le dire clairement et le faire comprendre! », a-t-elle déclaré.
Ainsi, le leader de la structure doit engager son personnel dans la transformation. A ce sujet, la responsable a évoqué la possibilité d’organiser des focus group et des enquêtes. Il doit également expliquer l’objectif et le résultat final attendu.
« La transformation doit s’opérer rapidement et en encourageant l’audace! », a affirmé Dorsaf Bejaoui Kammoun.
Par exemple, il ne faut pas exprimer de réticence face aux changements de l’organigramme de la structure.