Dans les traditions scolaires devenues, il est vrai, obsolètes, le directeur de l’école sifflait avec autorité la fin de la récréation. Il ramenait ainsi les élèves au calme de leur classe. Après un moment de défoulement réparateur, les choses sérieuses reprennent, en général selon un ordonnancement accepté par tout le monde.
L’alternance de l’apprentissage et de l’amusement a, depuis longtemps, prouvé sa validité sur des générations, dont certaines sont aujourd’hui aux rênes de ce qu’on pourrait appeler par facilité de langage, la gestion de la chose publique.
Pour le décor et en respectant l’analogie, il y a bien un directeur élu qui, d’ailleurs, n’arrête pas de siffler à tue-tête. Il y a aussi une classe politique, un peu plus âgée il faut dire que les élèves du primaire. Elle est plus âgée au vu de l’état civil, mais il n’y a aucun moyen de savoir pour ce qui est de l’âge mental. En tout état de cause, l’ambiance générale, faite de criailleries et de bousculades, y est.
Il suffit à chaque fois de tirer au sort un des avatars de la nouvelle République pour voir se déchainer les cancres de la cour de récré. Le dernier de ces avatars est la question de la Cour constitutionnelle et des prérogatives respectives du président de la République et du Parlement.
Pour faire court et étant donné que le commun du mortel a assisté à tout le spectacle en spectateur désolé, une Commission dite d’experts, chargée d’émettre un avis circonstancié sur la question, a conclu qu’elle n’avait rien à dire.
Il faut dire que le pays, manifestement plein d’experts de toutes sortes, est en panne d’expertise pour trouver des solutions politiques, économiques, sociales, sanitaires, éducatives, et quelques autres broutilles.
Mechichi, qui assure l’intérim de tout l’Etat, en sait quelque chose, lui qui réduit son action actuellement, à faire le tour des donateurs de plus en plus réticents à accorder foi à notre capacité à imaginer, ensuite à travailler pour une issue à la crise.
Les élèves qui s’incrustent derrière lui dans la cour de récré en lui faisant des pieds de nez n’encouragent pas vraiment les donateurs et les âmes charitables.
Certains de nos amis, on va les appeler comme ça, en mal de garantie pour leur fric, proposeraient d’acquérir en propriétaires des pans entiers de notre patrimoine, en terres agricoles par exemple, ou en immobilier, ou en entreprises.
Le sujet est tabou, mais il arrive au commun des mortels de vendre ou de mettre en gage les bijoux de la famille pour éviter la banqueroute. Sauf bien entendu, si on arrive à faire passer, comme en football, une défaite cuisante en victoire éclatante.
Il y en a même, parmi les experts que le monde nous envie, qui ne se sont pas sentis gênés de développer l’idée géniale que la vente de l’immobilier à nos voisins libyens n’aura aucune incidence sur la capacité des Tunisiens à acquérir des logements.
Ainsi donc, à partir du moment où des voisins au portefeuille nettement mieux garni entreront en concurrence avec les nationaux, cela n’aura aucune incidence sur les prix.
Les génies de la Bourse à Wall Street n’avaient pas vu la logique du commerce sous cet angle, certains de nos experts, si. Dans la cour de récréation, ces experts-là tiennent un peu le rôle de raquetteurs, surtout que le directeur d’école a ostensiblement le dos tourné.
En fait, le directeur d’école avait pris son bâton de pèlerin pour trouver à colmater la grosse brèche financière. Il a ainsi fait escale au Parlement européen, là où il a été proposé de créer une espèce de club dit des « amis de la Tunisie ».
L’initiative peut rapporter, d’autant qu’il faut des amitiés vraiment inconditionnelles en ce moment pour continuer à nous faire confiance. Comme idée, cela pourrait aussi inspirer notre Parlement, là où un « club des amis de la Tunisie » serait vraiment le bienvenu.
Jusque-là, l’impression persistante qui se dégage de l’hémicycle du Bardo est que les meilleurs ennemis viennent bien de chez nous.