Après 12 ans de règne ininterrompu, Benyamin Netanyahu a finalement été écarté du poste de Premier ministre d’Israël. Le nouveau gouvernement dirigé par Naftali Bennett a été officialisé in extremis dimanche 13 juin. Et ce, par 60 voix pour, 59 contre et une abstention. Le vote montre encore une fois la profonde division de la classe politique et de la société israéliennes.
Pendant les deux semaines qui ont précédé le vote du Knesset, Netanyahu s’est férocement battu. Avec pour objectif d’empêcher la formation d’un nouveau gouvernement qui serait dirigé par l’un de ses rivaux. L’activisme hystérique qu’il a déployé dans ce sens ne s’explique pas seulement par son addiction au pouvoir et son obsession d’y rester. Il s’explique, aussi et surtout, par sa peur panique de perdre l’immunité qui l’a protégé jusqu’ici. Et ce, contre les poursuites judiciaires dont il fait l’objet pour divers dossiers de corruption.
N’ayant pu empêcher la formation du nouveau gouvernement, Netanyahu n’a pas pu s’empêcher non plus d’afficher devant les caméras l’intensité de la haine, de la rancœur et de la frustration qui le consumaient. En effet, dans son dernier discours prononcé à la Knesset après le vote, Netanyahu s’est déchainé contre tout le monde. Ses attaques au vitriol ont ciblé son successeur Naftali Bennett. Mais aussi les « traitres » de la droite israélienne, la gauche, la presse, l’Iran, et même les présidents américains.
« Nous reviendrons »
S’adressant d’abord à ses partisans, il les a assurés qu’il ne quitterait pas la politique. De même qu’il entendait rester chef de l’opposition, chef du Likoud et candidat du parti au poste de Premier ministre, lors des prochaines élections. « C’est un jour de fête pour la presse. Mais un jour difficile pour des millions de citoyens d’Israël. Je vous demande de ne pas perdre le moral. Nous reviendrons. Je vais vous conduire dans une lutte quotidienne contre ce dangereux gouvernement de gauche pour le renverser. Et avec l’aide de Dieu, cela se produira beaucoup plus rapidement que vous ne le pensez. »
Ayant rassuré ses partisans, Netanyahu tournait ensuite en dérision son successeur. « Après l’avoir entendu parler durement de l’Iran, je suis encore plus inquiet. Car Naftali Bennett dit toujours le contraire de ce qu’il fait. » Il a donc exprimé sa profonde inquiétude. Car, dit-il le plus sérieusement du monde, après lui, « il n’y aura personne pour défendre Israël contre le danger iranien. Bennett n’a pas la stature internationale, les connaissances, le gouvernement ou la confiance du public à prendre au sérieux lors de la lutte contre la menace iranienne. Un Premier ministre israélien doit être capable de dire non au président des États-Unis sur des questions qui mettent notre existence en danger. »
Ainsi, échouant à maitriser son hystérie anti-iranienne, Netanyahu s’est ridiculisé; tellement ses attaques contre la volonté américaine de renouer avec l’accord nucléaire iranien étaient absurdes. En effet, il n’a pas hésité à faire des comparaisons hasardeuses. Comme de comparer le retour prévu du président américain Joe Biden à l’accord iranien à « la négligence des États-Unis envers les Juifs européens pendant l’Holocauste ». Plus ridicule encore, il a comparé ce retour au « refus de l’ancien président américain Franklin Delano Roosevelt de bombarder les voies ferrées menant à Auschwitz lorsqu’il en avait l’occasion. »
« De l’extrême droite juive à l’extrême droite islamiste »
Après avoir entendu dimanche 13 juin les fanfaronnades ridicules et les péroraisons absurdes de l’ex-Premier ministre, les Israéliens se sont réveillés lundi avec les mêmes divisions. La moitié fête la fin de douze années de règne ininterrompu du chef du Likoud, l’autre moitié pleure « le bon vieux temps de Netanyahu. »
Mais qu’ils soient pour ou contre Netanyahu, tous les Israéliens se demandent combien de temps le nouveau gouvernement pourra-t-il tenir? Le fait est que ce gouvernement est d’une extrême fragilité. Pour la première fois depuis la création d’Israël, le Premier ministre est le chef d’un petit parti d’extrême droite « Yamina ». Lequel ne dispose que de six députés à la Knesset. Les huit partis qui forment la nouvelle coalition gouvernementale vont de l’extrême droite juive à l’extrême droite islamiste, en passant par des partis laïques de gauche et de centre-droit…
Ainsi, seule leur détermination à se débarrasser de Netanyahu a uni ce fatras politique composé de partis idéologiquement aux antipodes les uns des autres. Réussiront-ils à tenir ensemble quatre ans jusqu’aux prochaines élections? Ou la coalition volera-t-elle en éclat au premier accroc entre ses membres?