Au moins de juin, c’est le retour saisonnier de la fièvre des diplômes. A l’aide de force effets de communication, on apprend chaque année que d’importantes forces de police (et de forces armées) sont mises à contribution pour assurer la sécurité des examens dits nationaux. L’image est sécurisante, mais elle n’en reste pas moins alarmante quand on réexamine les objectifs.
Le baccalauréat, ce fleuron quelque peu désuet de notre système éducatif, tient de plus en plus de l’exercice contraint que d’un véritable enjeu de société, de qualité de diplôme et encore moins de fenêtre sur l’avenir professionnel.
Tout le monde le sait, mais tout le monde fait encore semblant. Il n’est aucunement question de remettre en question l’importance de l’instruction dans la formation des élèves, citoyens d’une cité encore plus vertueuse par le savoir. Mais il ne se passe pas un jour sans que se manifeste cette incapacité de l’école, à tous les niveaux, d’instruire des enfants en manque d’éducation, surtout en ces temps de Covid.
Les temps passablement héroïques de l’ascenseur social par le diplôme sont très sérieusement dépassés. On n’a qu’à jeter un coup d’oeil du côté de la Cité Sijoumi pour s’en rendre compte.
Comment les blâmer, alors que des franges entières de diplômés se retrouvent sur le bord de la route, au grand désespoir des familles, qui ont investi les plus grands sacrifices et de la Nation, qui ne sait plus quoi faire de dizaines de milliers de jeunes en rupture avec tout projet d’avenir ?
Encore une fois, les solutions trouvées, il y a un demi-siècle, ne correspondent plus à grand-chose : pour les jeunes, pour la famille et pour la Nation.
« Le baccalauréat, ce fleuron quelque peu désuet de notre système éducatif, tient de plus en plus de l’exercice contraint que d’un véritable enjeu de société, de qualité de diplôme et encore moins de fenêtre sur l’avenir professionnel »
Les différentes crises dans les régions rappellent la même chose : pas de salut sans résolution de la question du chômage des jeunes. Pour le moment, beaucoup de ceux qui ont gravi les échelons des diplômes n’entrevoient pas de solution pour gagner dignement leur vie.
L’Etat, puisque c’est lui que l’on interpelle à tous les coups, n’a pas vraiment de solutions. Même nos créanciers conditionnent de plus en plus leur soutien par le dégraissage des charges humaines qui pèsent sur la puissance publique.
On pourra, bien entendu, épiloguer sur les modèles de développement, on revient toujours au même constat. Et il n’est pas vraiment nouveau chez nous, même quand les idéologues de tout bord disent, chacun de son côté, vouloir inventer le fil à couper le beurre. A l’opposé, les statistiques les plus sérieuses continuent à faire le décompte
des départs de jeunes diplômés et de compétences avérées vers l’étranger.
C’est par dizaines de milliers que des Tunisiens trouvent que les chances de
réussite se réduisent tellement chez nous que la première occasion d’aller voir ailleurs sera la bonne. Et comme il faut bien ajouter au nombre tous ceux qui optent pour les départs clandestins et périlleux, on se rend compte que les divisions surexposées de la « vie » politique agissent avec force comme levier de décrochement national. La guerre de tranchées annoncée et consommée entre les têtes de l’exécutif en est certainement pour quelque chose.
Ces départs massifs posent, bien entendu, des questions sur le sentiment d’appartenance à une aventure commune qui relevait du rêve et qui semble, par certains côtés et pour certains, relever du cauchemar. Une Nation désormais mise à nu, à l’image de l’enfant de Sijoumi ou des chiffres de morts par Covid qui s’alignent, sans vraiment émouvoir grand monde.