Le rapport de l’Inspection générale du ministère de la Justice relatif à l’ancien procureur de la République près le Tribunal de première instance de Tunis, Béchir Akremi, fait état de 6268 dossiers liés à des affaires terroristes qui n’ont pas été traités. Ils ont été mis de côté de 2016 à 2020, a souligné le Collectif de défense des martyrs Chokri Belaïd et Mohamed Brahmi.
Imen Gzara, membre du Collectif de défense, a indiqué, lors d’une conférence de presse, jeudi, à Tunis, que le même rapport révèle que 1361 autres dossiers à caractère terroriste ont été abandonnés par les tribunaux de droit commun et n’ont même pas été consignés. D’après elle, le Conseil supérieur de la Magistrature a passé sous silence le rapport de l’Inspection générale du ministère de la Justice et refusé de révéler son contenu ou d’en informer le reste des magistrats.
L’inventaire, réalisé sur des affaires datant de 2016 à 2020, a montré l’existence de procès-verbaux de police (affaires à caractère terroriste) qui ont été transférés au juge Béchir Akremi, mais au sujet desquelles il n’a pris aucune décision.
Selon le Collectif de défense, l’ancien procureur de la République a pris des décisions concernant le classement de certaines affaires ou l’ouverture d’informations judiciaires, qui sont restées sans date, ni signature. Les avocats ont affirmé, dans ce sens, qu’il y a eu 56 décisions d’ouverture d’enquêtes sur des affaires terroristes qui n’ont pas été transmises au secrétariat, ni transférées aux juges d’instruction.
Imen Gzara a, en outre, indiqué que 118 affaires terroristes transférées par le Tribunal militaire au Pôle antiterroriste n’ont pas été tranchées ou incluses dans les dossiers.
L’avocate a accusé Béchir Akremi d’avoir empêché les juges d’instruction ainsi que les magistrats des chambres d’accusation et chambres pénales au Tribunal de première instance de Tunis et à la Cour d’appel d’établir la vérité sur ces affaires.
Pour sa part, l’avocat Ridha Raddaoui, membre du collectif de défense, a estimé que Béchir Akremi protège les groupes terroristes en Tunisie « qui sont, aussi, protégés par des acteurs politiques ».
« Plus de 20 mille terroristes circulent en Tunisie sans être inquiétés et sont sous la protection du pouvoir judiciaire ». Ainsi s’est-il indigné, ajoutant que « la protection judiciaire » des groupes terroristes à Chaâmbi et Samema doit s’arrêter.
Bechir Akremi, qui a été promu depuis qu’il a été chargé du dossier de l’assassinat de Chokri Belaïd, procède à la couverture de leurs crimes, selon Raddaoui. « Il doit être poursuivi, en pénal, pour plusieurs dépassements qu’il a commis ».
Parmi ces dépassements, a-t-il précisé, sa position dans l’affaire Ameur Belazzi, accusé d’avoir dissimulé les armes utilisées dans l’assassinat de Chokri Belaïd et le dossier relatif à la voiture utilisée dans la même affaire.
Il a appelé les hauts responsables à la tête des structures judiciaires à faire preuve de courage et à placer la sécurité nationale au dessus de leurs propres intérêts, les incitant à divulguer le contenu du rapport et à le soumettre au nouveau procureur de la République près le Tribunal de première instance de Tunis.
« Il faut que ce dernier se penche sur le dossier de Bechir Akremi avec tout le sérieux requis et fasse en sorte qu’il soit poursuivi pour les crimes qu’il a commis pour couvrir le terrorisme », a-t-il insisté.
De son côté, Naceur Aouini, avocat, a indiqué que le collectif de défense a été informé que le Conseil de l’ordre judiciaire, qui publiera, jeudi, sa décision concernant Béchir Akremi, « oeuvre à couvrir les crimes de ce dernier et à le sortir de l’affaire avec le moins de dégâts possibles ».
Pour lui, les tentatives visant à innocenter Béchir Akremi et à ne révéler que l’aspect relatif au dossier du premier président de la Cour de cassation, Taieb Rached, dans le rapport d’inspection générale, s’inscrivent dans le cadre d' »une politique méthodique pour blanchir le terrorisme ».
Le collectif de défense va diffuser le rapport d’inspection concernant Béchir Akremi sur sa page facebook, a-t-il assuré, s’engageant à traduire le rapport dans deux langues étrangères et à adresser une correspondance aux instances internationales et indépendantes qui financent les programmes de réforme judiciaire en Tunisie.
Avec TAP