A la base du financement d’une économie, il y a l’épargne des agents économiques, ménages et entreprises.
Le taux d’épargne nationale n’a jamais été aussi faible, passant sous la barre de 1% en 2020. Mais en valeur absolue, quelle est la taille de cette épargne ?
Plus de 31 milliards de dinars d’épargne
Selon la BCT, l’épargne totale auprès des banques (hors celle logement) s’est établie à 23 425 MTND fin février 2021. Depuis le début de l’année, c’est une progression de seulement 225 MTND.
Pour l’épargne logement auprès de la BH Bank, elle est de 842 MTND. En ce qui concerne la Poste, l’épargne collectée est de 7 085 MTND, un recul de 47 MTND sur les deux premiers mois de 2021.
Ces statistiques ont du sens. Si nous regardons la moyenne mensuelle de constitution d’épargne dans le secteur bancaire, nous constatons qu’elle était de 155 MTND en 2018, 128 MTND en 2019 puis 250 MTND en 2020. Cette année, le début est avec 112 MTND, un niveau qu’il faut remonter à 2016 pour le retrouver.
Impact de la crise
Les clients des banques sont généralement des personnes qui bénéficient d’une certaine stabilité professionnelle, leur permettant d’avoir un petit matelas de sécurité. Avec les conditions économiques difficiles, cette capacité d’épargner a commencé à s’effriter.
La hausse de 2020 s’explique par la période du confinement général et aux mesures exceptionnelles qui ont permis à une large partie des salariés d’obtenir leurs rémunérations complètes sans engager les dépenses habituelles.
En 2021, la situation économique s’est encore dégradée. Le chômage a explosé, réduisant de facto les revenus des ménages. La succession des épisodes de couvre-feu et de limitations de circulation a limité la consommation et la production des entreprises qui n’ont plus la même trésorerie et sont en train d’alléger leurs effectifs.
Les clients de la Poste, implantée essentiellement dans les zones intérieures peu bancarisées, ont généralement des revenus plus faibles que ceux des titulaires de comptes bancaires. Cette partie des tunisiens a reçu de plein fouet l’effet de la crise et est en train de puiser dans ses réserves pour subsister.
Des mois durs à venir
En tout, l’épargne ne devrait pas afficher de bonnes performances cette année, surtout avec une saison estivale sous le signe de la pandémie. Les dernières mesures anti-COVID, avec une bonne partie des fonctionnaires de l’Etat qui se sont trouvés obligés de prendre leurs congés durant les trois premières semaines de juillet aura des conséquences sur la dynamique du tourisme interne.
Pour une longue liste de villages côtiers, la location de maisons de gré à gré et le flux de tunisiens durant juillet et août sont une opportunité pour gagner de l’argent pour le reste de l’année. Les priver de ces ressources est un coup dur.
Ce n’est qu’un exemple de cercle vicieux qui bloque le pays : les ménages consomment moins, les entreprises produisent moins et paient moins de salaires, les revenus des ménages baissent et se trouvent obligés de puiser dans leurs épargnes, la capacité de financement des banques s’affaiblie, ce qui asphyxie encore les entreprises.
Si c’est le cas des personnes qui ont un accès aux services financiers, que dire de ceux qui n’ont pas de sources de revenus ? C’est là tout l’enjeu que même le Gouvernement est en train de mettre dans l’équation qui dicte les mesures anti-COVID.
Toutefois, la réalité est plus complexe car nous allons nous retrouver dans la spirale que nous venons de décrire et qui va tuer plus d’entreprises que de personnes.
Une seule chose est sûre : la Tunisie ne pourra pas supporter encore des mois au rythme actuel, ni économiquement ni socialement. En effet, seuls des choix forts sur la base de ce que dicte la science, des mesures d’accompagnement social et une vraie application de la loi pourrait sauver un pays en détresse.