L’IACE a tenu la sixième édition du Tunisia Economic Forum. Un débat très intéressant a eu lieu sur les ondes d’Express FM entre Marouane Abbassi, le Gouverneur de la Banque Centrale, Ahmed EL KARM, le banquier chevronné et Moez Laabidi, l’un des meilleurs économistes de la place.
Moez Laabidi : la priorité, c’est réformer
Pour ce dernier, tous les efforts semblent être axés sur la clôture de l’exercice budgétaire alors qu’en réalité, nous avons besoin de réformes pour augmenter la croissance potentielle et réelle. Cela rapportera plus de recettes et permettra, à terme, de réduire les taux. Retrouver la confiance dans l’économie réduira les primes de risques et donc le coût de financement des entreprises. Toutefois, pour qu’une réforme soit efficace, il faut mettre en place un cadre réglementaire pour l’épauler de sorte à éviter les dérapages, notamment en ce qui concerne le code de change.
Concernant le financement du budget par création monétaire, Laabidi a insisté sur la dangerosité de cette démarche. Même si certaines études ont prouvé que l’inflation n’a pas augmenté suite à une telle technique, une hausse des prix a été observée au niveau des prix des actifs et via les spéculations sur la tendance des prix et des importations.
Ahmed El Karm : restructurer la dette est inévitable
Pour Ahmed El Karm, les réformes sont connues, mais les financements extérieurs urgent également. Ce qu’il faut maintenant ce sont des réformes de ruptures tout en allant chercher la liquidité qui circule dans le marché parallèle, estimée selon lui à 16,5 milliards de dinars. Ce chiffre a d’ailleurs été contesté par le Gouverneur qui selon lui, il serait de l’ordre de 4 milliards de dinars seulement. Une amnistie permettra de collecter une partie de cette masse monétaire hors contrôle. Idem pour les devises et l’implication des bureaux de change est une piste envisageable. Mais tous ces efforts ne seront pas suffisants et un passage par la restructuration de la dette est inéluctable.
Marouane Abbassi : Avoir le courage de ne pas opter pour les solutions faciles
Pour le Gouverneur de la BCT, financement et réformes sont intimement liés et avancent en parallèle. Le meilleur exemple est celui des banques publiques, dans lesquelles l’Etat a injecté des fonds et amélioré la gouvernance qui leur ont permis d’améliorer leurs fondamentaux et de participer activement au financement de l’économie.
Ce qu’il faut faire aujourd’hui c’est de se mettre d’accord sur les tendances faciles et de se mettre d’accord sur un ensemble de principes simples : ce qu’il faut financer c’est l’investissement, la production et les exportations. Financer les salaires, donc l’inflation, n’est plus permis. Actuellement, les banques sont en train de financer les sociétés pour les maintenir en vie, pas pour croître. Après la levée des mesures exceptionnelles de report des paiements des échéances fin septembre, des secteurs entiers vont se retrouver dans une situation délicate. Même le modèle de refinancement des entreprises est à revoir en profondeur.
Le cercle vicieux dans lequel la Tunisie s’est enfermée doit être brisé à travers les bonnes décisions. Le pays a une dernière chance pour redresser son modèle avant que ce ne soit trop tard.
La Tunisie a besoin de réformes et de financements alors que la fenêtre de tir est plus que jamais étroite.