Adopté à une large majorité, dans des conditions troubles, le projet de loi sur la relance économique et la régularisation des infractions de change comporte des mesures courageuses. Mais également, selon ses détracteurs, des zones d’ombre. Décryptage.
Bien qu’il ait été adopté récemment à une confortable majorité dans l’hémicycle, le projet de loi sur la relance économique et la régularisation des infractions de change est loin de faire l’unanimité; en dépit de son aspect séduisant. Le diable n’est-il pas dans les détails?
Montant au créneau pour répondre aux critiques acerbes sur certaines parties de ce projet de loi, le ministre de l’Economie, des Finances et du soutien à l’Investissement, Ali Kooli, est passé à l’attaque. « Ce projet de loi a été soumis au Parlement par le gouvernement Fakhfakh. Il comprenait de nombreuses bonnes idées et des mesures courageuses ».
« C’est pour cela que je m’interroge sur la bonne foi de ceux qui étaient à l’époque dans la coalition au pouvoir et qui sont maintenant dans l’opposition. Ces mêmes personnes critiquent ce projet en utilisant des adjectifs outranciers ». Ainsi soulignait le ministre, hier mercredi sur les ondes d’Express FM.
Kooli : « Des mesures révolutionnaires »
« Parmi les dispositions adoptées, une mesures révolutionnaire, dont je suis fier, et qui permettra à tous les Tunisiens et à toutes les familles tunisiennes d’avoir un logement, à des conditions très avantageuses, avec un taux fixe ». C’est encore ce qu’ajoutait M. Kooli.
Et de rappeler les autres dispositions relevant de la loi sur la relance économique. Telles que:
- L’ouverture d’une ligne de financement des crédits immobiliers;
- L’autorisation de l’ouverture de comptes en devises ou en dinars tunisiens;
- Ainsi que la facilitation d’accès au logement avec un taux d’intérêt qui ne dépasse pas les 3%. Précisant à l’occasion que les Tunisiens peuvent désormais bénéficier des crédits plafonnés à 500 mille dinars, remboursables sur 40 ans, avec un taux bonifié et sans autofinancement.
En outre, ajoute le ministre des Finances, cette loi prévoit la mise en place d’une ligne de financement d’un montant de trois milliards de dinars. Et ce, au profit des entreprises impactées par les conséquences de la pandémie de Covid-19. Par conséquent, les entreprises éligibles à ce plan de relance bénéficieront d’un prêt remboursable sur sept ans. Avec un délai de grâce de deux années et un taux d’intérêt annuel fixe ne dépassant pas les 3%.
Pour rappel, ce projet de loi controversé sur la relance a été adopté lundi 12 juillet 2021, à l’ARP, par 110 voix pour, sept contre et cinq abstentions. Et ce, lors d’une plénière perturbée par un changement de la salle sans que les députés n’en soient avertis. Sous le prétexte risible de la nécessité de désinfecter l’hémicycle!
Walid Ben Salah : « Une amnistie pour les vendeurs de drogue »
Soulignons à ce propos que l’expert-comptable Walid Ben Salah a vivement réagi à certains articles de ce projet de loi, notamment l’article 13. « Cet article prévoit que chaque année, un contrebandier, un commerçant de devises ou un vendeur de drogue, pourra bénéficier de cette amnistie et verser l’argent qu’il a amassé dans son compte en devises après avoir payé les 10% exigés, sans aucune poursuite d’aucune nature ». C’est ce qu’indique son post publié hier mercredi sur son compte FB.
Par contre, affirme l’expert-comptable, « les professionnels, les salariés, les promoteurs de projets et chef d’entreprises, les citoyens organisés respectant la loi, devront payer au moins 20% d’impôt sur leurs revenus, dont une partie importante sera prélevée directement en tant que retenue à la source. »
Mongi Rahoui : « Une loi pour les contrebandiers »
Même réaction virulente de la part du député du Front national Mongi Rahoui. En effet, il rappelle que cette loi a été refusée à maintes reprises. « Elle a été proposée par Béji Caïd Essebsi dans le cadre de la loi de réconciliation nationale. Puis, la commission des finances l’a également rejetée à l’occasion de la loi de finances de 2016. Ensuite, la commission des finances de l’ARP l’a rejetée à deux reprises en 2017 et 2019 ».
Et de marteler: « Cette loi sert les intérêts des contrebandiers et du marché parallèle de devises. Lesquels auraient fait pression pour la faire passer ».
« Cette loi est bénéfique pour les personnes ayant transféré leur fortune à l’étranger ou détenant des biens non-déclarés. Ces derniers ont vu leur fortune à l’étranger s’accroître à travers le marché parallèle des devises ou en trafiquant des factures »; affirmait-il hier mercredi sur les ondes de Mosaïque FM.
« Ces actes portent atteinte à l’intérêt national », concluait M. Rahoui.