Le chef du gouvernement a porté le coup de grâce à son ministre de la Santé, Faouzi Mehdi, au milieu du rebond de la Covid-19. A-t-il été sacrifié pour une bourde monumentale qu’il aurait commise dans sa gestion de la crise sanitaire ou pour des calculs politiques? Analyse.
Ironie de l’histoire. Mechichi sait-il que le ministre Faouzi Mehdi qu’il vient de limoger brutalement, pourrait récupérer demain son ancien bureau au sein du ministère de la Défense? Où par ordre du président de la République relayé mercredi 21 juillet 2021 par la chaine Al-Arabiya, la direction de la santé militaire gérera désormais la crise sanitaire.
En d’autres termes, toutes les aides internationales en vaccins et équipement médicaux seront supervisées par les militaires. Sachant que le professeur agrégé en médecine préventive, Faouzi Mehdi, était directeur des services techniques, de la formation et de la recherche médicale à la direction générale de la santé militaire. Ainsi, par retour de boomerang, Hichem Mechichi devra référer désormais aux services de son ministre récemment écarté.
Et c’est probablement dans cette perspective qu’il a été accueilli, dans la soirée d’hier mercredi au palais de Carthage par le président de la République?
Saïed : Il s’agit de « l’assassinat de citoyens »
Lors de cette rencontre, le chef de l’Etat s’est exprimé par des mots très durs. Affirmant qu’on parle désormais de « l’assassinat des citoyens » et considérant ce qui s’est produit devant les centres de vaccination le jour de l’Aïd comme « un crime à l’encontre de la Tunisie ».
Qui en est responsable? « Alors que l’Etat cherche à fournir de l’oxygène au Peuple, certains cherchent à faire propager la pandémie rien que pour accuser X ou Y d’échec en raison de son rapprochement avec le chef de l’Etat. Ainsi, martelait Kaïs Saïed.
Nous devinons facilement que « certains » cherchaient à saboter le travail de Faouzi Mehdi à cause de sa proximité avec le président de la République. Mais de là à les accuser de « faire propager la pandémie », c’est gravissime. Mais fidèle à ses habitudes, il refuse de les nommer, nous laissant dans le brouillard le plus opaque.
Toutefois, il ajoute que toutes les « parties » qui seraient à l’origine des scènes qui se sont produites hier devant les centres de vaccination « devraient assumer pleinement leur responsabilité ». Une énième menace en l’air contre son chef du gouvernement Hichem Mehichi et sa ceinture politique composée essentiellement d’Ennahdha?
Quid du limogeage de Faouzi Mehdi?
Simple jeu de devinette. Le limogeage de Faouzi Mehdi était-il motivé par la mauvaise gestion de l’action « journées portes ouvertes » dans certains centres de vaccination durant le premier jour de l’Aïd? Avec son lot de scènes de chaos causées par la grande affluence des citoyens. Sans aucune mesure pour encadrer la foule et la protéger des risques de contaminations devant les centres de vaccination?
Ou par les récentes apparitions de l’ancien ministre de la Santé à côté de la cheffe du cabinet de Kaïs Saïed, Nadia Akacha, lors des cérémonies de réception du matériel médical à l’aéroport Tunis-Carthage?
Mechichi : « Un dysfonctionnement extraordinaire »
Sautant sur cette aubaine, le chef du gouvernement Hichem Mechichi, fait rarissime dans les annales de la République, a chargé hier mercredi la ministre de la Justice par intérim, Hasna Ben Slimane, d’initier une action en justice auprès du Ministère public. Et ce, à propos de l’ouverture des centres de vaccination le jour de l’Aïd « sans coordination avec les autorités sanitaires et sécuritaires ».
« L’ouverture des centres de vaccination a eu lieu de façon aléatoire et sans assurer les doses nécessaires pour les tranches d’âge appelées à se faire vacciner ».
« De plus, ajoute un communiqué de la présidence du gouvernement, elle s’est faite aussi sans coordination avec les autorités centrales et régionales de la santé et de la sécurité; et ce, le jour de l’Aïd Al-Idhaa. Ce qui entrainé une affluence massive de la part des citoyennes et citoyens et créé de l’anarchie et des attroupements en temps de pandémie. Provoquant la propagation de la contamination et des dommages à la santé des citoyens ».
Et d’enfoncer le clou: « Nous avons fait une évaluation de la direction à la tête du ministère il y a six mois. Aujourd’hui, il s’avère que cette décision était juste, preuve à l’appui. Nous avons patienté tenant compte de l’intérêt de l’Etat. Maintenant, ce n’est plus possible et ce sont les Tunisiens qui en font les frais. Il y a un dysfonctionnement extraordinaire à la tête du ministère. Je ne reconnais plus le département bien qu’il regorge de compétences scientifiques et managériales. Mais les cafouillages enregistrés lors de la gestion quotidienne de la crise ont fait que nous prenions cette décision ». Ainsi, déclarait Hichem Mechichi via un communiqué émanant de la présidence du gouvernement.
En effet, Mechichi veut clairement traduire en justice son ex-ministre de la Santé, l’accusant d’avoir mis la vie de ses concitoyens en danger.
Or, Faouzi Mehdi a-t-il pris cette décision sans avertir son patron, le ministre de l’Intérieur par intérim, rien que pour encadrer ces journées de vaccination portes ouvertes? Difficile à croire qu’un militaire de formation commette une bourde pareille. A moins qu’il ne soit poussé à la faute?
L’honneur d’un soldat
Réponse amère et désabusée de l’intéressé ayant « appris la nouvelle comme tout le monde dans les médias après avoir été alerté par un ami ».
« Mes trente années de militaire m’ont appris que chaque mission avait un début et une fin et je ne rendrai mon arme qu’après avoir confié la responsabilité à celui qui me succédera ». Ainsi, réagissait hier matin par écrit le ministre remercié sur sa page personnelle.
« J’ai servi au ministère de la Santé avec l’esprit du ministre, les valeurs du médecin et l’honneur du soldat et je n’ai jamais permis aux tourments politiques de m’atteindre. Comment pourraient-ils m’atteindre alors que je vois, chaque jour, leurs sables mouvants engloutir la vie des gens? »
Pourtant, il a été englouti par les « sables mouvants » de la scène politique.