A quelques exceptions près, les chancelleries étrangères ont réagi avec une certaine bienveillance aux récents événements en Tunisie, unique démocratie du monde arabe.
Il ne faut pas se bercer d’illusions. Les récentes annonces surprises du président de la République, Kaïs Saïed, notamment le gel du Parlement et le recours au fameux article 80 de la Constitution apparenté par certains à un coup d’Etat version light, n’auraient pas été envisageables sans l’aval préalable, voire une certaine bienveillance, des grandes puissances régionales et internationales.
Une bienveillance de la part de notre grand voisin algérien, l’ami de toujours et le socle sur lequel la Tunisie s’est toujours adossé. Un wait and see prudent de la part de la nouvelle administration américaine très sourcilleuse en matière du respect des libertés et des droits de l’Homme. Une caution de la France au regard de la proximité historique des deux pays. Et, enfin, l’encouragement de l’Arabie saoudite et des Emirats, deux monarchies du Golfe soucieuses d’en finir avec l’islam politique, véritable gangrène des temps modernes.
Washington: « Ce n’est pas un coup d’Etat »
Ainsi, Washington a réagi presque sur le champ, lundi 26 juillet 2021, aux décisions du président de la République annoncées dans la soirée du dimanche dernier. Et ce, en refusant de qualifier les décisions de Kaïs Saïed de « coup d’Etat ».
Ceci dit, soulignait la porte-parole de la Maison Blanche Jen Psaki lors d’un point de presse, Washington a engagé des analystes pour déterminer sa position à ce sujet.
Mme Psaki a lancé « des appels au calme ». En s’engageant « à soutenir les efforts des Tunisiens pour aller de l’avant suivant les principes démocratiques ». Notant au passage que l’Administration américaine préoccupée par les récents développements « maintient un contact au plus haut niveau ».
Une position prudente de la part des Américains qui balayent d’un revers de main l’accusation d’un putsch perpétré par le Président tunisien, tout en lançant un discret avertissement à une possible dérive autoritaire.
Paris : une neutralité bienveillante
Pour sa part, « la France suit avec la plus grande attention l’évolution de la situation politique en Tunisie. Elle souhaite le respect de l’État de droit et le retour, dans les meilleurs délais, à un fonctionnement normal des institutions, qui doivent pouvoir se concentrer sur la réponse à la crise sanitaire, économique et sociale ». Ainsi publiait le ministère français des Affaires étrangères via un communiqué publié lundi 26 juillet pour revenir sur les événements en Tunisie.
« Dans le plein respect de la souveraineté de la Tunisie, la France appelle également l’ensemble des forces politiques du pays à éviter toute forme de violence, et à préserver les acquis démocratiques du pays. La France se tient aux côtés des Tunisiens face aux défis auxquels leur pays est confronté », ajoute le communiqué.
La main tendue du FMI
Par ailleurs, le Fonds monétaire international s’est montré prêt « à continuer à aider la Tunisie afin de faire face à l’impact de la crise de la Covid-19, à réaliser une reprise « riche en création d’emplois et à rétablir la viabilité des finances publiques », a déclaré lundi 26 juillet 2021, un porte-parole du FMI à l’agence de presse Reuters.
Algérie : dans l’attente d’une position officielle
Si Alger suit de près la situation en Tunisie, la position officielle se fait attendre. A signaler que Kaïs Saïed s’est entretenu hier lundi au téléphone avec son homologue algérien Abdelmadjid Tebboune. Les deux présidents « ont échangé sur les derniers développements en Tunisie, sur les relations algéro-tunisiennes et les moyens de les renforcer ». C’est ce que précise un laconique communiqué de la présidence algérienne sans plus de détails.
A Ryad, le ministre des Affaires étrangères saoudien a affirmé que son pays « soutient toutes les mesures qui mènent à la stabilité de la Tunisie ». Tout en réitérant « l’attachement du royaume à la sécurité de la Tunisie ».
L’attitude tranchante de la Libye
A noter que dans le monde arabe, la Libye a été la première à réagir. Khaled el-Mechri, président du Haut Conseil d’État grand dignitaire de la ligue des frères musulmans a dit refuser « tout coup d’État aux dépens des corps élus et tout sabotage des processus démocratiques ». Il a même osé comparer la situation suite aux événements survenus le 25 juillet à Tunis avec le putsch de 2014 du général Haftar.
Prudence qatarie
De son coté, le Qatar a appelé à « faire prévaloir la voix de la sagesse et à éviter toute escalade », dans un communiqué de son ministère des Affaires étrangères. Doha, également soutien traditionnel des islamistes tunisiens, espère que « la voie du dialogue sera adoptée pour sortir de cette crise ».
Turquie : une attitude policée
Enfin, le ministère turc des Affaires étrangères se dit « profondément préoccupé par la suspension des activités du Parlement en Tunisie ». Ajoutant qu’il souhaite « le retour à la légitimité démocratique en Tunisie, le plus rapidement possible, selon les dispositions de la Constitution ». Une réaction prudente qui tranche avec la proximité affichée entre le pouvoir islamiste de Recep Tayyip Erdoğan et Montplaisir.