Hier, le Président Kaïs Saïed s’est réuni avec le Ministre du Commerce et du Développement des Exportations. Et il a adressé un discours aux Tunisiens, parmi les plus importants depuis le 25 juillet. Il a touché, de nouveau, la question des circuits de distribution, de la corruption et des prix.
Les circuits de distribution ont été qualifié de circuit de la famine par le Président qui n’a pas mâché ses mots envers ceux qui cherchent à perturber le fonctionnement normal de l’acheminement des marchandises du producteur jusqu’au consommateur final. Ils créent un phénomène de rareté qui pousse les prix à la hausse. Des partis politiques seraient derrière ces agissements qui visent à persécuter la population.
Circuits de famine qui poussent les prix
Dès le lendemain du 25 juillet, Kaïs Saïed a tenté d’agir sur l’inflation en lançant une série de réunions avec les responsables des groupements professionnels des producteurs et/ou distributeurs des matières sensibles. Une réaction partielle a été observée, mais qui est restée limitée et en trompe l’œil. A travers son intervention d’hier, le Président a été clair. Les acteurs des circuits de distribution ont deux choix: soit ils baissent les prix, soit ils seront obligés de le faire par la force de l’Etat qui ne restera pas les bras croisés.
Du vrai et du faux
Ce que Kaïs Saïed a dit est vrai, notamment en matière de produits agricoles. Il y a toujours ce phénomène de stockage pour certains produits saisonniers et très demandés. Les petits agriculteurs n’ont pas les moyens d’acheminer quotidiennement leurs productions aux marchés et des spéculateurs profitent de cette situation pour collecter cette production et imposer les prix.
Mais pour les produits fabriqués, ce n’est pas toujours le cas. La réalité des industriels tunisiens est beaucoup plus difficile que ce pense la majorité. Sur les dernières années, les prix des matières premières ont flambé, les charges d’exploitation, le coût de l’emploi, les impôts et les taxes, les taux d’intérêt. Rien n’a échappé à la hausse et c’est tout à fait normal de voir les prix du produit final s’envoler. Il y a une marge minimale à conserver, sinon il vaut mieux mettre la clé sous la porte.
De plus, il ne faut pas oublier que nous évoluons dans une économie ouverte et libre. Le prix est la résultante de l’offre et de la demande. Là, ce que le Président a oublié c’est que le marché parallèle sert parfois à équilibrer les prix. C’est l’une des rares facettes positives de l’économie souterraine. Nous pouvons prendre l’exemple simple des fruits secs et l’envolée des prix après l’arrêt des principaux contrebandiers qui importent illégalement ces produits.
Une solution durable nécessite du travail et du temps
Pour atteindre l’objectif final de prix accessibles à la population, il faut agir sur toute la chaîne de chaque produit. Tenter d’intervenir sur la marge finale du vendeur n’est pas toujours suffisant et équitable. C’est un effort de compréhension des caractéristiques de chaque activité, de digitalisation et de contrôle qui nécessite des années.
Les professionnels commencent donc à s’inquiéter car il semble que c’est le bout de la chaîne qui risque de payer la facture. D’ailleurs, cette politique ne pourra jamais donner les résultats escomptés. Le meilleur exemple est celui des banques qui n’ont pas pu agir sur les taux. Car c’est lié à toute l’équation macrocosmique.
Une dose d’inflation est toujours nécessaire pour inciter à l’investissement. Au Japon ou en Europe, des politiques monétaires sont mises en œuvre pour la doper et la pousser vers les 2-3%. Stopper l’évolution naturelle des prix a des conséquences sur l’investissement.
Maintenant, certains commencent à s’interroger sur la possibilité de voir certains secteurs sanctionnés dans les mois à venir par des réglementations, notamment en matière fiscale. Le Président a fait référence hier à des lois imposées ou modifiées en faveur des lobbys qui contrôlent certains secteurs.
Certes, l’arsenal juridique actuel est perfectible et nécessite des réformes. Mais l’essentiel est de le modifier dans le but de réguler le marché et de garantir une concurrence saine qui ne peut que réduire les prix.